Christopher Coutanceau : une gastronomie durable à emporter


Olivier Roux
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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 03/05/2020 PAR Anne-Lise Durif

On l’imagine volontiers rongeant son frein chez lui, attendant impatiemment la reprise de l’activité. Il faut dire que sous ses airs calmes et déterminés, l’homme est du genre hyperactif.  Entre ses deux restaurants à faire tourner, son projet d’hôtel de luxe, ses activités de pêche et la défense de la faune marine, l’expression « être au four et au moulin » lui va comme un gant. Il a de qui tenir. Son propre père, le chef Richard Coutanceau, ne disait-il pas lui-même qu’un « vrai cuisinier, s’il veut être patron, doit être aussi boucher, boulanger, pâtissier, traiteur » ? « C’est toujours vrai », opine Christopher, « on est aussi poissonnier, confiseur, glacier, charcutier… Patron aussi. Ca s’apprend ».

Le métier, il l’a acquis aussi bien dans les cuisines de son enfance qu’auprès des plus grands. Joël Robuchon, Pierre Hermé, Farran Andria, Guy Martin ont fait partie de ses mentors.  Celui qui l’a le plus inspiré ? Il répond sans hésitation : « Michel Guérard. Plus qu’une inspiration, c’est une envie de lui ressembler ».  Dans la foulée lui revient également le souvenir de Didier Oudill et d’Edgar Dühr, à la tête du Café de Paris à Biarritz… Eux-mêmes des anciens de chez Guérard. « De manière générale, tous les grands chefs sont source d’inspiration, dans la mesure où l’on a envie de réussir de la même façon. Ils m’ont apporté leur vision, de la motivation, du respect et l’envie de faire plaisir à nos convives, car c’est un métier de cœur, où l’on se plie en quatre pour rendre les gens heureux », explique le jeune quadragénaire.

Christopher Coutanceau en cuisine

Pour le Coutanceau-to-go, Christopher Coutanceau travaille avec une quinzaine de personnes /credit Philippe Vauressantamaria

Il y a le père, bien sûr, dont l’aura plane toujours au-dessus de la gastronomie rochelaise. Si Christopher n’a pas eu besoin d’en tuer l’image façon Œdipe pour exister, c’est sans doute parce que l’élève a dépassé le maître depuis longtemps. En conservant d’abord la deuxième étoile obtenue en 1986 par Richard, depuis son départ en 2007. Puis en décrochant une troisième étoile, fin janvier 2020. Une reconnaissance du travail accompli, selon Christopher. « Le but d’un restaurant, c’est de faire toujours mieux à chaque service. Et quand vous avez deux étoiles, votre objectif est forcément d’aller au-delà, donc vous dirigez votre service pour qu’il évolue », analyse-t-il. Le chef rochelais a la « gagne » dans le sang : « C’est comme pour les sportifs : qui ne voudrait pas gagner le Top 14 en rubgy ou la Coupe du Monde en foot ?  Cette troisième étoile est une source de motivation énorme pour l’équipe. Et on a encore une belle marge de progression pour être encore meilleurs ».

Une détermination sans faille

Chez le chef rochelais, la métaphore sportive n’est jamais loin. Un reste de sa prime jeunesse passée à rêver d’une carrière de footballeur professionnel au centre de formation du FC Nantes. Depuis, le rêve s’est évanoui, mais l’esprit de compétition est resté. « Mon niveau était bon mais pas assez pour être un grand professionnel. Le problème, c’est que quand je fais quelque chose, j’ai besoin que ce soit à un très haut niveau ! Donc j’ai dit que je ne voulais pas continuer et je me suis inscrit au lycée hôtelier de La Rochelle sans le dire à mes parents. C’était un domaine que je connaissais bien et j’y ai retrouvé des similitudes avec le sport : les coups de feu, la pression, le travail en équipe et un métier où on courre partout durant la journée », raconte-t-il. Les regrets, la nostalgie ? Pas le style du bonhomme. Il fonce, toujours vers l’avant, tel un ailier du Stade Rochelais. Même les plaquages au sol infligés par la vie ne semblent pas avoir de prise sur lui. Le confinement l’oblige à annuler l’inauguration en avril de son premier hôtel de luxe, rue de la Monnaie ? Ce n’est que partie remise ! La fermeture des restaurants est prolongée par le gouvernement ? Il se lance dans le drive gastronomique (lire ci-dessous). 

Christopher Coutanceau à la criée

Du poisson aux légumes, Christopher Coutanceau travaille le plus possible des produits locaux et de saison, voire en bio / credit Olivier Roux

Chez Christopher Coutanceau, la détermination va de pair avec l’engagement. Voilà des années qu’il milite auprès des associations de défense de la Nature, comme Ré Nature Environnement, contre le massacre des dauphins, et Bloom, contre la pêche électrique. « On a réussi à faire interdire la pêche au chalut pélagique sur le plateau de Rochebonne, au large (la préfète de Région avait émis un arrêté en décembre dernier, ndlr). Le problème, c’est qu’il n’y a pas ou peu de contrôles… Sur ce point, on devrait s’inspirer des Etats-Unis où les contrôles sont fréquents. Tout cela prend du temps si on veut obtenir des résultats. Bref, il y a toujours un combat à mener », explique le chef, qui s’inquiète des massacres des cétacés, qui perdurent au large durant le confinement.

