Une étude inédite sur le vote des pauvres présentée à Sciences Po Bordeaux


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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 04/09/2013 PAR Nicolas César

Aqui! : C’est une étude assez inédite. Vous avez enquêté pendant la présidentielle en France en 2012 à l’aide d’un indicateur rarement utilisé en science politique, « Epices », prenant en compte, au delà du seul revenu monétaire, les conditions de vie, la couverture santé, les soutiens mobilisables dans la famille… Comment la précarité influence-t-elle le vote ?

Nonna Mayer : A notre étonnement, les précaires représentent plus d’un tiers (36,4%), de notre échantillon*. La précarité favorise d’abord l’abstention : environ un quart s’est abstenu, à chaque tour. Mais, même les très précaires ne sont pas indifférents à la politique. Ainsi plus de 90% d’entre eux se situent sur l’échelle gauche-droite, sept sur dix ont une préférence partisane, sept sur dix ont voté. Et, pour cette population socialement isolée et/ou économiquement fragile inscrite sur les listes électorales, la gauche, à la veille du premier tour présidentiel, est encore perçue comme le recours. D’ailleurs, au premier tour, le score des candidats de l’extrême gauche à François Hollande, est supérieur chez les précaires de cinq points à la moyenne de l’échantillon, tandis que celui de la droite modérée (François Bayrou, Nicolas Sarkozy, Nicolas Dupont-Aignan) y est inférieur de six points.

@! : Y-a-t-il aussi une « poussée » de l’extrême droite chez les plus pauvres en France ?

Nonna Mayer : On note chez eux un fort potentiel de sympathie pour Marine Le Pen. Toutefois, il ne se traduit pas dans les urnes (deux points au dessus de la moyenne). Dans notre enquête, ceux qui disent voter pour la présidente du FN sont plutôt des non précaires, qui possèdent leur logement, un statut et ont peur de le perdre. Chez les ouvriers, le vote Marine Le Pen en 2012 passe de 22% chez les précaires à 36% chez les non précaires, soit 13 points au dessus du niveau de vote lepéniste des précaires. En revanche, fait nouveau, à la dernière élection présidentielle, c’est l’inverse chez les employés, un monde essentiellement féminin. Jusque là, plus réticentes que les hommes à voter FN, elles ont franchi le pas, notamment dans le commerce et les services. Ces femmes particulièrement touchées par la crise et la précarité (chômage, travail à temps partiel subi…) ont été séduites par le discours social de Marine Le Pen sur les « invisibles », broyés par le système financier. C’est un vote de révolte. Il faudra voir s’il se confirme dans la durée.

@! : Cette tendance à la montée de l’extrême droite se développe-t-elle en Europe ?

Nonna Mayer : Oui, depuis le milieu des années 80, c’est une nouvelle famille politique qui émerge et brouille le clivage gauche-droite. Mais, une famille désunie. Qu’y a t il de commun entre le Front national français (FN), l’Union démocratique du Centre suisse (UDC) et le Parti pour la liberté aux Pays Bas (PVV) ? Ceci étant, malgré leurs origines très différentes, ils partagent un discours commun, de fermeture des frontières, de rejet des immigrés et de l’islam, de défense de la souveraineté nationale, exacerbé par la mondialisation et la crise. La seule parade serait un renouvellement des idées et du débat politique à droite comme à gauche.

Interview : Nicolas César

*L’enquête par sondage a été réalisée auprès d’un échantillon aléatoire représentatif de la population française métropolitaine inscrite sur les listes électorales de 2014 personnes interrogées en face-à-face au domicile entre le 9 mai et le 9 juin 2012

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