Apiculture : forte baisse des récoltes en 2014, l’Aquitaine s’en sort mieux


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Publication PUBLIÉ LE 05/11/2014 PAR Romain Béteille

50 à 80% de baisse de la récolte de miel en 2014. Le chiffre fait peur, et il est annoncé par l’UNAF, l’Association Nationale de l’Apiculture Française, lors d’un « appel à l’aide » rédigé sous forme de lettre le 26 septembre dernier. Une production nationale que l’organisme estime divisé par deux par rapport à l’année 2011 : 20 000 tonnes contre 10 000 tonnes annoncées cette année. Une situation plutôt alarmante qui inquiète bon nombre d’apiculteurs français, et qui est dûe à une accumulation de mauvais facteurs qui peuvent être très nocifs pour les abeilles. Guillaume Chaperon, apiculteur en Gironde, possède 400 ruches. Pour lui, cette baisse de la production est concrète : « On a une baisse autour des 60% », concède-t-il. « C’est très difficile pour nous qui en vivons, on a juste de quoi régler les charges, cette année, il n’y aura pas de rémunération. Les deux années précédentes n’étaient pas bonnes non plus, on espère que ça va changer pour l’an prochain ». 

Une météo défavorable ?

Le marché de l’apiculture est complexe. Selon les derniers chiffres de l’UNAF, alors que les 2000 apiculteurs professionnels détiennent près de 50% du cheptel français, les petits apiculteurs sont beaucoup plus nombreux (on les estime à environ 50 000 en France). Entre les deux, il y a les apiculteurs pluriactifs, qui possèdent entre 30 et 150 ruches. Juan Gonzalez, jeune cadre domicilié au Haillan, est l’un deux. Il dispose en tout de 45 ruches, réparties un peu partout sur le secteur, mais qui restent sédentaires (ses ruches ne bougent pas). Pour lui, la météo a beaucoup joué dans la baisse de la production de miel : « On n’a pas suffisamment eu de périodes froides, et trop de pluie au moment des floraisons. Beaucoup de collègues qui sont professionnels me parlent d’une importante mortalité des abeilles cet hiver », déclare-t-il. Des propos nuancés par Laurent Dugué, éleveur de reines à Euronat : « On a eu une belle récolte au niveau du colza, notamment à cause du beau temps au mois d’avril », affirme-t-il. Les deux s’accordent à dire que l’Aquitaine, et plus généralement le Sud-Ouest ont été les régions les plus épargnées par cette baisse de la production. 

« Les apiculteurs ont peur de perdre leurs clients »Une baisse qui entraîne forcément des hausses importantes au niveau des prix. Selon Laurent Dugué, celui du miel d’acacia a bondi. « Il y a quelques temps, le miel d’acacia était à 6 euros le kilo. Cette année, il est à 10. Pareil pour le miel « toutes fleurs » : il est passé de 4 euros 50 à 8 euros. Beaucoup d’apiculteurs français sont inquiets de perdre leurs clients ». Une inquiétude qui semble justifiée : les français consomment en moyenne 40 000 tonnes de miel par an, selon les derniers chiffres de France Agrimer. Les importations de miel, en augmentation constante, s’élevaient à 25 400 tonnes en 2012, et devraient atteindre les 30 000 tonnes en 2014. Sachez le, plus de 50% du miel que vous dégustez provient d’Espagne, d’Allemagne, de Belgique, de Hongrie, d’Argentine ou encore d’Italie. Mais, comme les autres régions, l’Aquitaine doit lutter contre plusieurs phénomènes qui empoisonnent le secteur. Chez les apiculteurs professionnels, ces pertes oscilleraient depuis 2010 entre 17 et 27% en Aquitaine, rien que pour les pertes hivernales.  

