« Le Miroir aux alouettes » : Retraites : Qui oriente le Conseil d’Orientation ?


« Enfumage » est un terme à la mode. La récente publication du huitième rapport du Conseil d'Orientation des Retraites est un bel exemple de cette technique de communication. Prétextant l'actuelle crise financière et économique, il produit, fort oppo

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 17/04/2010 PAR Vincent Goulet

Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), créé par Lionel Jospin en 2000 est composé d’une quarantaine de membres, principalement des représentants syndicaux et patronaux, des élus, des hauts fonctionnaires et des experts. Il doit rendre périodiquement des rapports pour éclairer la société et ses représentants. Déjà, en 2007, ce Conseil avait publié des « projections » à moyen et à long terme. Pour mieux comprendre le travail de propagande du rapport qui vient tout juste d’être publié, il suffit de le comparer avec celui de 2007. Les surprises ne manquent pas.

Rien de nouveau à long terme
Aujourd’hui, le financement des retraites, c’est environ 13 % du PIB, c’est-à-dire de la richesse nationale produite en un an. Les projections de 2007 comme celle de 2010 estiment qu’il représentera 14,7 % en 2050. 1,7 point de PIB supplémentaire, ce n’est pas négligeable mais finalement assez supportable, vu l’allongement de la durée de la vie et l’augmentation globale de la richesse nationale d’ici 2050. En tout cas, ce « nouveau » rapport qui s’appuie sur les mêmes indicateurs démographiques que celui de 2007 n’indique pas de nouvelles difficultés pour le milieu du siècle.

Un scénario (très) pessimiste à moyen terme
C’est pour les 10-20 prochaines années qu’il pointe d’importantes difficultés, avec une dégradation des déficits plus rapide et brutale que prévue initialement, en avançant les effets de la crise. Il est certain que le taux de chômage actuel n’incite pas à l’optimisme. Mais comment préjuger aujourd’hui de ce qu’il sera dans 15 ans ? « L’hypothèse favorable » du COR vise le « plein emploi » en 2024 avec un taux de chômage de 4,5 %. Etrange conception du plein emploi ! De même, les taux de croissance annuelle n’ont pas été revus, alors que l’on peut espérer, après la crise, un rebond et un rattrapage de l’activité économique. De toute façon, on ne sait pas aujourd’hui ce que sera le système productif français en 2040 ou 2050…

L’invention d’un nouvel indicateur
Comme la démonstration n’est guère convaincante sur le fond, le rapport 2010 insiste sur les « besoins de financement » et utilise un nouvel indicateur qui n’existait pas dans celui de 2007 : « les besoins de financement cumulés ». Somme des déficits supposés et accumulés au fil des ans, cet indicateur permet de faire du chiffre et de frapper les imaginations. La recette est facile : on prévoit de forts déficits et on les multiplie sur une longue période. Même un journal sérieux comme Le Monde est tombé dans le panneau, avec un article du 13 avril intitulé « sans réforme, le déficit cumulé attendrait 2 600 milliards d’euros en 2050 ». De quoi faire frémir !

Les limites de la prospective
On frise ici la pure fantaisie. Comment oser penser qu’une société puisse accepter pendant 40 ans de tels déséquilibres financiers sans réagir, d’une manière ou d’une autre ? Mais avant de se poser la question des remèdes (la fameuse « réforme »), il faut s’arrêter sur diagnostic. Et celui-ci n’est pas très fiable, comme le reconnaît lui-même le président du COR : « Pour le court terme, 2009-2015, on peut avoir vraiment des prévisions. Pour le moyen terme, 2015-2024, on est dans le domaine des projections. Pour le long terme, 2024-2050, il faut reconnaître que les projections que nous faisons n’ont pas le même degré d’exactitude ». Et pour cause, on ne sait pas aujourd’hui ce que sera la natalité et la mortalité en 2050 et donc le nombre de la population active. En revanche, on peut jouer très facilement sur une autre variable, l’immigration, et augmenter ainsi le nombre de salariés, si nécessaire.

Briser le tabou de la hausse des cotisations

Mais surtout, la vraie question est celle du montant des cotisations sociales. Avec la hausse constante de la productivité, il n’est pas absurde de consacrer une part croissante du PIB au financement des retraites. Dans ce cas, même avec des cotisations sociales plus importantes, les actifs verraient leurs pouvoir d’achat augmenter et ils assureraient la pérénité du système par répartition, et donc leur propre retraite. Or, cette piste est justement celle que le gouvernement et le patronat ne veulent pas discuter. C’est pourtant une façon efficace de « sauver les retraites » tout en réquilibrant le partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires.

Pour éviter les chiffres abyssaux des « besoins de financement cumulés », une autre piste serait de taxer très rapidement, et au moins provisoirement, les profits. Pourquoi ne pas commencer par ceux des banques qui ont récemment reçue de généreuses aides de l’Etat ? Cela permettrait de passer le cap délicat des déficits actuels et d’éviter de se trainer une dette trop lourde.

Vincent Goulet
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