Séance plénière du Conseil régional : jeunesse, industrie… et Centerparcs


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 16/03/2015 PAR Romain Béteille

Tout comme Alain Rousset l’a rappelé en début de séance, l’Aquitaine peut s’ennorgueuillir d’un bon bilan en matière de création d’entreprises : +5,5% contre +1% au niveau national, et d’une trajectoire de politiques publiques « qui doit être poursuivie, notamment via le renforcement des compétences économiques auprès des régions. L’Aquitaine s’est engagée résolument dans cette troisième révolution industrielle, même si les débats à l’assemblée sur la décentralisation sont loin d’être gagnés, le service public pour l’emploi ayant été vivement contesté par les différents présidents des missions locales, convaincus qu’ils détenaient la vérité. Pareil au niveau du tourisme : la région reste chef de file mais rien n’a bougé, notamment sur les espaces naturels sensibles. Le rapprochement des régions pose un problème de proximité : comment harmoniser les politiques et dans quels délais ? » a ainsi résumé le président de région. 

Le Conseil veut orienter la jeunesseSi l’on devait retenir deux gros morceaux des principaux dossiers abordés lors de cette plénière, le premier serait sans doute celui lié à la jeunesse, et notamment à l’apprentissage, avec une volonté de dépasser le chiffre de 20 000 apprentis en Aquitaine et de toucher 5,6% des entreprises au lieu de 3,6% aujourd’hui. Pour cela, 3 axes ont été définis : valoriser l’image de l’apprentissage auprès des jeunes (olympiade des métiers, valorisation de la mission des maîtres d’apprentissage, ect), inciter les entreprises à recruter des apprentis (via une nouvelle prime pour les entreprises de moins de 250 salariés à hauteur de 1000 euros encadrée par la loi de finances 2015 ou encore une convention CGPME-Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises- avec l’objectif de recruter 339 apprentis supplémentaires sur 3 ans. Enfin, un plan d’action voté proposait la mise en oeuvre du SPRO (Service public régional d’orientation) Pour Bernard Bournazeau (PS), le budget consacré à l’apprentissage est de 102,56 millions d’euros. « L’apprentissage ne représente pas, comme un vieux serpent de mer le laisse entendre, une insertion de la délinquance dans le monde du travail. Il nous faut continuer à travailler cette image ». Un argument aussitôt contré par Marie-Françoise Nadau (UMP), pour qui l’apprentissage « reste une voie de garage (la part des jeunes suivant une formation en apprentissage est de 5,6% au niveau national). 

« Plusieurs mesures existent déjà. Certes, 3,6% des entreprises prennent des apprentis, mais on ne sait pas lesquelles. De plus, les entreprises de plus de 450 salariés ont l’obligation de prendre des apprentis, or près de 4000 d’entre elles préfèrent payer une taxe que d’en prendre ». « Les contraintes administratives ont un effet de repoussoir », justifie Alain Rousset. Même constat d’échec pour le MoDem représenté par Geneviève Darrieusecq, pour qui « la volonté de promotion est positive, mais sans entreprises derrière pour les recruter mène dans une impasse. Nous n’avons pas la culture à la formation d’entreprise en France, la jeunesse a le sentiment de ne pas inspirer confiance, au monde du travail ». Les aides pour la jeunesse sont-elles vraiment trop dispersées en France ? C’est en tout cas le constat affiché par Stéphane Delpeyrat-Vincent : « Nous avons un problème national de multiplication et de dispersion des dispositifs d’aide ». « Décliner les dispositifs ne prouve pas leur efficacité », déplore quand à lui Dominique Ducassou (UMP), il est dommage que l’on ait pas attendu la mise en place de cette évaluation des différents dispositifs » (54 en tout en Aquitaine, pour un budget d’environ 55 millions d’euros par an). 

Le dispositif nommé SRPO a aussi quelque peu divisé les élus. Pour Isabelle Larrouy, « c’est à nous de faire une offre en termes de politique publique, afin d’éviter la multiplication des marchands de soupe dont les formations inutiles se multiplient, comme dans l’art, l’esthétique ou l’informatique » (l’élue citant récemment certains diplômes « non reconnus » d’Epitech). Autre problème pointé du doigt, la multiplicité des salons d’orientation et des fameuses « portes ouvertes », de plus en plus difficiles à contrôler. 

