Alexis, étudiant infirmier, souhaite une réforme profonde


Dans trois mois, Alexis Dieu sera infirmier à l’hôpital de Saint-Yrieix, il a de fortes envies de changements pour notre système de soins.

Dans trois mois, Alexis Dieu sera infirmier à l’hôpital de Sain-Yrieix, il a de fortes envies de changements pour notre système de soinsCorinne Merigaud | Aqui
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 08/04/2022 PAR Corinne Merigaud

La série « Présidentielle, mes attentes, mes espoirs » se poursuit avec Alexis Dieu, étudiant en dernière année de soins infirmiers à Limoges. Le jeune homme votera dimanche, un rendez-vous qu’il ne manque jamais et qu’il attend d’autant plus cette année. Fin juillet, il endossera sa blouse blanche d’infirmier en pratique avancée dans un hôpital public rural, un véritable choix de vie. Si sa vocation a été tardive, il a conscience des difficultés et nourrit de fortes attentes pour le prochain quinquennat.

Alexis est un garçon heureux, il a trouvé sa vocation après avoir cherché sa voie. Dans quelques mois, il sera infirmier en pratique avancée, un nouveau métier né en 2019 suite à la loi de la modernisation du système de santé qui lui donne plus de responsabilités. Ce Bordelais a grandi dans une famille de soignants, un oncle médecin, une tante aide soignante, une mère secrétaire médicale et un père pompier. Son choix professionnel n’a pas soulevé l’enthousiasme. « Ils m‘ont tous déconseillé ce métier, bien qu’ils me soutiennent, à cause des conditions de travail, du manque de reconnaissance que ce soit de la part du ministère de la santé, parfois de la hiérarchie et des patients mais aussi à cause du manque de respect. J’ai encore un peu d’innocence… J’ai déjà été insulté lors d’un stage aux urgences mais l’envie est là.»

Il aurait pu être journaliste, reçu au concours de l’IUT de Bordeaux après son Bac scientifique. « J’ai dit non, j’avais envie de quitter Bordeaux, de voir du nouveau se souvient-il, c’était un peu un défi, je n’ai pas de regrets et je pourrais toujours écrire après, reprendre des études, ce n’est pas un abandon. » Il a préféré le PACES à la Faculté de Limoges, l’année commune aux études de santé, « pour optimiser mes chances sur Parcoursup car il y a avait plus de places qu’à Bordeaux. Cela n’a pas fonctionné en médecine » confie-t-il. Il s’inscrit à la Fac de sciences pour préparer le concours d’infirmier, il intègre une école à Limoges en 2019 parmi 220 étudiants de 1ère année. « Ce métier est multi-facettes, on nous demande une réflexion sur la prise en soins, il y a de la technique, de la psychologie avec l’accompagnement du patient et de son entourage. Ce métier est en constante évolution, je peux intervenir dans différents domaines, la prévention, les urgences, avec des enfants, des personnes âgées… »

Un emploi et un véritable choix de vie

Fin juillet, il prendra ses fonctions à Saint-Yrieix-la-Perche, un emploi trouvé facilement lors des journées recrutements organisées par les écoles. « J’irai dans un hôpital public en zone rurale, j’ai choisi mon employeur après avoir hésité avec le privé, annonce-t-il, le service public est plus sécurisant, c’est plus facile d’accéder à des formations financées par l’établissement, c’est important pour moi. Je changerai d’échelon tous les deux ans, c’est moins le cas dans le privé. Je cherchais un service en 12 heures, pour avoir plus de temps libre, mais je ne l’ai pas eu. Et je serai prioritaire si un poste se libère en interne.» Il va intégrer le pool et remplacera des collègues.

Cet exilé aurait pu regagner sa terre natale. « C’est vrai que je suis venu à Limoges à contre coeur avoue-t-il, il y a une qualité de vie, des loyers abordables, peu d’embouteillages, toutes les commodités et j’habite en périphérie. A Bordeaux, les établissements proposent des conditions plus avantageuses, avec les loyers et les transports, on n’est pas gagnant. Comme je fais de l’équitation, c’est plus simple et moins coûteux en Limousin qu’à Bordeaux. Je suis à deux minutes du centre équestre, cela faisait partie de mes critères de choix.»

En plus des études, Alexis est aide-soignant certains week-end, il a ainsi vécu de l’intérieur la pandémie. Il a alors mesuré les limites du système de santé. « La pression existait avant, le Covid a été le grain de poussière qui a fait exploser l’hôpital assure-t-il, le manque d’effectifs, les conditions de travail qui se dégradent, le manque de matériel, les locaux parfois inadaptés à l’accueil des patients, tout cela fait peur. » Il salue la revalorisation des salaires suite au Ségur 1 et 2. Avec un an d’ancienneté, les infirmières sont payées 2 026 € net soit 290 € de plus. « Il a fallu attendre une crise sanitaire pour considérer les paramédicaux alors que c’était demandé depuis longtemps, déplore-t-il. C’est bien mais un effort est nécessaire pour un niveau Bac+3. »

« Garder les infirmiers en poste et contrôler les Ehpad »

Malgré cette avancée, il attend encore des changements significatifs au cours du prochain mandat. « Il faut une réforme profonde du système de santé français. On pousse à l’ambulatoire pour faire des économies, cela implique d’améliorer les parcours de soins, d’avoir une meilleure coordination entre médecin traitant et hôpital. Quant à la tarification à l’activité, on peut se demander si son fonctionnement est toujours adapté. »

Le manque de personnel est l’une de ses préoccupations, une pénurie qu’il a pu jauger dans les services qu’il a fréquentés notamment aux urgences du CHU. « Un tiers des infirmiers arrête au bout de dix ans car ils ont perdu la motivation, les établissements doivent s’interroger sur cette hémorragie. On forme 30 000 infirmiers par an mais comment les garder ? » Le scandale Orpea est selon lui révélateur d’un système à bout de souffle qu’il souhaite voir disparaître pour le confort des patients et des soignants. « Un infirmier ne peut pas gérer 70 personnes dans la matinée assure Alexis, on ne peut pas reverser des dividendes extrêmes à de grands groupes en payant au lance-pierre ses employés, en demandant toujours plus à peu de gens. A force de tirer sur la corde, on se retrouve avec peu de personnels, des établissements qui partent à la dérive et des collègues maltraitants malgré eux. L’Etat doit faire des efforts sur le contrôle des EPHAD. »

Il attend des aides pour les étudiants, malmenés par deux ans de crise. « La précarité a fortement augmenté après les confinements.» Enfin, la revalorisation des stages lui paraît nécessaire vu l’inflation galopante. « En 3ème année, on est rémunéré 1,70 € de l’heure soit 60 € la semaine pour 35 h! ». Pourvu qu’Alexis garde la foi.

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