Nicolas Hulot : Bien plus qu’une démission spectaculaire…


Solène Méric
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Temps de lecture 10 min

Publication PUBLIÉ LE 28/08/2018 PAR Joël Aubert avec Solène Méric et Romain Béteille

D’abord parce qu’il l’accompagne d’une phrase terrible pour l’homme politique qu’il n’était pas ; «  je ne peux plus me mentir à moi-même ». Quand Alain Juppé salue sa « hauteur de vue et sa noblesse » son propos nous renvoie à ce qui, plus que jamais, discrédite l’action politique et, pas seulement aux yeux des jeunes générations : le mensonge.

Une année pour échapper au mensonge

Nicolas Hulot aura donc mis une bonne année pour échapper au mensonge, encore qu’il ait sans doute cru pouvoir infléchir une ligne où l’écologie, et plus simplement encore l’environnement, comptaient pour bien peu de choses. Evidemment séduit par ce jeune président qui avait imaginé pouvoir tirer le meilleur parti de cette entrée spectaculaire dans le gouvernement Philippe, Nicolas Hulot a déçu celles et ceux qui pensaient que la transition énergétique allait connaître un coup d’accélérateur, que le nucléaire allait devoir baisser pavillon ou que les Etats généraux de l’alimentation allaient donner le tempo d’une nouvelle donne pour l’agriculture française. Peine perdue avec ce débat surréaliste autour du glyphosate où le ministre était condamné à laisser accroire que sa suppression n’était plus qu’une affaire de calendrier…

Et, c’est là qu’il convient une bonne fois pour toute de faire table rase d’une manière de croyance selon laquelle l’environnement serait vraiment considéré comme une des composantes majeures de l’action d’une équipe au pouvoir. Au-delà des beaux discours qui ne durent pas bien longtemps et des COP 21 que l’on réchauffe pour faire croire que ce sujet peut devenir central dans la définition d’une politique de développement qui ne nie pas le réel, en l’occurrence le défi climatique majeur dont l’actualité planétaire est un inquiétant spectacle, il n’existe pas de vraie volonté d’aller de l’avant. Pire encore, le plus souvent la contrainte économique est immédiatement requise pour interdire de véritables débats et progrès. En outre les écologistes eux-mêmes n’ont jamais osé affronter, avec vigueur mais réalisme, des questions aussi cruciales que l’est celle du nucléaire. Au nom de quoi un personnage comme Nicolas Hulot, quand il tentait de faire avancer le sujet sans hurler à la fermeture sans condition des centrales, s’est fait traiter de tous les noms..

 En attente d’un projet

D’ailleurs, cette démission-événement pourrait être utile si elle permettait, au-delà du cercle stricto-sensu étroit des écologistes, que naisse un courant politique qui comprenne que la société française est en attente d’autre chose qu’une politique alibi. D’une approche ouverte et transversale qui fasse émerger un projet qui ne céderait pas à la démagogie et ne succomberait pas au diktat du marché, essayant au contraire de l’amener à se remettre, ici et là, en question.

Remaniement ?…

Et puis, enfin, comment ne pas mettre l’accent sur l’opportunité pour le tandem actuel de l’exécutif de redonner un peu de souffle à l’équipe gouvernementale. Un remaniement qui n’a pas été envisagé, alors que le château était secoué par l’affaire Benalla et se montrait incapable de faire face à court terme, pourrait l’être au lendemain de la démission de Nicolas Hulot. Et, ne serait-ce que pour redonner des couleurs à certains ministères en déshérence et corriger l’inquiétante image d’une action qui ne semble guidée que par la recherche du rétablissement des comptes publics, certes nécessaire, mais oubliant le besoin d’écoute véritable et d’explication que le pays attend plus que jamais;

De nombreuses réactions

Suite à l’annonce de l’ancien Ministre de la Transition écologique et solidaire, les réactions ne se sont pas faites attendre.

Alain Juppé, Maire de Bordeaux, LR, ancien Premier Ministre, commentant en direct l’annonce de Nicolas Hulot sur Twitter s’est dit « impressionné par sa hauteur de vue et la noblesse de sa démarche. J’espère qu’au delà du Buzz politique inévitable, cette décision nous incitera tous à réfléchir et à changer. »
Virginie Calmels, adjointe au Maire de Bordeaux, Conseillère régionale, LR (sur Twitter) : « Quand on est sincère dans son engagement toute instrumentalisation de ses propres convictions devient insupportable et vite intenable… la sortie s’imposait ! »

