Les futurs magistrats s’inquiètent de la disparition du juge d’instruction


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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 09/01/2009 PAR Nicolas César

« Je suis déconcertée. Je voulais devenir juge d’instruction, mais Nicolas Sarkozy vient d’annoncer la suppression de cette fonction, alors je me pose des questions ». A deux mois de formuler ses vœux d’affectation pour les trois années à venir, Joëlle, auditrice de justice de la promotion 2007 de l’Ecole nationale de la magistrature de Bordeaux (ENM), est totalement déboussolée. « C’est le métier de juge d’instruction qui m’a donné envie de devenir magistrat. Cette fonction est stimulante, on a en charge la direction des enquêtes. Mais, désormais celles-ci seront déléguées au parquet… », déplore-t-elle. « Ces dernières années, les réformes se multiplient. Résultat, nous sommes formés à des postes, qui, dans deux ans, sont susceptibles de disparaître. Ainsi, le juge des enfants, pourrait bientôt devenir juge des mineurs », souligne Xavier, 26 ans, de la promotion 2008. « On a du mal à saisir la ligne directrice de ces réformes. La collégialité de l’instruction doit être mise en place en 2010 et avant même que cette réforme soit appliquée, on supprime le juge d’instruction », s’étonne Valérie, élève également de première année. « Fin mars, nous partons en stage d’instruction pour six semaines. Que vont nous apprendre les juges d’instruction ? Dans quel état d’esprit seront-ils ? », s’interroge-t-elle.

« La multiplication des réformes depuis le drame d’Outreau dévalorise la fonction de magistrat auprès du grand public »
« Je pense que nous avons surtout besoin de sérénité. Il faut du temps pour mettre en place une réforme », ajoute Xavier. « Les dernières réformes n’ont pas fondamentalement changé nos métiers ces dernières années. Cela fait partie des compétences du magistrat de s’adapter aux nouveaux textes », tempère Ollivier Joulin, vice-président du tribunal de grande instance de Bordeaux, et membre du conseil d’administration de l’ENM. Mais, leur multiplication conduit parfois à des erreurs. Au moment de la mise en œuvre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence, certains criminels ont été relâchés à Bordeaux, car certains collègues n’en avaient pas saisi toutes les modalités », concède-t-il. D’ailleurs, « la multiplication des réformes depuis le drame d’Outreau dévalorise la fonction de magistrat auprès du grand public et lui donne le sentiment que la justice fonctionne mal », regrette Julien. « Il est vrai que la succession des réformes nous pose parfois problème au niveau de l’enseignement. Aujourd’hui, par exemple, je ne sais pas quoi leur dire sur ce que sera demain la fonction de juge de l’instruction », reconnaît, pour sa part, Pascale Belin, chargée de formation dans le domaine de l’instruction à l’ENM. C’est pourquoi, la réforme de la formation de l’école prévoit de mettre l’accent sur l’acquisition d’un socle commun de connaissances, plus que sur l’apprentissage de compétences techniques des métiers, comme auparavant.

Mais, surtout, « ce qui nous inquiète, c’est de savoir dans quelles conditions nous allons exercer notre métier. De nombreux tribunaux sont saturés et certaines audiences se terminent à minuit. Nous voyons bien comment les magistrats travaillent dans le cadre de nos stages », insiste Julien. « On a du mal à croire que la situation des magistrats peut s’améliorer. Selon le dernier rapport du Conseil de l’Europe, la France, au regard du budget qu’elle consacre à la justice par rapport à chaque habitant, est parmi les plus mauvais élèves », s’alarme-t-il. « Les postes se réduisent.  Dans notre promotion, nous sommes 207 auditeurs de justice. Les prochaines ne comporteront pas plus de 140 élèves », conclut Xavier.

Nicolas César

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