Médias et classes populaires: le livre de Vincent Goulet né d’une enquête à Lormont Génicart (Gironde) qui dévoile les usages ordinaires des informations


DR
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 20/09/2010 PAR Joël AUBERT

Ce livre fruit de l’exigence du travail de sociologue a été couronné par l’obtention d’une thèse soutenue brillamment, il y quelques mois, à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il a obtenu le prix de la recherche 2009 de l’Inathèque de France et est né de l’étude patiente, de l’enquête, dirait-on, en empruntant au langage journalistique, que Vincent Goulet a conduite au cœur d’un quartier populaire, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Génicart à Lormont, en Gironde. Une immersion physique et volontairement familière pendant trois ans, de 2006 à 2008, avec ces hommes, ces femmes, ces familles qui vivent dans une banlieue populaire: heures d’échanges ou courts instants révélateurs d’attitudes « dominantes ».
Patrick Champagne qui a accompagné l’auteur dans son travail et préfacé l’ouvrage évoque « une ethnographie minutieuse des classes populaires sur leurs lieux de l’habitation », source « d’une très originale sociologie de la conversation ». C’est là, en effet, que réside l’originalité et la richesse de l’apport que ce livre représente : bien connaître ou, en tout cas, le mieux possible les lecteurs et auditeurs des médias et la façon dont ils vivent, c’est une autre façon, souvent décisive, de comprendre « l’usage » qu’ils vont en faire.

Médias & classes populaires les usages ordinaires des informations
Acheter ce livre chez Mollat.com


Le « JT » d’abord

Un bel exercice d’humilité à venir pour les journalistes que nous sommes, si souvent retranchés dans nos certitudes et nos convictions pédagogiques. Ce livre, écrit avec un évident plaisir des mots et du choix que l’on en fait pour être lu, participe du reportage et c’est ce qui ajoute à son intérêt de lecture. En effet l’auteur a tenu à nous livrer des témoignages qui ont l’ambition, non seulement, de nous éclairer sur les habitudes, les façons de s’informer ou non, mais également de camper le décor. Ici un hall d’ascenseur, là une table de salon… La télévision et plus précisément le « JT » de 20 heures, règne en maîtresse quasi absoluesur l’offre de nouvelles et la famille dans son ensemble en est le réceptacle naturel.

L’intrusion d’internet
Phénomène déjà identifié et analysé mais que commence à bousculer l’intrusion d’internet au cœur des foyers populaires, en particulier quand la cellule familialeéclate ou se disperse. « Les nouveaux médias comme la télévision numérique oul’Internet offrent des opportunités de consommation et d’échanges des biens culturels qui concurrencent la télévision hertzienne fédératrice » note Vincent Goulet. S’ouvre, là, un nouveau champ d’études passionnant.
L’auteur, dans son souci de serrer au plus près la consommation des informations, s’attache, et ce n’est pas le moins passionnantde son étude, à leur genre. C’est ainsi que sous le chapitre « des moyens d’apprivoiser la mort et le hasard » le rubricard des faits divers fera profit d’une plongée dans l’histoire; il y trouvera quelque consolation et se convaincra, peut être, au-delà de l’importance du récit, du rôle social qu’il joue.

 » Les Grandes Gueules  » et le discours populaire
Et le politique dans tout cela ?il se forme et se déforme au gré de l’ambivalence des opinions et de la redistribution de l’offre politique ; il se nourrit aussi de l’irruption dans le champ de l’information d’une émission de radio dite « de libre antenne » qui exerce un attrait réel sur les auditeurs « populaires.
Vincent Goulet, à l’invitation de personnes rencontrées à Génicart, est ainsi devenu un familier des « Grandes Gueules », ce rendez vous de RMC où la liberté de dire est un principe affiché … pour peu que les auditeurs aient été, au préalable, soigneusement sélectionnés. L’analyse qui nous est proposée, ici, est un temps fort du livre : le show est une chose ; autrement important est ce que l’auteur décrit comme la mise en forme d’un discours populaire au service de l’objectif économique d’un média qui, par ailleurs, ne craint pas d’affirmer qu’il participe à la « recherche de solutions » pour un « pays en crise »…

Joël Aubert

Ina éditions, 20 euros,
www.editionsbdl.com


Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Gironde
À lire ! POLITIQUE > Nos derniers articles