Le miroir aux alouettes : la tyrannie du sens commun


« En une seule chose ne le céderai-je en rien : en la recherche de la vérité », affirmait audacieusement en 1631 Théophraste Renaudot, créateur de la Gazette et « père fondateur » du journalisme français. Mais tout autant que les pressions du pouvoi

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Publication PUBLIÉ LE 07/04/2010 PAR Vincent Goulet

Il n’est plus guère possible de contester, ni même de relativiser, certaines choses en public. Le « bouclier fiscal », par exemple. Une vraie injustice fiscale, certes, avant comme après « la crise », d’ailleurs. Plus personne pour le défendre, sauf, peut-être encore, Monsieur Sarkozy. Mais avec 590 millions de manque à gagner pour 2009, ce n’est pas le plus gros gâchis pour les finances publiques.

La loi Scellier ou encore les crédits d’impôts sur les intérêts des emprunts immobiliers font beaucoup mieux : Avec la première, dont le coût prohibitif n’est pas encore chiffré, l’Etat s’évertue à subventionner les investisseurs privés pour construire des logements locatifs là où les gens n’en veulent pas. Avec les seconds, on donne de l’argent à ceux qui en ont déjà pour « devenir propriétaire ». Coût : 1 miliards d’euros en 2009, sans doute 3 milliards en 2013. Deux mesures injustes et inefficaces. Mais là, c’est la classe moyenne plutôt aisée qui en profite, alors silence radio. On préfère éditorialiser sur le « bouclier fiscal » et les positionnements politiques des uns et des autres sur ce qui est devenu le symbole de l’entêtement du chef de l’Etat. On en oublie au passage la baisse de la TVA dans la restauration, autre scandale budgétaire à 3 milliards.

Des vraies scandales qui deviennent de vrais leurres
Autre exemple : les suicides à France Télécom. Durant la « vague de suicide », un ancien statisticien de l’Insee avait affirmé que le taux de suicide n’était pas plus élevé dans cette entreprise que dans le reste de la population active. Tollé dans la presse. Le statisticien est suspecté d’être un monstre sans coeur. Pourtant, le constat est exact et il a une portée révolutionnaire bien plus grande que les indignations attendues des biens pensants : entre 1973 et 1995, le taux de suicide de la population active française a considérablement augmenté chez les 25-49 ans (de 23 à 37 pour 100 000). On peut y voir les effets conjugués du chômage du masse et des nouvelles techniques de management. Ce n’est donc pas seulement France Télécom qu’il faut réformer mais le monde du travail dans son ensemble.

Le sens commun fonctionne souvent comme un leurre. Journalistes et publics s’accordent pour ressasser les mêmes indignations tandis que les vraies causes de la misère, et ceux qui en profitent, continuent de prospérer.

Illustration : Wikipédia

Vincent Goulet

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