Le Grand Entretien – Guillaume Guérin: Limoges Métropole, « Un projet de territoire partagé pour créer un pôle d’équilibre entre Tours, Clermont-Ferrand, Bordeaux et l’océan »


Corinne Mérigaud
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Temps de lecture 9 min

Publication PUBLIÉ LE 04/12/2020 PAR Corinne Merigaud

@qui.fr : Pourquoi avez-vous souhaité mettre en place un projet de territoire ?

Guillaume Guérin. Le premier volet de l’EPCI a pour objectif de mettre plus de transversalité entre les services, de se mettre en mode projet pour tous les services à la population que ce soit les déchets, l’assainissement, les transports, etc… Le deuxième volet est de savoir comment placer Limoges Métropole en tant qu’aménageur et moteur du territoire à l’échelle de l’ex Limousin, de la Région et de la France. Pour se faire, il faut écrire une feuille de route, définir un projet de territoire, cela se fait un peu partout. Nous sommes un peu en retard en raison de l’histoire de l’intercommunalité, dirigée au début des années 2000 par Limoges avec une direction générale des services mutualisée. Les maires de la périphérie venaient y chercher des attributions de compensation, des enveloppes de voierie et cela a fonctionné jusqu’en 2014 avec l’élection d’Emile-Roger Lombertie. Un gel des relations s’en est suivi entre ceux qui avaient gagné l’agglo, Gérard Vandenbroucke en étant président et le maire de Limoges, donnant lieu à un affrontement entre la ville centre et l’intercommunalité qui prenait une plus grande place dans la gestion quotidienne de la vie des habitants, portant le développement économique, les infrastructures, la mobilité et la politique du logement.Durant cette période, il ne s’est rien passé. Limoges Métropole est passée tardivement en communauté urbaine et les deux exécutifs ont rédigé un pacte de gouvernance pour se partager les responsabilités. La victoire du maire de Limoges aux municipales de 2020 a apporté une même coloration politique à la tête de l‘interco, un alignement des planètes plus simple pour rédiger un projet de territoire.

@qui.fr : La cogestion paraissait difficilement applicable avec un tel antécédent ?

Guillaume Guérin. Mon approche de la cogestion est très personnelle, non partagée par mes amis, mais l’idée commence à faire son chemin et cela se passe plutôt bien. J’ai regardé ce qui faisait ailleurs en terme de coopération et choisi de traiter les maires avec équité car ils sont tous légitimes, adoubés par le vote populaire des municipales. Le plus bel exemple de réussite de la cogestion est celle entre Alain Juppé et Alain Rousset, ils ont réussi à s’entendre et à faire de Bordeaux l’une des plus belles métropoles de ce pays qui souffre d’ailleurs de son succès. On peut parler d’embolie car elle s’est sur densifiée trop vite avec aujourd’hui, une absence de vision d’avenir sur les mobilités et le logement. La réussite est encore plus belle à Cherbourg et Lorient. Et cela marche même mieux parfois avec des bords politiques opposés. Il n’y aura pas de projet de territoire sans cogestion. Nous avons confié des postes stratégiques au bloc qui se qualifie de minoritaire, bien il n’y ait ni bloc majoritaire, ni bloc minoritaire car nous avons un exécutif copartagé. Nous devons être d’accord sur le financement, les axes stratégiques pour arriver à partager ce destin commun. Nous ne sommes pas tous d’accord, nous sommes assez différents dans nos approches sur notre vision du social ou de l’économie mais en vérité, nous sommes tous complémentaires. Il faut en sortir la quintessence des idées pour aller dans le même sens dans l’intérêt de Limoges Métropole. Nous devons porter un projet afin de créer un vrai pôle d’équilibre entre Tours, Clermont-Ferrand, Bordeaux et l’océan.

@qui.fr : Comment comptez-vous opérer ?

Guillaume Guérin. Le but est de mobiliser un pool de citoyens via des consultations directes. Le conseil de développement, en cours de renouvellement, sera partie prenante ainsi que les organismes consulaires, Chambre de Métiers, CCI, syndicats patronaux et professionnels et les élus afin de définir les priorités à financer. Pour cela, il faut définir nos atouts et tenir compte de nos faiblesses en l’occurrence l’enclavement. Côté atouts, nous avons un coût de la vie pas cher (alimentation, logement), une qualité de vie exceptionnelle, un air parmi les plus purs de France et une eau peu chère. Ce projet sera l’occasion unique de montrer que gauche et droite peuvent travailler ensemble dans l’intérêt du territoire, ce qui nous a tant manqués.

