Roland Cayrol : une vision du macronisme


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 13/04/2019 PAR Julien PRIVAT

Il est souvent invité sur les plateaux de télévision pour livrer ses analyses politiques. Mais ce jeudi 11 avril, il les a délaissés au profit des salons de la mairie de Bordeaux et de la centaine de personnes présentes pour l’écouter. Roland Cayrol est venu présenter sa dernière publication Le Président sur la corde raide, les enjeux du macronisme. Joël Aubert y avait consacré en février dernier un de ses éditos du dimanche ; aujourd’hui, le directeur des publications d’Aqui a animé un échange riche. « Quand j’ai reçu le livre, je me suis plongé dedans. J’ai fait plein de graffitis sur les pages. Je trouve que Roland Cayrol ne cède pas immédiatement au bashing. Ses analyses sont intéressantes. » Le politologue revient sur les propos de campagne d’Emmanuel Macron, ses discours et sur le fait que ce jeune président a bousculé les habitudes politiques de l’hexagone.

« Je vais essayer de ne pas vous raconter tout ce qu’il y a dans mon livre. Mon objectif, c’est que vous l’achetiez », commente plaisamment Roland Cayrol pour lancer ses explications sur le président de la République. Il est revenu sur la prise de pouvoir d’Emmanuel Macron. « Il a quand même déjoué beaucoup de pronostics. Alors que, selon beaucoup de personnes, il était impossible  de devenir président sous la Ve République sans le soutien d’un parti, d’argent, des réseaux de militants locaux, etc., il a réussi à se faire élire. » Roland Cayrol avoue qu’il sentait qu’il se passait quelque chose et il a paru pour lui évident qu’Emmanuel Macron remporte ses élections. Ensuite venaient les élections législatives où le président obtenait avec son nouveau parti La République En Marche (création en mai 2017) la majorité absolue. « Je me disais qu’il allait gagner, mais pas forcément avec la majorité absolue. Il y aurait eu alors une culture du contrôle, un vrai rôle du parlement et des discussions entre fractions politiques. » Sauf qu’aujourd’hui, le président semble tout contrôler.

 Une centaine de personnes est venue écouter Roland Cayrol dans les salons de la mairie de Bordeaux

Même pour sa cote de popularité, il ne fait pas comme ces prédécesseurs. « Les présidents perdaient en popularité et ne la regagnaient jamais », explique Roland Cayrol. L’histoire ne se reproduit pas. « Macron est descendu plus vite que les autres et il est remonté. Il est redescendu avec les fameux gilets jaunes pour remonter ensuite ». Une maîtrise de l’opinion ? 

Le macronisme, c’est quoi ?

Le macronisme est présent dans le sous-titre du livre de Roland Cayrol. « Si je m’interroge sur ce qu’est le marcronisme, je me suis marqué par cinq points », résume-t-il. Selon lui le macronisme est l’adhésion à une personnalité. « Chez les membres du parti de La République En Marche et certaines électeurs, il y a eu une admiration, une sympathie personnelle pour ce jeune homme brillant et intelligent. » Selon lui, cette admiration est tellement mise en avant qu’elle peut même frôler de temps en temps le culte de la personnalité. Ce qui parfois s’est peut être retourné contre lui. « Les gens ont commencé à être hostiles et sont passés par la critique virulente, voire la haine ». Le politologue a fait un parallèle avec Nicolas Sarkozy, qui entretenait une certaine haine contre lui et qui était désigné par une frange de la société comme président des riches. « Macron est aussi qualifié de président des riches aujourd’hui. »

Le deuxième point du macronisme est, pour Roland Cayrol, le coup de génie d’Emmanuel Macron. « Il a dit en même temps : et gauche et droite. Le coup de génie, c’est de ne pas dire : ni droite ni gauche. Ce qui nous aurait amené un énième avatar du centrisme. » Les Français semblent toujours attachés à la dimension gauche/droite. « Plus de 90% des personnes interrogées par les sondeurs savent à quel endroit de l’échelle se situent leurs idées politiques », confie-t-il. Il pense que les Français en ont marre d’une certaine guerre de religion entre les partis traditionnels où le parlement ne vote pas les amendements des partis opposés…

