« Le miroir aux alouettes » : A quoi servent les sondages électoraux ?


De plus en plus, une campagne électorale se limite au commentaire des sondages d'opinion. Le procédé n'est pas sans danger : il fait passer au second plan la question du projet politique des différents candidats et réduisent leur programme à des pour

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 08/03/2010 PAR Vincent Goulet

Le problème des sondages d’opinion, c’est qu’on demande à des gens de répondre à des questions qu’ils ne se posent pas. On vous appelle un soir chez vous, vous êtes en train de baigner vos enfants ou de préparer le diner, et on vous demande à brûle pourpoint : « Pour qui avez-vous l’intention de voter dimanche prochain ? ». La plupart du temps, on ne s’est pas encore posé la question et on ne sait même pas le nom des candidats. Il faut bien répondre pourtant, pressé par l’enquêteur qui, au bout du fil, débite rapidement les noms des partis et des têtes de liste. Malgré ce rappel (qui est plutôt une découverte) 20 % des sondés restent sans opinion – et ils ne sont pas comptabilisés dans le sondage. Comme on a extorqué une réponse aux autres, les instituts de sondage tentent d’évaluer la « sûreté » de l’intention de vote : elle est à peu près de 60 %, 4 personnes sondées sur 10 déclarant « pouvoir changer d’avis ».

Un outil de dépolitisation ?

Rien n’est joué, comme on l’a déjà vu par le passé. Mais les sondages publiés contribuent à donner l’impression que l’affaire est entendue. En rendant invisible les indécis, ils n’encouragent pas les électeurs à se poser des questions ni à aller voter. Tout invite à penser que le soir du 14 mars sera sans surprise tout comme celui celui du deuxième tour : « vague rose » en France et Alain Rousset reconduit pour un troisième mandat en Aquitaine. Pourtant, la vraie question est le rapport de force entre les partis de la prochaine majorité régionale : Quelle place des Verts d’Europe Ecologie ? Quelle influence des élus du Front de Gauche ? Alain Rousset devra-t-il composer avec Jean Lassalle et le Modem ?Le Front national parviendra-t-il à se maintenir au second tour et à envoyer, comme à la dernière mandature, des élus au Conseil régional ? Autant de questions qui n’auront de réponse qu’au soir du premier tour et auxquelles les sondages publiés la semaine dernière ne peuvent apporter aucune réponse, puisqu’ils n’enregistrent que des approximations.

Pierre Bourdieu l’avait déjà démontré en 1972 dans un article au titre provocateur : « L’opinion publique n’existe pas ». Cet artefact produit par les instituts de sondage et paresseusement commenté par certains journalistes est aussi un outil de démobilisation électoral. Aux citoyens de contrer cette nouvelle forme de dépossession politique en se rendant aux urnes.

Vincent Goulet

 




Dans « le miroir aux Alouettes » d’Aqui.fr, Vincent Goulet, docteur en sociologie, décortique une fois par mois le traitement médiatique d’un événement particulier (Photo : Didier Poveda).

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