Les pesticides, un réel danger pour les abeilles.Même s’ils sont de plus en plus contrôlés, les pesticides et les produits chimiques fabriqués par l’homme représentent toujours un réel danger pour les abeilles. « La variation de récolte d’année en année peut être normale, mais la perte importante d’abeilles est beaucoup plus inquiétante et reste notamment liée aux effets des pesticides. C’est un problème purement politique », estime Juan Gonzalez. « On va autoriser des produits dangereux parce qu’ils sont contrôlés par des lobbys. La preuve : il n’y a aucune étude d’impact indépendante des pesticides réalisée à ce jour. La gravité de ces produits est encore méconnue. Mais quand j’ouvre une revue spécialisée, le terme « produit chimique » revient sur toutes les pages. En Gironde, on a moins de grandes cultures, on est donc moins affecté par les pesticides, mais cela reste un problème ». 

Depuis 6 mois, Jean Acevedo, patron d’une entreprise bordelaise spécialisée dans l’entretien des jardins, a décidé de s’engager pour la protection des abeilles. Dans les locaux de sa société, il a installé une ruche, et en a 3 autres réparties chez ses clients. Pour lui, l’activité humaine a des conséquences dramatiques sur les cheptels : « L’abeille devient de plus en plus fragile. Dans un souci de rentabilité, on veut leur faire produire le plus de miel possible. Alors on les manipule, on les aide à faire leur récolte différemment et on les fragilise forcément un peu. Les produits chimiques utilisés par l’agriculture intensive sont nocifs, car le corps de l’insecte, comme celui de l’homme avec le médicament, réagit à ces produits », affirme le professionnel. « L’environnement a bien changé, et on cherche le maximum de surface cultivable, c’est dommageable », renchérit pour sa part Laurent Dugué. L’homme, responsable de la mort des abeilles ? C’est ce qu’une récente étude du journal 60 millions de consommateurs tendrait à confirmer. En passant au crible le contenu de 12 pots de miel en septembre dernier, elle a repéré sur l’ensemble des échantillons des… particules de plastique (jusqu’à 265 micro résidus par kilo) ! Des particules que les abeilles trouveraient dans l’air et dans certaines fleurs, qui seraient récoltées en même temps que le pollen. 

Le frelon asiatique, peut-on lutter ? Selon un dernier rapport de l’UNAF, les apiculteurs ont observé une recrudescence en Gironde du Vespa Velutina, plus communément appelé le frelon asiatique, par rapport à 2013. Jean Acevedo est aussi engagé dans la lutte contre la recrudescence de ce tueur d’abeilles dans la région. Depuis 2009, sa société dispose même d’un outil et d’une méthode brevetée pour éradiquer les nids, souvent en hauteur. Un système de canne injectée à l’intérieur du nid de frelons, qui diffuse un produit à base de gaz sulfureux et sous pression. Des opérations comme celles-là, dans lesquelles il doit parfois monter à plus de 20 mètres de hauteur, il en réalise environ une trentaine par an. « On trouve beaucoup de nids en ce moment, ce qui augure un bilan de fin d’année moins bon. Avec l’entretien des jardins, on est de plus en plus confrontés aux frelons, dont chaque nid peut contenir entre 10 et 15 000 larves par an. Les pouvoirs publics ont trop tardé pour classer cet insecte comme un nuisible, c’est donc trop tard pour l’éradiquer complètement », se désole-t-il.  D’autant plus qu’un arrêt ministériel datant de décembre 2012 a classé le frelon asiatique « danger sanitaire de deuxième catégorie ». Comprenez danger considéré comme de moindre gravité, à la lutte mal répartie et aux moyens « quasi-inexistants » selon l’UNAF, qui réclame dans un communiqué datant du 7 novembre l’obtention de la première catégorie. En Lot-et-Garonne, par exemple, le frelon asiatique serait responsable de 17% de la mortalité des abeilles. On estime qu’il prolifère aujourd’hui dans plus d’une cinquantaine de département français. 

L’Aquitaine, qui dispose d’une variété de paysages et de cultures importante (l’acacia, le tilleul et le châtaigner sont par exemple les principales matières premières en Gironde), semble donc l’une des régions les plus épargnées par la baisse de la production, même si elle représenterait un peu moins de 40%. Pourtant, malgré toutes les mesures prises sur les pesticides et les professionnels du secteur qui s’organisent pour faire face aux obstacles qui se multiplient, si la tendance de mortalité des abeilles se confirme, la production de miel pourrait ne pas en être la seule victime. 

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