Le macronisme est, selon Roland Cayron, un parti. Emmanuel Macron a inventé un parti avec La République En Marche. « Un parti sorti de rien, de nulle part qui voit arriver des dizaines de milliers de personnes qui n’avaient jamais adhéré à quoi que ce soit avant », poursuit-il. Les candidatures ont été soigneusement choisies au sommet du parti. Mais justement, LREM est peut être tombé dans les travers des partis politiques française. « Elle n’arrive pas à sortir de cette impasse qu’ont connu tous les partis sous la Ve République, c’est-à-dire à quoi ça sert un parti au pouvoir ? On ne sait pas vraiment, alors que l’on sait à quoi servent les partis en opposition. » Roland Cayrol livre même une explication sur le terme « godillots » du pouvoir qui est utilisé pour qualifier les membres LREM. « Ce sont des parlementaires ou militants qui se contentent d’approuver le parti. Le premier à avoir employé cette expression est un député gaulliste à la tribune de l’Assemblée Nationale. Il l’a dit fièrement : nous sommes les godillots du général. Après, il y a eu Jean-Pierre Chevènement qui disait qu’un godillot était une belle et bonne chaussure et qu’il préférait les socialistes en godillots qu’en escarpins ». 


Le quatrième point est que le macronisme est un cap. « On est arrivé à un point où Emmanuel Macron est persuadé que son programme présidentiel et les réformes qu’il a annoncées sont un cap. Il est pris dans cette malédiction », commente Roland Cayrol. Selon le politologue, « du temps de Jacques Chirac, on ne savait pas ce qu’il faisait, on se demandait s’il y avait un pilote dans l’avion. Sous Nicolas Sarkozy, il n’y a pas eu de doute sur la présence d’un pilote, mais on ne savait où il emmenait l’avion. François Hollande, on se demandait s’il y avait un pilote. Avec Emmanuel Macron, il y a un pilote mais n’a-t-il pas oublié ses passagers? ».

Enfin, le cinquième et dernier point, est l’idéologie. « Emmanuel Macron n’arrête pas de dire qu’il veut transformer la France. Son premier ministre, qui a une loyauté totale, dit qu’il veut réparer la France. Je trouve qu’ils ont une position assez différente. Réparer, c’est un langage de garagiste au mieux de technocrate. » Roland Cayrol différence le cap et l’idéologie, car cette dernière permet d’avoir une cohérence et donner une perspective.  

Finalement, le politologue Roland Cayrol définit le macronisme comme étant du libéralisme économique qui tourne autour de la personne d’Emmanuel Macron. « Personne autour de lui ne sait ce qu’il va faire. C’est difficile pour les gens de porter un message collectif pour dire où ce peut être dit, où on va, au nom de quoi. Il manque dans la macronie une construction de ce genre. J’ai trouvé une autre idée forte, peut-être plus forte que le libéralisme, c’est le solidarisme ou le personnalisme chrétien ».

Commentaires sur l’actualité

Cette discussion s’est conclue par un temps d’échange où il est ressorti que « Jupiter » a oublié les corps intermédiaires. Il avait, durant ses discours et ses campagnes, mis en avant une volonté de faire bouger les choses. Il fut question aussi, bien sûr, d’actualité. Le grand débat, tout d’abord. Roland Cayrol trouve logique que ce soit Emmanuel Macron qui annonce les résultats et les mesures de cette consultation nationale. Cependant « personne ne sait ce qu’il va annoncer le 15 avril. Certes il prend ses responsabilités. Il concerte des personnes, mais il ne suivra pas les conseils. Ses conseillers ont l’impression de l’influencer, mais personne ne sait le secret, il le conserve ». Les élections européennes furent également abordées. Il s’agit de la seule élection à la proportionnelle rappelle Roland Cayrol. « L’important, ce n’est pas de gagner. Contrairement à ce que les médias laissent entendre. » Il avertit sur le fait que ceux qui commentent les résultats des élections européennes disent souvent que tout change, mais selon lui elles ne sont pas un baromètres pour les futurs scrutins. Une personne dans le public a fait remarquer que même les candidats manquaient d’enthousiasme sur l’Europe… des réflexions intéressantes et qui continuent à susciter le débat. 

« Le Président sur la corde raide », les enjeux du macronisme, Calmann Levy, 17,5 euros


Discussion autour du Macronisme entre Roland Cayrol et Joël Aubert

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