LE Festival du Film d’Histoire de Pessac : Pierre Rosanvallon suggère de complexifier la démocratie pour mieux la garantir


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 15/11/2011 PAR Solène MÉRIC

« Démocratie, de dêmos kratos, en grec ancien. Dêmos le peuple, Kratos le pouvoir. D’où démocratie : le pouvoir par le peuple. » La formule est simple, facile à retenir et facile à enseigner.Qui ne l’a jamais entendue ni même présentée ainsi ? Bref, c’est validé par tous, la démocratie, sorte de formule magique héritée de l’antiquité, donne le pouvoir au peuple. Une évidence pas si claire pour le Professeur Rosanvallon. Pour lui, il y a plusieurs peuples, plusieurs pouvoirs et donc plusieurs types de démocraties donnant ainsi plus ou moins grande place au pouvoir du peuple. Voilà qui complexifie quelque peu notre si commode formule de départ…

3 peuples en 1 : l’arithmétique, le social et le principe
Le peuple d’abord. La notion, selon Pierre Rosanvallon, mérite d’être clarifiée, ou plus exactement d’être complexifiée… « Le peuple n’existe que par ses manifestions ». Il en compte trois : « le peuple arithmétique », « le peuple social » et « le peuple principe ». Le premier a le grand avantage de simplifier la vie démocratique. « En effet, si on peut toujours discuter des idées, il faut bien un pouvoir du dernier mot qui soit indiscutable. Or en arithmétique : 51 voix est toujours supérieur à 49 ». Le « peuple arithmétique » amène donc une majorité. Pour autant, si celle-ci vaut comme principe de décision, « elle ne suffit pas pour prétendre à la légitimation », estime Pierre Rosanvallon. Pour compenser cette insuffisance, il faut en passer  par « l’acceptation d’une dualité entre peuple politique et peuple social, comme l’a fait par exemple le gaullisme en apportant une forte importance à la démocratie syndicale », illustre-t-il. Enfin le « peuple principe » est celui qui se définit « à partir des principes organisateurs de la société, issus de notre histoire et morale collectives ». En d’autres termes, le peuple de la Constitution, dont la temporalité est différenciée de la temporalité du peuple politique, visé par la loi. Au total, pour l’historien, si l’on veut souhaiter une démocratie où « le peuple » est correctement représenté, il faut faire une place à ses différentes figures.

« Compliquer ce qu’est le pouvoir »
Pour autant, pour que le peuple puisse véritablement exercer le pouvoir, cela ne suffit pas. « Il faut également compliquer ce qu’est le pouvoir ». En premier lieu Pierre Rosanvallon écarte d’office l’acception française du pouvoir qui sous-entend parfois celui-ci « comme une chose que l’on possède et dont on peut par conséquent user, abuser et tirer profit. » Que les choses soient claires ; pour l’historien, « la vision patrimoniale du pouvoir a un effet délétère sur la démocratie ». Pour autant, exercer le pouvoir suite à une élection, n’est pas davantage une autorisation démocratique à posséder le pouvoir. C’est une nomination, « un mandat certes important, attribué à une personne. Mais il faut ajouter d’autres modalités à ce pouvoir pour s’assurer qu’il sera effectivement exercé par le peuple : le contrôle et la surveillance. Cette démocratie de la surveillance, est très importante car elle est la contrepartie du pouvoir représentatif. »
« Une démocratie du contrôle qui est trop absente en France » souligne, au passage, l’intervenant. « Confrontés en permanence à l’exceptionnel, nos sociétés modernes mettent en avant le pouvoir exécutif en oubliant l’interaction nécessaire entre pouvoir de gouverner et pouvoir de contrôle », celle-là même qui assure aux peuples de prendre le pouvoir. Or si on simplifie trop, le peuple, sa représentation et le pouvoir le risque court qu’ « un seul parle pour le peuple et que le pouvoir redevienne une chose dont certains usent, abusent et tirent profit pour eux mêmes ».

Photos: Aqui.fr

Solène Méric

Plus d’info sur le Festival : www.cinema-histoire-pessac.com  

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