En ce 18 Novembre, l’amphithéâtre de l’Institut Régional du TravailSocial d’Aquitaine ressemblait plus à une assemblée républicaine qu’à une simple salle de cours. Une soixantaine d’étudiants à banderoles accueillaient d’entrée les participants pour manifester leur inquiétude auprès des élues en présence, la députée Michèle Delaunay et Emmanuelle Ajon, conseillère municipale et régionale, secrétaire générale du secours populaire. Leur revendication ? Alors qu’ils sont obligatoires pour valider leur cursus, trouver des stages dans les structures sociales et de santé relève désormais de la mission impossible. La faute à la non budgétisation par l’Etat d’une gratification incombant dès lors au Conseil Général et aux associations, incapables de la financer dans son intégralité.
Dignité, équité,responsabilité
Cette mise en lumière d’une réalité pour le moins ubuesque quand les besoins dans le champ social n’ont jamais été si grand, devait être suivie d’une vidéo qui donnait le ton en traitant de la candidature aux électionsmunicipales, à Paris, de Jean-Marc Restoux…SDF en campagne. Hélène Thomas, professeur à l’IEP d’Aix enProvence, finissait de réveiller l’assemblée en démontrant combien onavait progressivement glissé du « liberté, égalité, fraternité » au » dignité, équité, responsabilité ». Une évolution, pour la sociologue, aux effets néfastes tant au niveau de la notion des prises en charge que dans la conception mêmede la citoyenneté. « On parle aujourd’hui de citoyenneté palliative qui réduit lessouffrances et non plus de celle qui les abolit ».
PatrickVidalinc, ancien SDF, militant de l’association « Paroles de citoyen » à Reims, témoignait de son vécu « d’accueilli » en centre d’urgence etéclairait de son expérience la formation des futurs travailleurs sociaux. A Lucile Delmas etGeneviève Collinet de la FNARS, fédération d’associations de solidarité, d’expliquer lanécessité pour les usagers de participer à l’élaboration et à la miseen place des politiques publiques.
Un bilan par l’expérience
Al’heure de la sieste, Florence Lamarque, formatrice à l’IRTS et organisatrice du colloque, démontrait à travers deshistoires imaginaires et vécues, combien parfois, la seule liberté dechoix pour les personnes SDF était de refuser les prises en chargeproposées. Gérard Bodin, le directeur du SAMU de Bordeaux expliquait, sur la base d’une enquête de Médecins du monde, à quel point les inégalités se creusaient dans notre société : » L’espérance de vie la plus haute dans la rue en France est la même que dans le tiers-monde ». Enfin, Bart Win,travailleur social en Belgique, compensait la dureté des chiffres en évoquant la nécessité du « donde soi»dans l’accompagnement des personnes « sans chez soi » témoignage deson propre vécu avec des squatters.
Un cortège d’expériences clôturé par le concept du « care » de Michèle Delaunay, « le prendre soin ». A la fois proposition et élément de réponse à la question de la place du SDF dans la cité, une vision différente de la politique, que l’on pourrait illustrer par cette formule du philosophe Michel Foucault : « la marge fait partie de la page »…
Isabelle Camus