Nouvelle-Aquitaine : la droite cherche son nouveau souffle digital


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 12/04/2019 PAR Romain Béteille

Jouer avec le feu

C’est l’histoire (et elle est loin d’être unique) d’une petite association d’élus de la Nouvelle-Aquitaine qui décide de sortir un peu de sa torpeur pour des raisons justifiées, en partie, par un contexte politique que l’on qualifiera poliment de « fluctuant ». En avril 2018, le Rassemblement des Elus Locaux pour l’Aquitaine reprend ses activités, après trois ans d’inactivité. Les municipales et la refondation des régions sont passées par là, de même que, plus récemment, les gilets jaunes et les « approximations » désormais apparentes des restitutions du grand débat national. Le président du RELPA n’est, localement du moins, pas inconnu. Yves d’Amécourt, élu à la région et maire de la commune de Sauveterre-de-Guyenne, a également été président du groupe Gironde Avenir entre 2008 et 2015 et ancien candidat à la tête de la fédération LR régionale. Au moment de présenter cette association, qui revendique depuis sa reprise une petite cinquantaine d’adhérents, nous ne résistons pas à lui faire dire quelques mots de la période dans laquelle le RELPA a choisi d’annoncer, ce jeudi 11 avril, l’ouverture d’un nouveau site internet à l’allure plus participative qu’à l’ordinaire, au moment où de nombreuses mairies de la métropole bordelaise et d’ailleurs se sont emparées du mot avec des ambitions diverses.

« Ce n’est pas très clair. On est dans une République inversée. Du temps de Chirac, de Mitterrand ou de De Gaulle, le Président aurait donné les grands principes et chargé son premier ministre de faire des propositions concrètes. Ici, c’est le contraire qui se produit. Ils jouent avec le feu. Pour pouvoir redistribuer, il faut engranger. Rien n’est fait pour réduire les dépenses, je ne vois pas ce que le Président va pouvoir proposer en termes de réduction d’impôts. La colère qui s’était un peu éteinte risque donc d’exploser de nouveau. De notre côté, on a anticipé ce qui s’est passé avec le besoin de débat dans les territoires. Les élus sont perdus parce que les cantons ont changé, les communautés de communes ont grandi, ils ont des propositions à faire mais elles ne sont pas forcément entendues. On n’a jamais eu autant de moyens de communication qu’aujourd’hui mais il n’y a jamais eu autant de besoin d’avoir des liens. Depuis un an, on travaille là-dessus pour permettre aux gens d’échanger un peu différemment ». 

Campagne participative

Là-dessus donc : le site du RELPA Nouvelle-Aquitaine, qui donne le ton dès qu’on arrive sur la page : « élus, partageons nos expériences et nos compétences ». Il a été monté par la toute jeune société Copernic, qui fournit aux collectivités et aux candidats (sans distinction partisane) un moyen de construire un programme participatif, avec un système de vote sur des propositions directement intégré sur le site internet qui achète cette solution digitale (faisant évidemment partie d’un bien plus vaste marché). Derrière l’idée, un fondateur pas tout à fait inconnu des rangs de la droite locale : Gautier Guignard a en effet été responsable de la campagne digitale de François Fillon lors de la dernière élection présidentielle. On ne lui a pas demandé s’il avait été content du résultat, mais son idée de « campagne participative et instantanée », en revanche, on a voulu qu’il nous l’explique.

« Ce n’est pas juste des contributions dont on va faire la synthèse, ce sont des idées dont la pertinence est mesurée publiquement par le nombre d’adhésions et de votes favorables qu’elles auront obtenu. La limite du participatif, c’est qu’on vous demande de vous intégrer dans un autre univers, autrement dit de télécharger une application. Le taux d’engagement est très bas. Ici, les modules sont directement agrégés sur le site du candidat ou de la collectivité à laquelle on s’adresse ». L’outil ne remplacera donc jamais une bonne stratégie digitale des élus ou des collectivités qui l’utilisent : si personne ne vient voter, le « test de popularité » d’une proposition aura autant d’impact qu’un sondage à trois participants. « La maison commune d’une association politique dans cette région est nécessairement digitale, même s’il faut aussi y allier le réseau physique », continue Gautier Guignard. On peut trouver les preuves un peu partout : dernièrement, le candidat le plus populaire en Ukraine dans les sondages assume une campagne presque entièrement digitale (rassurez-vous, le parallèle ne va pas plus loin)). 

Démonstration par l’exemple

Tout l’intérêt de l’association réside donc dans le besoin de fédérer davantage d’élus autour d’elle et de faire connaître le dispositif. Lancé tout récemment, le site internet ouvre aussi des tribunes à des élus (autour du giron divers droite, c’est sa limite apparente et assumée), des projets menés par ces derniers dont d’autres pourraient s’inspirer, des tribunes libres et enfin ces fameuses propositions en débat. « Pendant la campagne (présidentielle), j’entendais souvent ce terme de « bonnes pratiques », sans trop savoir comment rendre ça concret ni ce que ça voulait vraiment dire. Par ce système, on essaie de lui donner du sens », précise Gautier Guignard. Pour l’instant, bien sûr, elles sont peu nombreuses, mais elles ont en revanche un point commun, comme nous le confirme Yves d’Amécourt: « Le besoin de relations entre les élus locaux grandit parce que les modèles dans lesquels les gens se retrouvaient ont explosé. Les communes restent, mais les cantons ont changé et la région est devenue énorme, on a donc besoin de retrouver des liens entre les élus pour faire des propositions et les porter par le biais de cette association. Des parlementaires pourraient aussi s’en saisir pour faire des propositions de loi. On tient à ce que ce clivage politique que le Président essaye de gommer existe. Les propositions de simplification de l’administration, c’est une façon de reprendre une certaine légitimité de l’opposition, de marquer notre différence ». Autrement dit : une manière plus participative de porter les propositions et idées d’une opposition largement mise à mal par le dernier scrutin (et, annonce-t-on déjà, par ceux à venir).

Parmi les quelques propositions déjà en ligne, le discours en faveur d’une décentralisation des décisions politiques est à peine masqué : proposer aux départements de fixer eux-mêmes les limitations de vitesse sur les routes départementales (en réponse à la limitation des 80 km/h), autoriser la célébration des mariages civils dans toutes les communes sans distinction du lieu de résidence, permettre aux mairies de choisir elles-mêmes leur possibilités de financement ou de bilan comptable… Elles sont pour l’instant peu nombreuses, mais le RELPA promet que d’autres vont bientôt venir s’y ajouter. Philippe Goujon, candidat du 15ème arrondissement de Paris a transformé l’outil Copernic en véritable programme interactif, avec plusieurs propositions par thématique, il teste ainsi la popularité de ces dernières. Pas question pour autant, le RELPA l’assure, de se servir de cet outil pour faire campagne lors des prochaines municipales ou européennes : l’association ayant acheté ce service (dont le prix va de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros en fonction de la taille de la collectivité publique et du type de service dont elle veut bénéficier « à la carte ») affirme qu’elle restera seule en contrôle des contenus publiés sur son site mais qu’elle ne sera pas un moyen de prendre des positions électoralistes. Copernic l’assure, d’autres collectivités ou élus sont déjà en contact pour bénéficier de ce service, né officiellement il y a trois semaines. Le grand débat n’était-il que l’amorce d’une réelle ouverture de dialogue à échelle locale entre élus et citoyens ? La droite régionale n’a en tout cas pas hésité à s’engouffrer dans la brèche. La prochaine étape (gonfler les troupes) n’en sera que plus nécessaire.

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