@qui.fr : Quels seront les axes de ce projet pour la décennie à venir ?

Guillaume Guérin. Nous allons nous engager sur quatre axes, le développement économique, les infrastructures, les mobilités du quotidien et le logement avec un calendrier en 2023, 2025, 2030 et 2035, libre à mes successeurs de le changer. Le constat est celui-ci : on a perdu l’Armée en 2011, on a perdu notre statut de capitale régionale, on a perdu des militaires, des fonctionnaires de catégories A et B, leurs conjoints donc des contribuables. En dix ans, nos bases fiscales se sont effondrées quand les charges du service à la population incombant à Limoges ont augmenté. Comment faire demain pour maintenir ces services et équipements ? La priorité est de créer de l’emploi privé. Les compensations d’emplois publics, comme le service du contentieux du stationnement, des emplois de catégorie C, ne remplacent pas le millier d’emplois perdus avec le départ de l’Armée et le départ de services déconcentrés de l’État soit 403 personnes. C’est une perte fiscale pour les collectivités et les commerçants. Un changement sociologique est intervenu également avec un apport migratoire dû à la position centrale de Limoges. Des communautés se sont implantées dans certains quartiers amenant une paupérisation.

@qui.fr : La rénovation de ces quartiers vous semble-elle prioritaire pour attirer de nouveaux habitants ?

Guillaume Guérin. Le logement constituera l’axe 4 de ce projet car l’offre pour des ménages de classe moyenne sur Limoges n’est pas assez importante. Depuis deux ans, des retraités avec 3 000 € de revenus ont quitté le centre-ville. Nous avons arrêté le logement vertical pour un plan de logement horizontal afin de faire revenir de jeunes retraités, de jeunes couples et des primo-actifs. Les foyers fiscaux importants ne sont pas à Limoges, ils sont à Isle, un peu à Verneuil et Panazol et de plus en plus à Couzeix. Pour les classes moyennes inférieures, il faut faire du pavillonnaire, ce que nous faisons avec les fonds ANRU à Beaubreuil. Il y a une réflexion pour rénover des logements vacants en centre-ville et y ramener des étudiants mais aussi dans les quartiers périphériques. Il faut recréer avec les promoteurs une offre de logements de qualité pour les CSP+ qui ne trouvent pas à se loger.

@qui.fr : Vous avez imposé la cogestion mais comment est-elle perçue par les maires de gauche notamment le socialiste Gaston Chassain qui a été candidat à la présidence de l’agglo ?

Guillaume Guérin. J’espère qu’il y a un effet Guérin. Ces hommes ont tous l’âge d’être mon père, j’ai 33 ans si j’en avais 55 ou 60, je ne suis pas sûr que j’aurais le même rapport . La plupart sont très sympas avec moi, cela me touche. Quand certains de mes amis viennent parfois me contredire, ils volent à mon secours. J’ai énormément de respect pour des gens qui ont gagné des élections avec 70 %, cela prouve qu’ils font le boulot. J’ai le sentiment qu’il y a de la bienveillance à mon égard de la part des quinquas et des sexagénaires mais il ne ne faudra pas les décevoir car ils sont en attente de voir ce qu’on pourra faire dans un contexte budgétaire contraint. On a une carte à jouer en faisant attention à ne pas dépenser n’importe comment.

@qui.fr : Attirer une nouvelle population passe par l’amélioration des infrastructures, dans quelle mesure pourrez-vous agir ?

Guillaume Guérin. C’est le deuxième axe de ce projet, je prendrai ma part pour la 147. Pour amener d’autres collectivités comme le Département à abonder, il faut donner l’exemple même si ce n’est pas dans nos compétences. Les priorités seront la 147 et la ligne ferroviaire Paris Orléans Limoges. Nous allions plus vite à Paris avec Le Capitole il y a 50 ans, c’est inadmissible aujourd’hui d’aller à Paris dans de telles conditions avec de tels retards. Le ministre Djebarri a fait des annonces, nous verrons si cela se traduira concrètement. Je ne suis pas sûr qu’au regard des études, on nous accorde une autoroute. Ce n’est pas dans l’air du temps avec les Verts au pouvoir à Poitiers. Nous devons jouer sur les deux tableaux, la mise à 2×2 voies avec le CPER et l’autoroute. Nous avons besoin d’une route sécure, directe, d’un barreau pour aller vers l’ouest, autoroute ou nationale peu importe. Et on prendra aussi notre part sur l’aéroport.

