Bordeaux Métropole : nouvelles recettes pour le Saint-James


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 25/02/2020 PAR Romain Béteille

C’était en décembre dernier : sept ans après avoir pris la tête des cuisines de l’hôtel-restaurant Saint-James, à Bouliac, le chef étoilé Nicolas Magie annonçait son départ pour la Martinique où il avait pour projet de prendre la direction générale du cinq étoiles « La Suite Villa ». L’histoire continue de s’écrire pourtant pour cet établissement créé par l’emblématique chef bordelais Jean-Marie Amat, qui avait fondé son restaurant avant d’en imaginer l’agrandissement aux côtés de l’architecte Jean Nouvel en 1989. Mathieu Martin, jeune chef de 33 ans et second de Nicolas Magie depuis sept ans, a depuis son départ repris les rênes.

Une passation de pouvoir qui se veut comme un héritage d’une cuisine collaborative dont il veut garder l’esprit. « Les commis ou les chefs de parti ne sont pas là que pour faire ce que je demande, ils se sentent investis dans le travail du quotidien. Ils amènent des idées et des solutions à la carte ». Quand on lui demande de décrire sa cuisine, Mathieu va à l’essentiel : « elle est basée sur la simplicité par les produits. C’est aussi une cuisine de caractère, j’aime mettre dans les assiettes beaucoup de concentration d’un même produit. Enfin, c’est une cuisine sincère ». 

Au gré des saisons

Sincère comme sa passion pour le métier qui, à l’entendre, a commencé très tôt : « mon père est cuisinier de métier. Tout petit je le voyais derrière son fourneau. Je suis parti très tôt sur La Rochelle avec ma mère et ma sœur mais cette passion est toujours restée ». Influencé par les émissions de cuisine de l’époque, dont Robuchon était l’un des chefs de file, Mathieu Martin a été formé dans les fourneaux de chefs reconnus : Maurice Isabal (Hôtel Ithurria d’Ainhoa), Jean-Marie Gautier (Hôtel du Palais de Biarritz), Éric Fréchon (Bristol), Thierry Marx (Cordeillan-Bages) ou encore François Adamski (Gabriel). En mars 2006, il a fini à la deuxième place régionale du Championnat de France des Desserts. Sur la carte du restaurant, on peut découvrir sa devise pour chaque plat : « une saison, un produit, un producteur et un terroir ».

La truffe girondine se mêle au concentré de jus de betterave, à l’endive et au vieux comté, le pigeon côtoie les brocolis et le navet, l’oignon des Cévennes s’amourache de la vodka Pyla et se saupoudre de parmesan et l’agneau cuit à la paille a quitté les anchois pour se marier à la carotte des sables et au cèleri. Pour le dessert, le chef pâtissier a préféré le citron et l’anis au concombre. Les bases, pourtant, sont restées. « Je veux rester sur quelque chose qui fonctionne. J’avais déjà signé quelques plats à la carte de Nicolas Magie avant qu’il s’en aille ». Pas question de chambouler le cours des saisons : la carte, bien qu’en partie déjà renouvelée, devra s’adapter au changement.

« Suite logique »

Et du changement, le Saint-James va en avoir au moins jusqu’à la fin de l’année 2021. Sa propriété, déjà, qui passera de la famille Borgel (depuis 1993) au groupe CG finance, holding d’investissement de Clarence Grosdidier, entrepreneur bordelais déjà derrière le Central Hostel, place Saint-Projet à Bordeaux et le réseau W’in dédié au co-working. « Je m’intéresse depuis longtemps au savoir-vivre français de manière générale, j’ai une sensibilité très marquée pour la restauration, la gastronomie et le vin puisque jusqu’à l’an dernier, propriétaire viticole (château de Saint-Pey à Saint-Émilion). Le Saint-James est un projet qui me séduisait de par la qualité historique de ce qui a déjà été fait par Jean-Marie Amat et la famille Borgel. Au niveau architectural, c’était aussi la capacité de construire un projet avec Jean Nouvel ».

Saint-James Bouliac

L’investisseur financier s’est donc entouré de l’architecte d’origine de l’établissement pour le ré-imaginer : avec un budget total chiffré à « un peu moins de 19 millions d’euros », le projet d’extension prévoit la création de trente chambres et suites supplémentaires (l’hôtel-restaurant Relais et Châteaux en a déjà 18), un spa (composé de trois cabines, d’une salle de sport et de coaching et d’une seconde piscine) et un espace de séminaire pour les entreprises. « Le site dispose d’une grosse emprise foncière, mais tout n’est pas constructible. Sur la partie qui ne l’est pas, on va développer de la permaculture. On n’a pas l’ambition de produire l’intégralité de ce qui sera servi en cuisine, mais ça contribuera à l’offre », commente Clarence Grosdidier.

Ambitions neuves

Pour Marie Borgel, la « maman du Saint-James », dernière à diriger l’établissement depuis deux ans, cette transformation de l’offre est une suite logique : « l’école de cuisine ne correspond pas à toutes les aspirations de nos clients. Il faut avoir des standards, ça manque pour accueillir une clientèle qui, en complément de l’extension, va pouvoir trouver une expérience culinaire (café de l’espérance, école de cuisine, restaurant gastronomique), le spa va compléter l’offre qui nous manquait aujourd’hui. C’est un projet important pour le développement et la pérennité du Saint-James pour dessiner un avenir qui va s’inscrire dans la continuité de ce qu’on a fait depuis des années, pour conserver ce côté atypique tout en étant très traditionnels. Le choix du chef était évident. C’est important d’avoir une cohérence dans l’évolution d’une maison, si un chef venu de je ne sais où avait été parachuté ici, il y aurait eu un décalage. Ma décision a aussi été celle des repreneurs, c’est bien tombé ». Pour mener à bien cette extension, le Saint-James a racheté plusieurs parcelles (800 000 euros) pour un total d’environ 1372 mètres carrés. Pas question de trop toucher à l’architecture classée au patrimoine du vingtième siècle par le ministère de la Culture, et encore moins à sa vue panoramique sur Bordeaux et son fleuve : le conseil municipal a ainsi demandé en 2018 à ce que « l’implantation des futurs bâtiments, notamment au droit du presbytère, aient des hauteurs limitées en R+1 de sorte à ne pas dévaloriser l’environnement immédiat ».

Selon Clarence Grosdidier, le premier coup de pioche « devrait être donné en septembre. Les travaux se feront en deux phases : entre septembre et janvier, on refera l’existant (notamment l’accueil) et on profitera de cette période pour faire le terrassement et les fondations de l’extension. Les travaux vont se poursuivre jusqu’en novembre 2021 ». En attendant, pas de repos pour Mathieu Martin (sauf le week-end, où il ne fait pas la cuisine à la maison), le restaurant doit continuer de tourner. « Notre cible n’a pas changé. Jusqu’à avril-mai, on reste le Saint-James qu’on connaît. Quand la nouvelle direction sera en place, des discussions vont se dessiner. Des idées ont déjà émergé. La nouvelle clientèle arrivera au fur et à mesure du temps. Ça fait beaucoup de choses à mettre en place, mais les équipes sont impatientes de réveiller cette belle endormie ». Pour aller chercher une deuxième étoile au guide Michelin ? « Déjà, on va confirmer la première, mais si dans les mois qui arrivent, le dialogue se nourrit sur une deuxième étoile, pourquoi pas ». Pari lancé.

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