Les jeunes et internet : un outil d’émancipation politique ?


Alors que de grands espoirs avaient été mis dans la « démocratie électronique », les chercheurs en science politique observent que les jeunes fréquentent peu les sites des partis politiques traditionnels. Mais peut-être faudrait-il inverser la perspe

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 27/05/2010 PAR Vincent Goulet

En 1964, Marshall McLuhan eut l’intuition que, plus que les contenus, « le vrai message, c’était le médium lui-même », que « les effets d’un médium sur l’individu ou sur la société dépendent du changement d’échelle que produit chaque nouvelle technologie, chaque prolongement de nous-mêmes, dans notre vie ». Le penseur canadien propose ainsi une clé pour comprendre le phénomène des « apéros Facebook » qui viennent de défrayer la chronique. Rien de plus banal que des jeunes gens qui se donnent rendez-vous pour boire jusqu’à « se mettre la tête à l’envers ». Ce qui est nouveau, c’est le changement d’échelle et surtout l’aspect spontané et non officiel de la rencontre. Le plus célèbre des réseaux sociaux est ainsi utilisé pour faciliter une pratique qui pour les « jeunes » répond à plusieurs besoins : se retrouver entre soi, prendre du plaisir ensemble, parfois dépasser ses propres limites, s’affirmer dans l’espace public tout en contestant l’ordre social des « adultes ».

Occuper l’espace
Nés avec le téléphone portable et internet, les jeunes d’aujourd’hui utilisent les technologies de communication pour tenter de prendre une place dans la société. Ils brouillent les repères entre la sphère privée et l’espace public, justement pour donner du « jeu » dans une société un peu trop rigide à leur goût : on met en ligne des photos de fête entre copains ou des images prises à la sauvette dans les salles de cours ; dans le bus ou la rue, grâce au téléphone portable, on fait profiter l’entourage de ses conversations privées ou de sa musique préférée. Il s’agit d’abord de « faire bouger les frontières » et de s’affirmer de manière ostentatoire.

Un parfum libertaire
Ces pratiques, typiques de l’adolescence, ont certes un caractère transgressif mais s’inscrivent aussi dans la défense d’une valeur jugée fondamentale : la liberté de communiquer. Ainsi, envoyer des textos en classe, plus ou moins discrètement, est une façon de tester la patience du professeur tout en exerçant un droit qui, pour les « digital natives », n’est pas négociable : celui d’échanger ses expériences avec ses amis, de rester en permanence en contact.

La revendication d’un internet « libre » et du droit d’accéder gratuitement à tous les contenus (comme celui de télécharger sans contrainte) fait partie de cette vision libertaire du monde où tout le monde doit pouvoir s’approprier librement les biens numériques. La défense de ces valeurs, essentielles pour la génération née avec le numérique, trouvent parfois une expression politique plus traditionnelle avec les mobilisations contre la loi Hadopi ou l’apparition de « partis pirates » qui s’opposent au fichage sur le Web et défendent le téléchargement « entre pairs ».

Une politisation des technologies de l’information ?
Si McLuhan a vu juste, il faut prendre la mesure des effets politiques de ces nouveaux « prolongements technologiques » de l’être humain. Elles permettent de donner de nouvelles formes à des conduites classiques chez les jeunes (excès, défis, transgressions) mais s’insèrent aussi dans le processus de civilisation qui se caractérise par une individualisation croissante. Petit à petit, c’est un nouveau visage de la société qui se dessine. Vivant de manière intense la multipositionnalité sociale et adeptes des activités multitâches, les jeunes d’aujourd’hui revendiquent de nouveaux espaces de liberté et de nouvelles règles du jeu. Les imposer à leurs aînés sera peut-être leur première façon de s’affirmer politiquement.

Vincent Goulet


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