Réforme de l’Autorité européenne de sécurité des aliments: Laurence Harribey, sénatrice, pointe « une occasion manquée »


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 14/11/2018 PAR Solène MÉRIC

Créée en 2002 suite au scandale de la « vache folle », l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a permis à l’Union européenne de se doter d’une agence indépendante, capable de fournir une évaluation purement scientifique des risques des produits et substances pouvant entrer dans la chaîne alimentaire (additifs alimentaires, organismes génétiquement modifiés ou encore substances actives contenues dans les produits phytopharmaceutiques). Un avis servant ensuite de fondement aux autorités politiques pour décider souverainement, des conditions de mise sur le marché de ces produits et substances.
Mais dans la pratique, l’EFSA a fait l’objet de critiques récurrentes concernant son indépendance vis-à-vis des industriels. La question du renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate a vivement relancé les critiques sur ce point quand l’EFSA s’est trouvée en contradiction avec le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Alors que le CIRC jugeait cette substance comme « probablement cancérigène », l’EFSA affirmait le contraire ; alourdissant d’autant plus les doutes pesant sur ses procédures. Conséquence, la Commission européenne a élaboré une proposition de réforme de l’agence. Proposition sur laquelle porte le rapport présenté ce mercredi au Sénat par Laurence Harribey.

Une réforme avec « des aspects positifs et négatifs »
Trois critiques principales étaient jusque-là adressées à l’Agence : l’indépendance des experts, la transparence du processus d’évaluation et les risques de conflits d’intérêts avec les industriels. Trois critiques que le rapport détaille : « Concernant la lutte contre les conflits d’intérêts : le conseil d’administration de l’EFSA établit et fait appliquer les règles en la matière. Pour beaucoup, elles ne sont pas de nature à garantir l’indépendance des experts. Sur le choix des études prises en compte pour l’évaluation : les experts doivent se prononcer en prenant principalement en compte les études réglementaires fournies par les exploitants qui sollicitent la mise sur le marché d’une substance ou d’un produit au détriment des études académiques, ce qui peut créer un biais. » Et enfin, concernant le manque de transparence : « l’EFSA ne publie généralement pas les études sur lesquelles reposent ses avis, notamment si la confidentialité a été demandée. Par ailleurs, quand les études sont publiées, c’est dans un format de données difficilement exploitable ». Trois critiques auxquelles la Commission européenne a tenté d’apporter des réponses dans son projet de réforme qui, selon le rapport de Laurence Harribey et de Pierre Médevielle, comporte des « aspects positifs et négatifs ».
En synthèse, Laurence Harribey considère que « si la réforme proposée par la Commission européenne apporte quelques garanties sur la transparence du processus d’évaluation et sur l’indépendance des experts, elle ne va pas assez loin et n’aborde ni la question des conflits d’intérêts ni la recevabilité des études académiques dans le processus d’évaluation. »
En détails, la lutte contre les conflits d’intérêts n’est en effet pas abordée par le projet de réforme celle-ci étant seulement évoquée par le règlement intérieur de l’EFSA, que le rapport du Sénat ne manque pas de critiquer. « D’une part, les conflits d’intérêts sont évalués pour chaque expert en rapport avec la mission qu’il va effectuer au sein de l’EFSA et non en rapport au mandat global de l’EFSA » et d’autre part, « l’EFSA considère acceptable que les experts puissent bénéficier directement de financements privés pour leurs recherches, à concurrence de 25 % du budget total perçu. Sur ce point, la difficulté reste de trouver un juste équilibre entre la lutte contre les conflits d’intérêts et la nécessité de recruter des experts compétents, et ce alors que les pouvoirs publics encouragent les partenariats publics privés en matière de recherche. », temporisent les sénateurs. Pour garantir un juste équilibre, il faudrait selon eux « prévoir un audit externe visant à évaluer la pertinence des règles relatives aux conflits d’intérêts et la qualité de leur mise en oeuvre. »

La nécessaire coordination des agences
Sur le processus d’évaluation de l’Agence, le rapport considère comme nécessaire que les lignes directrices établies par la Commission européenne, qui fixent un protocole précis pour la réalisation des études, soient revues « pour permettre, d’une part, une meilleure prise en compte des études académiques, et, d’autre part, une réévaluation de leur force probante. » Enfin, autre proposition adressées par les sénateurs à la Commission européenne, qui recevra copie de cet avis politique : « mettre en place des accords de coopération avec les agences internationales et harmoniser les lignes directrices des agences au sein de l’Union européenne » pour une meilleure coordination des agences. Objectif : « éviter ou expliquer des avis contradictoires entre agence », comme ce fut le cas justement pour le glyphosate.

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