#3 Bordeaux : Comment y travaille-t-on ?


Pierre Sauvey
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 17/03/2014 PAR Pierre Sauvey

Comment créer au moins 75.000 emplois dans l’agglomération de Bordeaux d’ici 2030 ? Il s’agit là incontestablement de l’un des enjeux majeurs de la prochaine mandature. C’est en tout cas l’objectif à tenir pour la population active correspondant à l’émergence d’une « Métropole millionnaire », liée à l’attractivité croissante de la région bordelaise et à l’accroissement démographique qui en résulte.

Avec l’arrivée de la LGV en 2017, la construction de deux ponts (Chaban et Jean-Jacques Bosc) en quelques années, de nouveaux quartiers de logements (Ginko, Bassins à flot, Brazza, Bastide-Niel…), du quartier d’affaires Euratlantique, de grands équipements (Grand Stade, Cité des Civilisations du Vin, grande salle de spectacle de Floirac…), la troisième phase du tramway, le plan Campus, le développement de l’Aéroparc ou de la Cité numérique,  Bordeaux et  ce qui est encore jusqu’au 1er janvier 2015 la Communauté Urbaine sont bien au cœur de ce que Vincent Feltesse appelle « la décennie bordelaise » (1) .  Le challenge s’avère tout de même important dans le contexte économique actuel. Quels sont donc les projets en matière d’emploi des deux principaux candidats à la mairie de Bordeaux et à la présidence de la Communauté Urbaine ?

Bordeaux - Librairie Mollat et Tramway

Le diagnosticL’agglomération bordelaise s’en sort plutôt mieux que l’ensemble du territoire national.  Ainsi 3.000 emplois nets par an ont été créés en moyenne dans le secteur privé depuis 2010. Elle continue donc à générer de l’emploi.  Mais environ 57.000 habitants sont tout de même inscrits à Pôle Emploi ! Sur Bordeaux ville, selon l’INSEE seuls 67,7% des 15/64 ans ont une activité et 14,4% sont au chômage.  Encore s’agit-il là de chiffres de 2009. Or, le chômage y a augmenté plus fortement entre 2008 et 2012 que dans d’autres  villes comparables (+39,2 % à Bordeaux, +37,6 à Montpellier, +35 à Lyon, 32,5 à Lille et Nantes, 29% à Brest et Strasbourg), selon la Gazette des communes.

Toujours selon l’INSEE, près des trois-quarts des emplois à Bordeaux sont liés au commerce, aux transports et aux services divers (73,2%), contre 58,6% sur l’ensemble du département de la Gironde. La part de l’industrie n’y représente que 3,5% et la construction 5,5%.

Le premier bassin économique et commercial  de la communauté urbaine, et même d’Aquitaine, est en fait  Mérignac, avec 40.000 emplois privés et 8.000 emplois publics, une des rares communes en France à offrir un nombre d’emplois supérieur à celui de sa population active.

Pour la DATAR, « l’agglomération bordelaise est d’envergure modeste à l’échelle européenne » . Selon la note de synthèse d’A’Urba « Attractivités métropolitaines comparées », elle se positionne dans la catégorie des « aires urbaines à dominante services », avec une « trajectoire qui tend à se rapprocher de la classe affaires » (où figurent les agglomérations de Lyon, Marseille, Nice, Strasbourg et Toulouse). Les grands projets qui vont être mis en œuvre dans la prochaine mandature devraient faire fortement évoluer les choses.

Atelier d'entretien aviation CUB

La  marque  « Osez Bordeaux »Pour Alain Juppé, devenir« métropole millionnaire » doit permettre à Bordeaux d’’entrer dans la deuxième division des métropoles européennes, c’est-à-dire la division juste en-dessous de celle des capitales. L’objectif affiché de son groupe Communauté d’Avenir est même « d’accueillir 110.000 nouveaux emplois d’ici 2030 ». Pour cela, il faut que l’agglomération soit « accueillante pour les entreprises »,  mais aussi « attractive, accessible ». L’Université, lauréate des investissements d’avenir, doit elle aussi être « attractive et dynamique ». Elle dispose de formidables atouts avec les pôles d’excellence et des clusters autour de l’aéronautique, et des  filières bois, santé, laser, et numérique ». Alain Juppé souhaite aussi prendre des mesures pour le développement de l’économie sociale et solidaire.

« Nous devons vendre notre agglomération. Pour cela, nous disposons d’une marque forte qui est Bordeaux. Nous étendrons la marque Osez Bordeaux  sur l’ensemble du territoire de l’agglomération » promet le maire de Bordeaux. Il propose de créer un « Conseil Economique Métropolitain des chefs d’entreprises représentatifs du monde économique de l’agglomération ».

