Tribune libre: République ou démocratie : que sommes-nous et pourquoi s’abstenir ?


Michel Queyraud
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 25/03/2014 PAR Michel Queyraud

Je parle là, non seulement de la France, mais de la majorité des pays dits « développés » où nulle autre place n’est faite hors de ce fameux bipartisme à l’anglosaxonne : sociodémocrates versus droites républicaines, conservatrices ou ultra-libérales. Et pourtant. La créativité vient toujours d’une minorité, souvent en avance, à coup de bons sens et de remise à plat de vieilles croyances.
Le véritable humanisme est trop rare pour se parer des habits de la majorité. Et la propagande, au sens où le dénonce le génial Chomsky, comme arme de pouvoir de nos dirigeants politiques, continue de gagner du terrain sur les gravats d’un ancien mur berlinois où la « schlag » version Stasi (mot à la mode à l’UMP) servait de d’outil de conviction massive. Alors, avant d’oser une petit revue d’effectif sous forme de mode d’emploi au profit du citoyen, il parait essentiel de rappeler ce qu’est une démocratie, imaginé par des Grecs en quête de sens commun, comparativement à la république par laquelle les Romains ont su remettre au pouvoir les possédants au détriment de la plèbe, ces humains ne possédant rien ou presque, au service indéfectible des premiers.

Gouverner la cité est une affaire publique et collective« De façon générale, un gouvernement est dit démocratique par opposition aux systèmes monarchiques d’une part, où le pouvoir est détenu par un seul, et d’autre part aux systèmes oligarchiques, où le pouvoir est détenu par un groupe restreint d’individus. Néanmoins, ces oppositions, héritées de la philosophie grecque (notamment de la classification d’Aristote) sont aujourd’hui équivoques de par l’existence de monarchies parlementaires. »
Cette définition sortie d’un Wikipédia simple et vulgarisateur, nous rappelle que nos pseudos démocraties ressemblent de plus en plus à des oligarchies… Quoi que si nous lisons ce que dit le même site sur la définition de la république : Le mot « république » vient du latin res publica, ce qui signifie « la chose publique ». Gouverner la cité est donc une affaire publique et collective. La devise de la République est Senatus Populus Que Romanus (SPQR), « le Sénat et le peuple romain ». Elle symbolise l’union du Sénat de la République romaine, où siègent à l’origine les familles patriciennes, et de l’ensemble des citoyens romains. En effet, les Romains sont divisés à l’origine en deux groupes, les patriciens et les plébéiens. Ces derniers forment la masse des artisans et paysans. Ils vivent en dehors de l’organisation patricienne et n’honorent aucun ancêtre particulier. Les patriciens sont souvent propriétaires de vastes domaines cultivés. Ils appartiennent à de célèbres familles, les gentes.
Il semblerait donc que la dérive oligarchique soit un effet colatéral de toute république. A l’image d’un J.F. Copé nous rappellant que la politique est un métier, plein et entier, et que pour le citoyen lambda, la non appartenance à un parti puissant, intitulé démocrate ou républicain, interdit la voix au chapitre électoral.
Quant à l’idée de transmission familiale du pouvoir, Bourdieu n’a cessé de le dénoncer. C’est bien là que l’abstension prend racine, au fur et à mesure que le citoyen constate l’inutilité de son vote. Ou qu’un FN joue sur le vide intersidéral laissé par les seigneurs de la politique, vivant dans la hautes sphères du pouvoir, entre gentes, auraient dit les Romains…
Ces bases posées, il est intéressant de s’interroger sur la façon dont s’intitulent quelques uns de nos partis politiques français et, ce n’est pas d’aujourd’hui, avec ce que cela implique de manipulations culturelles, voire de propagande comme dirait Chomsky ou l’excellent professeur québécois, Normand Baillargeon. De l’intitulé de quelques partisLe PS : n’a de socialiste que son nom et des souvenirs embrumés d’un Front Populaire. Rebaptisé socialdémocrate par l’aveu d’un F. Hollande à l’Elysée, ce parti déploie une politique obéissant aux contraintes d’une Europe ultra libérale qu’il a participé à créer, celle des lobbys oligarchiques. Se disant social, agissant libéral version dérégulée, le PS fait une politique européenne standard, obéissant aux ordres d’une Commission européenne non élue dont le mode de fonctionnement bannit de fait, toute idée de démocratie. Le futur traité de Grand Marché Transatlantique, défendu bec et ongles par le PS, confirmé avec empressement par F. Hollande lors de sa visite aux USA, en dit long sur la disparition de toute idéologie plaçant l’homme avant la marchandise, le tout orchestré par les géants de la finance internationale. Quant au citoyen de gauche, celle héritée du Front Populaire et du Conseil National de la Résistance, que dire si ce n’est de pointer ce sentiment de trahison qui l’amène par ordre d’importance, soit à s’abstenir, soit à rejoindre un FN dont la confusion des valeurs est une arme redoutable pour rassembler les déçus de tout et les volontaires à un repli sur soi et la xénophobie, soit à rejoindre prudemment ce melting-pot appelé Front de Gauche dont la voie beuglante d’un Mélenchon en colère permanente brouille les valeurs qui le soutendent.