@qui.fr : Limoges dispose de filières remarquables, les mettre en valeur serait un préalable…

Guillaume Guérin. Nous devons identifier les filières sur lesquelles nous sommes compétitifs par rapport à Tours, Clermont et Bordeaux sachant que notre concurrent direct c’est Tours, pas Poitiers. On pourra créer des emplois sur les filières eau, le Douglas, les nanotechnologies et l’hyper fréquence en les aidant à se structurer, à l’image du Pôle Européen de la Céramique, écosystème qui aujourd’hui n’a plus besoin des collectivités. Nous espérons créer 1500 emplois sur le mandat. Pour le développement économique, j’ai débauché Sylvain Roques qui prendra ses fonctions le 1er janvier. Il était en charge de ces questions à Bordeaux Métropole, il a implanté beaucoup d’entreprises, il vient avec son carnet d’adresses.

@qui.fr Vous avez commandé un audit au cabinet Klopfer, les conclusions seront rendues le 16 décembre, qu’en attendez-vous ?

Guillaume Guérin. L’idée est de mettre carte sur table en montrant une photographie de nos finances, c’est pourquoi j’ai commandé cet audit. Le cabinet Klopfer a audité toutes les régions, il donnera des préconisations pour optimiser nos ressources et nos dépenses. Nous ferons des choix en fonction des scénarii proposés pour savoir ce que nous pourrons engager.

@qui.fr : Vous voulez inciter des Français à vivre ici, avez-vous des arguments suffisamment convaincants ?

Guillaume Guérin. A travers les thématiques de ce projet, je veux proposer un packaging sympathique et attractif pour des Parisiens quadragénaires, CSP +, qui télétravaillent et n’ont plus l’obligation de rester à Paris. Cette cible que nous voulons attirer plébiscite les mobilités douces, elle se déplace à vélo, utilise les transports en commun, veut de la piétonisation en centre-ville. ils seront les principaux contributeurs à nos bases fiscales. Pour se faire, nous allons définir un programme de ville durable groupé à une smart city pour rendre cette ville intelligente et efficiente au quotidien en matière de transports et de consommation d’énergie pour faire du marketing territorial et vendre une ville durable. Cela se traduit par l’absence de perturbateurs endocriniens dans les crèches, des classes non surchargées, des écoliers qui mangent dans des plateaux en porcelaine. Nous allons créer une régie maraîchère pour servir des produits bio et en conventionnel aux écoliers des vingt communes de l’agglo. Une convention sera signée en début d’année avec la Chambre d’agriculture qui trouvera les producteurs locaux, nous construirons un bâtiment à l’automne et si possible, nous l’étendrons aux collèges avec le Département.

@qui.fr :2021 sera marquée par deux échéances électorales, comptez-vous être candidat aux départementales et régionales ?

Guillaume Guérin. Le pouvoir et les responsabilités changent un individu, le Guillaume Guérin d’avant le 8 juillet n’est plus le même aujourd’hui. La critique est facile quand on est en campagne, lorsqu’on est aux manettes, c’est différent, je ne suis plus dans la conquête électorale. Je reproche au Département d’avoir gardé un trésor de guerre et de ne pas investir assez dans le désenclavement et l’aménagement de l’espace. Bien sûr, je préférerais une alternance au Département mais je ne vois pas avec qui. Je ne serai pas candidat mais LR présentera des candidats avec une alliance avec le centre. Quant aux régionales, nous aurons une réflexion sur le choix de notre candidat si les Verts venaient à rester durablement en tête des sondages. Ils seront en tête au 1er tour. J’aime beaucoup Alain Rousset, je le lui ai dit dernièrement, c’est sincère. Demain, s’il fait la courte échelle aux Verts, il me décevra. Il doit faire attention à ne pas devenir l’otage de gens qui ne partagent pas son idéologie. Je n’ai pas envisagé d’être candidat contre Alain Rousset, je n’ai pas exclu l’idée d’être conseiller régional pour suivre les dossiers. Aujourd’hui, ma famille politique me dit que si les Verts sont devant, il faudra peut-être y aller tout court, c’est une nouveauté et pour l’instant, je fais la sourde oreille. Je ferai deux sondages en janvier et février et nous attendrons le dernier moment pour investir un candidat, même si j’ai du mal à imaginer une victoire des Verts.

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