Transports : la Charente-Maritime adopte une motion sur la dégradation du réseau ferroviaire


Anne-Lise Durif
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 25/10/2018 PAR Anne-Lise Durif

« Scandaleux », « hallucinant », les élus du Département de Charente-Maritime n’ont pas de mots assez forts pour exprimer leur mécontentement sur la situation, de son président Dominique Bussereau au conseiller départemental  et représentant du groupe PS Mickaël Vallet (maire de Marennes). Il faut dire que l’histoire est relativement ubuesque, comme le raconte Dominique Bussereau : « SNCF Réseau a rénové la voie entre Saintes et Royan (l’hiver dernier). Les trains devaient reprendre au printemps un rythme moyen de 100 km/h, le temps de stabiliser le ballast, puis reprendre leur vitesse normale de 120 km/h. Or il se trouve qu’Eiffage a loupé 1,5km de voie, faisant que les trains sur 6,5km de voie ne roulent qu’à 40 km/h là où ils sont censés rouler à 120km/h ». Un constat fait depuis des mois par les usagers, qui ont dû composer avec des temps de trajets plus longs, sur cette ligne majoritairement fréquentée (hors saison estivale) par des travailleurs et des jeunes scolarisés à Saintes ou à Royan. Et dont le mécontentement a fini par remonter aux oreilles de la SNCF, puisque c’est le représentant régional de SNCF Réseau lui-même qui aurait fini par informer le Département de ce « loupé », « avant que la presse ne le remarque».

Une transparence à retardement qui ne suffit pas à apaiser la colère du président de la Charente-Maritime :  « Six mois de travaux et un réseau tout neuf pour un loupé, on a clairement un problème ! ». Elle est d’autant plus insuffisante que la nouvelle survient après une accumulation de mauvaises nouvelles concernant le réseau entre les deux Charentes, les Deux-Sèvres et la Gironde. A commencer par la modernisation de la ligne Angoulême/Saintes qui a pris beaucoup de retard. Comme le précise la motion, « seuls 25% des travaux ont été réalisés et la poursuite des travaux n’est pas prévue par SNCF Réseau avant fin 2021, pour une mise en service éventuelle de la nouvelle signalisation fin 2023 »… Ceci en sachant que l’électrification de la ligne Angoulême/Saintes/Royan étant elle-même soumise à la réalisation notamment de ces travaux, la mise en service ne devrait pas survenir avant au moins 2026.

Autre sujet de mécontentement venant s’accumuler : la non inscription au plan Etat-Région de la réfection de la dorsale Niort/Saint-Jean d’Angély/ Saintes/Bordeaux. « Certains maires situés sur l’itinéraire ont fait voter par le conseil municipal des motions hostiles à l’autoroute ferroviaire prévue par le Grenelle de l’environnement, expliquant que ça allait couper des grandes villes du nord et du sud plusieurs fois par jour alors qu’il s’agit d’un train par jour dans chaque sens », dénonce Dominique Bussereau, « Du coup, la voie ferrée Niort/Saintes qui devait être refaite entièrement et à 100% aux frais l’Etat, entre la région parisienne et le sud des Landes, est restée telle quelle. Résultat : dans le contrat de plan Etat-Région, il n’y a pas un sou sur le Niort/Saintes ni sur Saintes/Bordeaux. […] C’est très mauvais pour notre département qui investit beaucoup dans le ferroviaire. » Dominique Bussereau refuse notamment de voir péricliter la desserte de Saint-Jean d’Angély, à l’heure où la ville porte un projet de station thermale. « Ca peut tout à fait nous arriver », prévient-il, donnant en exemple les lignes Saintes/Angoulême/Limoges et Poitiers/Angoulême/Limoges, à l’arrêt depuis plusieurs mois. Lui ne voit qu’une seule solution : renégocier le contrat Plan Etat-Région. La demande ainsi que la motion seront transmises au préfet de Région, via le préfet du département Fabrice Rigoulet-Roze. En plus du respect du contrat de région de 2015, la motion est accompagnée d’une demande de mise en place d’un comité de pilotage avant décembre 2018 dans le but de définir un calendrier des opérations à mener et de leurs financements.