Pour développer l’emploi, le groupe Communauté d’Avenir souhaite « favoriser l’implantation de sièges de sociétés, placer l’entreprise au cœur de la formation, mener une politique plus favorable au commerce et à l’artisanat, diversifier les offres touristiques, porter les nouvelles formes d’économie, faire du fleuve une véritable base nautique organisée et accessible à tous ».

Construction navale Bordeaux

Le « Grand Bordeaux »Vincent Feltesse parle de son côté de « Grand Bordeaux » ou de « Bordeaux  Métropole », et s’appuie sur le  Schéma métropolitain de développement économique de la Communauté Urbaine qu’il préside depuis 2007 pour présenter son projet pour « une économie métropolitaine innovante et créatrice d’emplois ».

Le président de la CUB veut  notamment « conforter la filière aéronautique-spatial-défense  qui regroupe 300 entreprises autour de l’Aéroparc, renforcer le tertiaire supérieur dans le cadre de l’Opération d’Intérêt National Euratlantique (qu’il préside actuellement après avoir succédé à Alain Juppé) , structurer la filière nautique autour des pôles de Bassens, Brazza et des Bassins à flot, engager la métropole dans la troisième révolution industrielle, faire  de la métropole un territoire de l’innovation et de la connaissance, lancer trois opérations d’intérêt métropolitain, améliorer l’accessibilité de la métropole pour stimuler les échanges, renforcer le rayonnement de la métropole pour accroître sa notoriété et son attractivité … ». Pour favoriser l’installation de commerces et d’artisanat, il rappelle sa volonté de créer un Etablissement Public Foncier pour faire baisser le prix du foncier.

Une bataille navaleLe dossier économique le plus clivant entre les deux adversaires se joue sur l’eau, autour du projet industriel de « refit », la rénovation de grands yachts. Vincent Feltesse défend, avec le « cluster Bordeaux SuperYachts Refit », l’idée d’installer cette activité aux Bassins à flot, en utilisant les formes de radoub existantes. S’il s’agit pour lui de faire revivre une activité nautique et industrielle, il se heurte au scepticisme d’Alain Juppé, qui a changé plusieurs fois de position sur ce dossier. Le maire de Bordeaux  craint que cela ne génère trop de bruits, de pollution, de gêne  visuelle et de circulation à proximité immédiate des nouveaux immeubles des Bassins à flot et de la future Cité des Civilisations du Vin.  Il propose un éclatement de l’activité refit en trois pôles, entre la rive droite de la Garonne et les bassins à flot pour les activités de finition… Alain Juppé comme Vincent Feltesse sont en revanche sur la même longueur d’onde pour vouloir accompagner l’avenir prometteur de CNB, le chantier naval de la rive droite, qui prévoit la création de 900 emplois dans les cinq ans à venir.

Bordeaux Radoub

Le numérique pour tousS’il est un dossier qui met tout le monde (presque) d’accord, c’est en tout cas le numérique, qui devrait représenter 25.000 emplois nouveaux à l’horizon 2030, un tiers de la totalité espérée. Le développement du numérique s’appuie sur des sites comme le Node ou Darwin et la future Cité numérique qui doit s’installer dans l’ancien centre de tri postal à Bègles, dans le cadre d’Euratlantique. Les deux camps veulent aussi développer l’internet à haut-débit et éliminer toutes les zones blanches d’ici 2020. Vincent Feltesse propose en plus la création d’une pépinière numérique aux Aubiers et le « développement d’un pôle de e-santé axé sur le handicap et le vieillissement, préfigurant un secteur Silver-Economy au sein d’un pôle excellence santé du Tondu au CHU ». Il est encore question pour les deux candidats de développer le tertiaire supérieur au sein de Bordeaux-Euratlantique…

Les grands projets et les nouveaux quartiers génèrent aussi de l’emploi dans le domaine de la construction et des travaux publics. L’augmentation de la population doit par elle-même générer de nouvelles activités d’économie présentielle. Les idées et les projets ne manquent donc pas. Beaucoup sont d’ores et déjà lancés. Mais il ne sera pas question pour les responsables politiques qui vont sortir des urnes de se reposer sur leurs lauriers.

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(1)    La décennie bordelaise, Quelle politique urbaine à l’heure des métropoles ? Vincent Feltesse, entretiens avec Jean Viard, éditions L’Aube, 2012.

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