Nicolas Thierry, Vice-président du Conseil régional en charge de la biodiversité (EELV) :
« C’est une décision surprise ! Selon moi, c’est un acte courageux, parce qu’il permet de dénoncer qu’il n’avait pas les moyens de mener une politique telle qu’il le souhaitait. Son action, même si elle était réelle au sein de son Ministère, ne pouvait suffire, il n’y a pas de transversalité sur les enjeux environnementaux et climatiques dans ce Gouvernement, on le voit notamment sur l’agriculture ou l’industrie. Face à l’urgence de la situation, on ne peut pas se satisfaire des seuls actions du Ministère de l’environnement. C’est une décision utile qui met le Premier Ministre et le Président de la République face à leur responsabilité. Le cap n’est pas le bon, la situation s’aggrave et on n’y met pas les moyens pour agir. S’il reste c’est masquer les choses. La priorité du Gouvernement n’est pas l’écologie, ou en tout cas l’écologie n’est pas assez prioritaire pour lui.
C’est triste, car c’est une personne qui a une vraie force de conviction. Personnellement, j’étais sceptique lors de son entrée au Gouvernement. Non pas sur sa sincérité et son esprit constructif, mais parce que la politique c’est aussi un rapport de force ; et quand on n’a pas de parti structuré et organisé sur lequel s’appuyer, pas de députés, pas de sénateurs, mais la seule influence de sa personne ou son rayonnement médiatique, même très important, ça ne suffit pas face aux lobbies.

Beaucoup de gens vont s’affliger de cette décision mais sans doute beaucoup après ça, ne vont pas se poser de questions ou se déplacer aux urnes. Or, le seul moyen de réorienter l’argent public, c’est de mettre au pouvoir des gens qui ont une conscience forte de ces enjeux… ça passe par les bulletins de votes. Je ne veux pas faire de politique politicienne, mais il faut avoir une cohérence entre son indignation et son action dans l’isoloir, parce que l’écologie est avant tout un enjeu politique.
Je souhaite bon courage au suivant car il n’y a pas d’autres personnalités écologistes avec une telle image médiatique et une telle influence. Toute personne qui lui succédera ne pourra pas faire mieux que lui. Donc, soit le Gouvernement réoriente sa politique et procède à un changement radical de cap, soit on sera dans la continuité et on ira droit vers le gouffre en chantant, malgré des indicateurs qui sont dans le rouge vif et des dégradations qui sont de plus en plus palpables. Depuis 2 ou 3 ans, on commence vraiment à sentir l’effet de ces dégradations climatiques et environnementales, et face à cela, il faut être à la hauteur. C’est ça, je crois, le sens du message de Nicolas Hulot. Nous n’avons plus le temps d’attendre. »

Jean Lissar, Secrétaire régional d’EELV Aquitaine : « Pour les écologistes la démission de Nicolas Hulot n’est pas vraiment une surprise. Pour ma part, j’avais parié qu’il ne tiendrait pas plus d’un an, je me suis trompé de quelques mois…  Les écologistes d’Aquitaine comprennent et approuvent cette décision. Le pari de Nicolas Hulot, homme de conviction était risqué, car un ministre isolé, même très motivé, même populaire, ne peut contre balancer le poids d’un gouvernement libéral productiviste. Son départ n’est pas son échec mais bien celui d’Emmanuel Macron.
Le Ministre de l’environnement devait venir cette semaine en Béarn pour aborder la question de l’ours dans les Pyrénées. Espérons que malgré les avantages scandaleux accordés hier aux lobbies de la chasse, que le programme de réintroduction des ourses sera maintenu. »
Pierre Hurmic, élu Bordeaux et Bordeaux Métropole EELV : « Après avoir tenté de peser sur les choix gouvernementaux, Nicolas Hulot réalise, en démissionnant, qu’ils ne sont pas à la hauteur de la tragédie écologique et climatique en cours. Cette attitude invite tous les écologistes à ne jamais baisser leur seuil d’exigence face à l’urgence du combat à mener. »

Michèle Delaunay, élue Bordeaux et Bordeaux Métropole PS, ancienne Ministre : « On ne peut que saluer la hauteur de vue de la déclaration de Nicolas Hulot. Sa démission sonne comme un vigoureux rappel de notre responsabilité collective dans les enjeux environnementaux et, partant, dans les enjeux de santé. » 


Philippe Dorthe, Conseiller départemental (Bordeaux 4) et Conseiller régional de la Nouvelle Aquitaine a réagi à la démission de Nicolas Hulot sur son blog, dans un article intitulé « Nicolas Hulot: Un départ très politique ! » : « Nicolas Hulot a choisi son moment pour partir. Il aurait pu le faire au cœur des vacances d’été, là il a choisi la rentrée politique. Sa décision est donc très politique et dépasse certainement les problématiques de l’écologie. Nicolas Hulot, connu pour son inclination à gauche doit être également taraudé par la politique d’injustice sociale du gouvernement. La date et la manière est donc un acte fort et réfléchi contre le pouvoir en place. En ce qui concerne la manière qui offusque certaines personnalités de LREM, je leur rappelle celle avec laquelle E. Macron a trahi  avec méthode François Hollande. A côté la façon Hulot est presque polie ! »


Boris Vallaud, Député PS des Landes : « Nul ne peut se réjouir du constat d’échec d’un homme sincèrement engagé : Nicolas Hulot est courageux et lucide au sein d’un gouvernement coincé entre un président tout puissant et des lobbys influants. Nous sommes tous convoqués fae à l’urgence environnementales.
Le nouveau monde nous promettait « Make our planet great again », la démission de Nicolas Hulot confirme que ce n’était là qu’un slogan. Un gouvernement en échec sur la question environnementale comme sur celles éco et sociales, une majorité ni progressiste ni écologique. Fin de l’illusion »