« Le réseau ferroviaire de Nouvelle-Aquitaine est en train de craquer »

A la Région, le vice président chargé des Infrastructures, des Transports et de la mobilité Renaud Lagrave s’étonne un peu de ce deuxième coup de semonce de la Charente-Maritime, concernant des sujets sur lesquels il n’y a « rien de nouveau ». « Le CTER 2015-2020 est encalminé et je partage l’avis de Dominique Bussereau sur le fait que le compte n’y est pas concernant les travaux qui devaient être lancés », affirme Renaud Lagrave, assurant qu’il n’a pas plus de réponses venant de l’Etat ou de SCNF Réseau que Dominique Bussereau. « A l’échelle de la région, on est loin d’avoir lancé ne serait-ce que la moitié des travaux qui devraient être réalisés.»

Il reconnaît également l’urgence de la situation : « Le réseau ferroviaire de l’ensemble de la Nouvelle–Aquitaine est en train de craquer […] Il faut rappeler que lorsque la grande région s’est constituée, nous avons récupéré les 3 contrats Plan Etat-Région des 3 ex-régions, réalisés à une époque où on ne connaissait pas l’état réel des réseaux. Or certaines voies n’ont pas été entretenues depuis les années 1970 ». La Région a aujourd’hui la sensation d’en être à sauver les meubles pour s’éviter le pire : « Nous sommes obligés de parer au plus pressé pour éviter des fermetures pures et simples de lignes. Pour ce seul sauvetage nous avons besoin d’un milliard deux cent millions d’euros, à trouver pour les 6 à 7 ans à venir ». Sept lignes seraient concernées, dont l’axe Angoulême/Limoges et le Limoges/Poitiers, à l’arrêt déjà depuis plusieurs mois, mais que la Région espère faire repartir. « On va mettre le maximum dans les lignes les plus en difficulté […] Le problème, c’est qu’on fait du sauvetage permanent avec des coûts exponentiels ». En atteste la réfection en cours de la voie Bergerac/Libourne, dont la Région dit avoir avancé les 25 millions d’euros promis par l’Etat… Sans avoir ni date ni garantie de remboursement.

A entendre Renaud Lagrave, on pourrait croire que face à l’état de décrépitude de certaines voies régionales, les lignes de Charente-Maritime ne se portent pas si mal et ne seraient donc pas prioritaires.  « On n’a jamais dit ça et surtout, ce n’est pas vrai. La preuve, nous avons investi dans la réfection des voies de l’axe Saintes/La Rochelle, qui étaient en train de tomber en ruines », explique Renaud Lagrave. L’élu trouve d’ailleurs injuste le reproche de la Charente-Maritime, dont la motion accuse la Région d’avoir « abandonné la modernisation de la signalisation de la ligne » : « Ca n’a pas de sens de moderniser une signalisation de trafic si les voies elles-mêmes ne sont plus en état. Nous avons donc logiquement commencé par ce qui était le plus urgent », explique l’élu régional. Il reconnaît néanmoins le retard anormal des travaux de modernisation de la signalisation de la ligne Angoulême/Saintes, « mais ce n’est pas nous qui faisons le calendrier, c’est SNCF Réseau ». Concernant le retardement du projet d’électrification, qui pourrait permettre à terme d’amener les TGV, le sujet fait toujours débat entre Alain Rousset et Dominique Bussereau, et n’est clairement pas la priorité de la Région.

 Bussereau convié à la table des négociations

Concernant la renégociation du contrat plan Etat-Région demandé par Dominique Bussereau, « c’est ce que nous demandons à l’Etat depuis plus d’un an », assure Renaud Lagrave, « Ce qui me paraîtrait utile, c’est que le Département de Charente-Maritime fasse partie du dispositif pour demander une rallonge financière à l’Etat dans le cadre du CTER ». L’élu régional affirme même « soutenir la motion » et invite les élus de Charente-Maritime comme d’ailleurs à prendre ce genre de position officielle pour se faire entendre par l’Etat. « Nous, on est prêt à prendre tous les soutiens possibles pour faire bouger les choses ».

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Charente
À lire ! POLITIQUE > Nos derniers articles