Entreprises et industrieDepuis 2011, le Conseil régional d’Aquitaine a conditionné l’attribution de ses aides au renoncement de versement de dividendes aux entreprises (aides de plus de 10 000 euros). Ont donc été présentées dans ce cadre des suventions éco-conditionnalisées. Pour rappel, sur la période 2012-2014, 193 millions d’euros d’aides ont été attribués à 3939 entreprises. Parmi elles, 278 pratiquaient la redistribution de dividendes et ont reçu 28 millions d’euros d’aides (soit des dividendes qui concernent seulement 7% des entreprises aidées et 15% des montants attribués). Ainsi, la région a refusé d’accorder une aide à 21 entreprises, parmi lesquelles 17 d’entre elles donnaient priorité à la rémunération des actionnaires. Enfin, 6 entreprises affichent le mauvais exemple, avec un versement de dividendes sur des comptes courants bloqués pendant la durée du programme soutenu. Malgré tout, « les abus les plus criants ont pu être évités, même si 50% des entreprises ont bénéficié d’exception, peut-être à cause d’un maillage encore trop lâche », a questionné  Martine Moga (MoDem). « Nous restons pourtant sur quelques abus incrompréhensibles, des dossiers qui ne devraient pas bénéficier d’aides, ou une baisse des cotisations sociales sur des salaires cosmiques », a ajouté Alain Baché. « Ce qui est insupportable, c’est quand le prélèvement des dividendes se fait à l’encontre du développement de l’entreprises. Mais il ne faut pas avoir d’attitude idéologique à l’égard de ces dividendes placées dans les comptes courants », a tenu à préciser le président de région. 

Concernant les éco-sociaux responsabilités, c’est une délibération « soft » pour Martine Moga, « une réformette qui ne reflète pas du tout la richesse des débats ». Patrick Beauvillard, affilié au parti Nouvelle Donne, va même plus loin, dénonçant une « mystification, avec des pans entiers oubliés (« rien sur le dialogue social, rien sur la sous-traitance »). Le texte est tellement pauvre qu’il ne permettra même pas d’évaluation. C’est une soumission politique à l’économique. On préfère célébrer un micro-résultat que de garder des exigences fortes. On a mis 5 ans pour arriver à un texte qui ne change rien ». Soulignons également un soutien de la région en faveur du développement de l’entrepreunariat féminin. Le second plus gros dossier de cette plénière reste celui de l’Aéronautique, défini comme le « 1er secteur industriel, encore plus dans le cadre de la grande région ». Des failles ont été soulignées, notamment une chaîne de sous-traitance « peu organisée ». A travers une feuille de route 2015-2017, le Conseil régional a ainsi réaffirmé sa politique en matière d’aéronautique (comme précisé lors de l’annonce des différentes axes). Pas de trop grand remous sur ce dossier, à part quelques incertitudes sur le partenariat avec Turboméca, marqué par une actualité plutôt morose ces derniers jours (grève des salariés). 

Le Center Parc du Lot et Garonne diviseLà où l’on a sans doute assisté aux échanges les plus vifs, c’était lors du débat sur la réalisation du futur CenterParcs à l’échéance 2019. Un projet qui suscite certaines polémiques des suites d’un rapport à charge formulé par le CESER. S’il est déclaré économiquement « viable et rentable », c’est qu’il promet 630 000 nuitées par an (+10% sur le Lot-et-Garonne), un projet de 170 millions d’euros (dont 10 à 15 pour la région uniquement pour la mise en place de la structure « pôle et loisirs ») qui promet la création de 300 emplois dont les deux tiers en CDI, pour un Chiffre d’affaire annuel estimé à 5 millions d’euros.

Sorti de ces chiffres, le projet de Casteljaloux a suscité de vives réactions dans l’hémicycle, à commencer par Patrick Beauvillard qui, entre deux séances, a glissé : « on sait que le modèle économique de Pierre et Vacances repose à la fois sur la captation d’argent public et les niches fiscales pour cibler les territoires en déprise, c’est à dire là où l’on souffre le plus, la promesse de quelques emplois hypnotisant les élus », n’hésitant pas à questionner, micro en main, « Est-ce valoriser un territoire que de construire une bulle pour s’en échapper ? ». Renaud Lagrave (PS) a souligné la nécessité d’un « projet important pour la structuration touristique de la région. Une étude prospective du tourisme datant de 2010 a souligné le manque de structures et d’outils d’animation sur le territoire. Cette zone a été choisi par CenterParks car elle est stratégique. Cette implantation nécessite des études et des engagements sont en cours, sur lesquels nous auront à nous prononcer dans les mois qui viennent ».

« Dans le bilan financier de Pierre et Vacances, de nombreux contentieux existent, et la rentabilité ne semble pas être relative sur la durée. Il y a donc matière à s’inquiéter de la durabilité économique du projet », a affirmé pour sa part Bernard Péré (EELV), qui aurait préféré un « plan du tourisme aquitain ambitieux, car nous disposons d’un patrimoine archéologique riche, pas suffisament mis en valeur ». Pire, pour l’élu vert, « ce dossier aura un impact important sur l’environnement et transformera profondément le paysage ». Joan Taris (MoDem) a semble-t-il profité de l’agitation pour parler d’une « fracture sociétale au sein même de la majorité, opposant ainsi deux visions inconciliables ». L’élu centriste a cependant apporté un argument concret : la part allouée au tourisme dans le dernier vote du budget du Conseil régional : 20 millions d’euros, soit au mieux la moitié, au pire les trois quarts du coût du projet de Casteljaloux… Un projet controversé mais malgré tout adopté. Une plénière sans grande surprise donc, que certains n’ont pas hésité à qualifier de « déroulé de programme pour les futures élections ». Reste à déterminer les conséquences futures de ce fameux « programme »…

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