L’UMP : n’a de populaire que le nom, en forme de promesse paradoxale. Comment en effet croire qu’un parti de droite puisse soutenir une politique orientée vers le peuple ? Un parti républicain s’il en est, qui a le talent de surfer entre une vision gaulliste sociale à minima et une vision conservatrice longtemps chère aux grenouilles de bénitier… Tout en agissant en coulisses pour l’accumulation des richesses défiscalisées et paradisiaques par un nombre réduit de seigneurs au pouvoir de conviction sonnant et trébuchant. Comment imaginer qu’un agneau voterait pour le loup ? En comptabilisant le nombre de citoyens vivant chichement et votant aveuglément pour ceux qui font des lois pour les faire payer en lieu et place de ceux qui fabriquent des richesses, comme les faisaient les gentes romaines. Entre toute puissance et populisme, entre dérégulation et ultra-libéralisme, un parti qui pense macro, compétition, pouvoir et richesse.

L’EELV : un vaste fourre-tout qui rassemble quelques rares adeptes de la décroissance, unique facteur d’une écologie maitrisée à long terme, et de nombreux libéraux softs, mangeurs de quinoa colombien quitte à ce qu’il détruise une agriculture auto-suffisante au profit du business pour les bobos. L’écologie est une vision sociétale qui peut appartenir à tous. La preuve : la soeur de Mohammed VI est présidente d’une assocation écologiste royale, en charge de sanctuariser des territoires naturels du Maroc, y compris le Sahara occidental, avec comme sponsors quelques émirs arabes qui aiment à chasser le gibier à plumes sur des milliers d’hectares, en toute quiétude cela va de soi.

FN : une affaire de famille qui rapporte bien. Se délecte des restes, occupe des places vacantes et titille les croyances ancestrales des citoyens version village gaulois. Comment comprendre que ce mouvement capte et ratisse aussi large ? Par un discours ambigu, obscur, disant tout et son contraire, pointant des boucs émissaires à tout va, carburant au populisme, en aspiration des deux « grands » partis, récupérant leurs déçus à la pelle. Et ça marche !

Le Front de Gauche : qui peut comprendre le fond de ce parti hétéroclite, rassemblant les restes d’un PCF, des égarés de la LCR et les déçus du PS, le tout dans un brouhaha inaudible pour le citoyen lambda. Fort d’une idéologie centrée sur l’homme avant le capital, le père Marx y perdrait son latin, alors même qu’il rejaillissait de ses cendres au vu des effets comme des causes de la crise de 2008. Un parti qui fait sourire les médias, s’attachant à tort à la forme et non au fond.
L’UDI: La garder pour la fin, c’est réserver une place pour une vision d’un autre temps. Le cul entre deux chaises, ce parti n’a de centre que son nom et sa puissance est à l’image du faible charisme de ceux qui le portent. Tantôt avec les uns, tantôt contre les autres, ce qui marque ces centristes est avant tout l’absence de toute idéologie fondée. Parfois, il arrive de croiser un sympathique béarnais qui, tel un d’Artagnan pourrait encore croire aux vertus de la bière chti, façon Borloo.

Démocratie ? République ? Ou grand foutoir dans lequel ne se reconnait plus le citoyen ? Reste le pain et les jeux pour l’amuser, pendant que ceux qui orchestrent nos sociétés, continuent à accumuler pouvoirs et richesses. A force de se divertir, il semble que l’on s’abstient de toute activisme et même de voter…
Que devient le quatrième pouvoir, apte à démonter les supercheries politico-économiques ? Il dénonce et résiste dans une relatif silence pour sa minorité; il alimente les jeux pour profiter du cerveau disponible pour la grande majorité.
Il n’y a plus plus qu’à se réveiller, individuellement, avec une sacrée gueule de bois, tant qu’il est encore temps.

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