Aziz Skalli (référent Gironde de La République En Marche) : « Je suis évidemment déçu mais cela faisait quelques temps que ça lui trottait dans l’esprit. C’est un choix personnel vis à vis du gouvernement et l’expression d’un mal être. On peut reconnaître son bilan et même s’il aurait voulu aller plus vite, plus loin, il y avait des questions de temporalité politique et de contraintes budgétaires à prendre en compte. Son engagement pour l’écologie reste intact et ce sera certainement difficile de retrouver une personnalité qui incarne l’écologie, pas forcément une personnalité technocratique d’ailleurs. »
Benoît Simian député girondin LReM (sur Twitter) : « Je respecte la décision de Nicolas Hulot. J’ai travaillé avec lui sur plusieurs dossiers et il m’a bien soutenu lorsque c’était nécessaire. Bon vent à lui »

Florent Boudié, député LReM Libourne, (sur Twitter) : « Le choix de Nicolas Hulot n’est certes pas une surprise mais un avertissement adressé à tous les responsables politiques français. Si beaucoup a été accompli depuis le début du quinquennat, l’extrême urgence écologique impose des choix de rupture dont la France et l’Europe sont encore loin. »

Jean-Michel Clément, député de la Vienne : « Nicolas Hulot, lucide et las de prêcher trop souvent seul dans le désert, dresse le constat cruel des limites de l’action politique quand le pouvoir s’accommode des petits pas, alors que les périls fondent sur nous à grandes enjambées et qu’il ne sait pas « porter, incarner, proposer » une société alternative. Il ne veut plus cautionner des orientations économiques et politiques qui ne sont pas à la hauteur du défi contemporain – « le pire auquel l’humanité a jamais été confrontée » et qui sont soumises à la pression des lobbies  et du court terme. « 

Réaction en Béarn, avec ou contre les ours
Dans le département le Ministre de la transition énergétique était attendu ce mercredi 29 août sur le dossier de la réintroduction de 2 ourses en Béarn.

David Habib (député PS Pyrénées-Atlantiques) sur Facebook :  » Je veux saluer la personnalité très attachante de Nicolas Hulot. Inutile de dire que mes convictions sont à l’opposé des siennes. Je m’honore d’être un productiviste. Pour autant, j’ai pu vérifier, dans la loi Hydrocarbures, son souci de préserver les intérêts du Béarn et de ses milliers d’emplois dans la chimie et la pétrochimie. Sur le dossier de l’ours, il avait admis la légitimité de nos arguments tout en nous demandant d’accepter sa logique. Il nous avait d’ailleurs annoncé qu’il démissionnerait s’il n’obtenait pas satisfaction. J’espère que le prochain ministre disposera des mêmes vertus morales que Nicolas HuloT. A l’arrivée d’un nouveau ministre au gouvernement, il nous faudra, en Béarn notamment, être particulièrement vigilants, unis, alors que l’administration du ministère de l’Environnement demeurera la même c’est-à-dire nocive.  »

Julien Lassalle, éleveur, association des éleveurs transhumants des trois vallées, anti-ours, a réagi auprès de nos confrères de la République des Pyrénées : « C’est une bonne nouvelle. On n’avait pas confiance en lui mais on n’a pas confiance en l’Etat non plus. On reste déterminé, on sait ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas. Si un nouveau ministre arrive, on restera déterminé et fixé sur notre objectif : pas de lâcher d’ours. Mais c’est bien qu’il s’en aille ».

Alain Reynes ADET Pays de l’ours (pro-ours): « Il y a d’abord un sens politique fort à cette démission. Si Nicolas Hulot part c’est qu’il n’a pas réussi à faire prendre consciences des enjeux environnementaux globaux, climatiques, sanitaires, sur le long terme. Il essaie avec son départ de créer un électrochoc dans l’espoir de susciter une prise de conscience pour une réorientation des politiques publique dans ce sens.
Bien sûr, il avait la particularité d’être une personne engagée, mobilisée et en plus de cela compétente et suscitait donc un espoir important… ce qui explique aussi une certaine exigence d’un certain nombre d’acteurs envers lui.
Sur le dossier de l’ours, il était un Ministre mobilisé et faisait avancer ce dossier puisque la décision a été prise du lâcher de deux ourses cet automne en Béarn. Le changement de Ministre n’a aucune raison de remettre en question cette décision puisque ce n’est pas une décision personnelle mais bien une décision gouvernementale. D’autant que les procédures relatives à l’autorisation de ces lâchers sont sur le point d’être achevées et la consultation du public pose des résultats qui sont sans ambiguïté, et confirment un sondage IFOP réalisé au cours de l’année : près de 90% soutiennent cette décision. Ce serait incompréhensible que le Gouvernement renonce à à ce projet, d’autant que c’est une obligation légale, comme l’a confirmé le Tribunal administratif de Toulouse, en mars dernier. Nous sommes au stade où les procédures sont bouclées et positives. Une fois encore, ce n’est pas une décision personnelle de Nicolas Hulot, mais une décision du Gouvernement, il n’y a aucune raison qu’elle soit remise en cause. »

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