Tribune Libre-Gilles Savary: Leçon de chose politique: pourquoi je ne suis pas candidat au Parlement Européen ou « mon parti m’a tué »


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 02/03/2009 PAR Joël AUBERT

Mais à en juger par le nombre de réactions stupéfaites et interrogatives qui m’ont été adressées, il apparaît que les mieux informés et les plus sagaces observateurs n’ont pas idée de la façon dont fonctionne un grand parti de gouvernement dans la France en crise de ce début de siècle…
A cet égard, la relation de mon éviction ne sera pas inutile à leur culture générale et accessoirement, à un minimum de transparence démocratique.

Un vendredi fatal
Jusqu’à la réunion du « courant » Royal, ce vendredi fatal du 27 février dans un sous-sol de l’Assemblée Nationale, l’hypothèse la plus robuste était que je figure en 3ème position de la liste du grand Sud Ouest.
Les deux premières places devaient -et sont finalement revenues- à Kader Arif, proche de Bertrand Delanoë, et Françoise Castex proche d’Henri Emmanuelli, tous deux de la région Midi Pyrénées.
La Région Landeguoc-Roussillon s’était résolue à ne pas revendiquer cette 3ème place, au nom de mon bilan de député sortant et des fonctions d’influence que je pouvais apporter au Parti Socialiste français et à la France au sein du Parlement Européen : une Présidence de Commission, une vice-présidence du Parlement ou une coordination PSE.
C’était précisément le sens de ma candidature, après 10 ans d’un investissement politique opiniâtre dans les domaines des Services Publics et des transports, bien identifié au Parlement Européen, en France, et même au-delà…Ségolène Royal avait imprudemment déclaré au journal Sud-Ouest que je figurerai en position éligible dans ma région.
Martine Aubry m’assurait que mes états de service et l’atout que je représentais au Parlement Européen me plaçaient dans son « carré d’as » des reconductibles…
A l’exception des amis de Benoît Hamon, des personnalités de divers horizons du Parti Socialiste ont spontanément « mouillé la chemise » en ma faveur : Pierre Moscovici, Bernard Poignant, Harlem Désir, Catherine Guy-Quint, Martine Roure et d’autres encore.
Tous les Parlementaires girondins, sans exception ni considération de sensibilité, se sont solidarisés avec la Fédération Socialiste de la Gironde pour m’apporter leur appui, au nom de mon implantation dans le Département le plus peuplé de la circonscription.

J’étais le député le plus consensuel…
Au sortir d’un Congrès saignant, j’étais le député européen socialiste le plus consensuel.
Au bout de la procédure de désignation interne, je suis un sortant sorti !
Que s’est-il passé ?
Crédité de 6 candidats en position probablement éligible, le « courant » de Ségolène Royal animé par Vincent Peillon, François Rebsamen, David Assouline et Manuel Valls éprouvait des difficultés à reconduire Vincent Peillon à une position qui convint à son rang éminent.
Elu en 2004 dans la circonscription du grand Nord, Martine Aubry, leader du Parti Socialiste et maîtresse des lieux, l’avait excommunié, refusant catégoriquement de l’y reconduire, considérant qu’il avait quitté la région en 2008 et qu’il ne pouvait être question que le Nord supportât un candidat du clan Royal après que ce dernier l’ait accusé de fraude électorale au Congrès de Reims.

La jachère de Peillon
C’est la jachère de Peillon qui allait m’être fatale, par l’un de ces obscurs télescopages d’appareil qui échappent au commun et que l’on travestit généralement de déclarations fraternelles et unionistes en diable !
Vincent Peillon lorgnait une délocalisation en tête de liste de la circonscription Rhône-Alpes / PACA.
Mais pour l’obtenir, il lui fallait circonvenir Gérard Collomb, le puissant Maire de Lyon, par ailleurs leader politique de la motion Royal au Congrès de Reims, qui refusait la perspective d’un parachutage.
Pour contourner l’obstacle Collomb, il fallait à Peillon des alliés au sein du clan Royal.
Tous comptes des voix militantes effectués, il décidait de payer cash le soutien de Jean-Noël Guérini, patron des Bouches-du-Rhône, contre l’investiture en position éligible d’une personnalité extérieure au Parti Socialiste, Karim Zeribi.
Il lui fallait aussi le concours du Languedoc Roussillon qu’il allait monnayer en donnant la 3ème place de la circonscription du Sud-Ouest à Eric Andrieu, 1er secrétaire fédéral de l’Aude, au prix… de mon éviction.
Après en avoir obscurément infusé le scénario pendant la semaine, Vincent Peillon pouvait réunir le « courant » Royal quelques heures avant la Commission Electorale du PS et sa Convention du samedi 28 février, pour faire avaliser cette savante manœuvre d’appareil par une salle étroitement verrouillée par les Marseillais et les languedociens.

La messe d’un parti fraternellement réuni
Gérard Collomb, réalisant le piège monté contre lui, ne pouvait que constater le décès de la « Ligne Claire », par retournement de Guérini qui en constituait, depuis le Congrès de Reims, l’un des piliers politiques.
Le « courant » Royal éclatait ce vendredi 27 février, avant celui de Bertrand Delanoë le 1er mars…
Comme il se doit, Martine Aubry n’avait plus qu’à célébrer la messe d’un Parti Socialiste « fraternellement » réuni le temps d’une Convention mortifère à la Mutualité.
Loin, bien loin des préoccupations des Français, de l’Europe, de l’influence de la France, du travail et du mérite des sortants, de la crise sociale, de l’avenir du Monde et des conséquences de notre insoutenable indifférence européenne…
Ce qu’il faut retenir de cette histoire, c’est qu’au Parti Socialiste, ce sont des coalitions obscures d’apparatchiks et de féodaux qui en imposent désormais aux grands leaders optiques du Congrès de Reims, confondants d’impuissance… !
Un autre enseignement que je livre à l’attention des futurs députés européens socialistes, c’est qu’à de très rares exceptions près, on ne peut pas être un Parlementaire européen conséquent et prétendre durer. Tout simplement parce que l’un dépend de la présence en Commissions Parlementaires à Bruxelles, et l’autre d’un incessant grenouillage au siège du Parti, les mêmes jours, les Mardi et Mercredi…Etre en Cour à Paris signifie l’insignifiance à Bruxelles et vice et versa…

Du coup, les Français subissent l’Europe, laissant à d’autres le soin de la faire.
Si l’on me demande pourquoi j’ai résolument choisi, au risque de me tromper d’attelage, la rénovation du PS et de nos mœurs politiques depuis 2006, la Convention de désignation à l’élection européenne m’a donné matière à l’illustrer et à me conforter dans cette voie risquée et incertaine.
« Sans haine ni violence » comme disait Spaggiari.
Mais en toute liberté.

Gilles Savary, député européen

Les intertitres de cette tribune ont été écrits par la rédaction

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