Son engagement se traduit jusque dans l’assiette. Exit les traditionnels daurades, lottes et Saint-Pierre. « L’an dernier, on n’a pas du tout travaillé le bar, à cause de sa surpêche. Il faut le dire et le répéter : le bar est en réelle perdition. En tant que chef, je dois montrer l’exemple et faire découvrir d’autres poissons.  On a servi de la vive, de la sardine, le grondin, des espèces que les gens n’ont pas l’habitude de consommer mais qui sont formidables », explique le chef. Le terme « noble » pour désigner les poissons les plus courus, l’agace. « Pour moi, un maquereau est meilleur qu’un bar de ligne, en utilisant toutes les parties du poisson. La joue, la langue, les nageoires pectorales, qu’on jette habituellement, sont des produits fabuleux.  Une expression dit que « tout est bon dans le cochon », c’est valable pour le poisson.»

Assiette de lieu jaune

Assiette de filet de lieu jaune pêché à la ligne, caramélisé à la plancha, accompagné de légumes d’antant / credit Philippe Vauressantamaria

Cette particularité lui a valu le prix de la Gastronomie Durable en 2019, créé par le Guide Michelin l’an dernier. « C’est une reconnaissance de cet engagement mais ça me surprend toujours. Le chef Joël Robuchon me disait souvent : « pour faire un grand plat, il faut utiliser les meilleur produits ». Donc logiquement, tout cuisinier devrait être éco-responsable. Ce n’est malheureusement pas le cas. Ce prix nous a au moins permis d’en parler », constate-t-il. Il espère depuis avoir fait des émules, en particulier auprès de la nouvelle génération.  Il a notamment pu faire passer son message sur M6 le 26 février dernier. Dans le cadre de l’émission Top Chef, il a mis au défi les jeunes candidats de lui façonner des plats gastronomiques à partir de ces poissons dits « peu nobles ». Un challenge ardu, « qui ne supporte pas la médiocrité » culinaire. Il admet que la tâche n’est pas à la portée de tous : « C’est plus compliqué de faire un plat de 3 étoiles avec un maquereau qu’avec un bar de 3kg, dont vous allez pouvoir faire 15 parts individuelles. C’est pareil pour la sardine, qui est un produit fragile : c’est une matinée de travail à deux ».

Tout est bon dans le poisson

En tant que patron de restaurant, il estime devoir inscrire son engagement au-delà de la préservation de la ressource halieutique : « C’est une approche globale : chez nous, on recycle aussi les cartons, on réutilise nos bacs alimentaires en plastique dur, on fait réutiliser les coquilles de coquillages à une entreprise locale pour faire de l’engrais naturel, fortifier les sols ou faire du ciment. Et je suis en train de voir avec une créatrice de Bordeaux qui fait de la maroquinerie avec des peaux de poissons pour qu’elle récupère les nôtres ».

Christopher Coutanceau pêche en mer

Les activités nautiques, et la pêche en mer en particulier, font partie des loisirs préférés de Christopher Coutanceau / credit Philippe Vauressantamaria

Le chef Rochelais espère beaucoup de la nouvelle génération. « Il y a une prise de conscience progressive. Je le vois par exemple dans le milieu de la pêche de loisirs, que je pratique beaucoup sur mon temps libre. Dans l’ancienne génération, on était des viandards, les gars pouvaient se faire des sacs poubelles entiers avec des petits bars. Aujourd’hui, la nouvelle génération de pêcheurs qui arrive est 100% « no kill », ils remettent tout à l’eau. Moi-même je remets la plupart de mes prises à la mer. J’en garde une de temps en temps, pour la manger avec mes proches.» Un réflexe acquis durant son enfance auprès de son grand-père, pêcheur amateur. « Quand on pêchait un poisson trop petit, on le remettait à l’eau – idem pour les coquillages. Il m’expliquait la nécessité de laisser les poissons grandir pour qu’ils se reproduisent. Quand on vous explique ça enfant, ça vous interpelle ». Une autre façon de dire que le changement des mentalités, et des pratiques, ne se fera pas sans pédagogie.

Note/ Le Coutanceau-to-go à partir du 6 mai à emporter ou sur livraison (La Rochelle et agglo : Aytré, Périgny, Puilboreau, Lagord, L’Houmeau, Dompierre, Saint-Xandre, Marsilly, Esnandes, Nieul s/ Mer. l’Île de Ré à partir du 11/05.) Deux menus au choix à 29€ et 70 €. Plateau de fruits de mer et assiette de charcuterie et bocaux repas/apéro. Les commandes doivent être passées avant 17h la veille à coutanceautogo@outlook.fr. A retirer à La Yole de Chris, 5 allée du Mail à La Rochelle. Pour les livraisons, comptez 8€ de frais en première couronne de La Rochelle, 15€ pour l’ïle de Ré.

 

La recette de Christopher Coutanceau à faire chez soi :

AILE DE RAIE DORÉE, POMMES DE TERRE DE L’ÎLE DE RÉ ET AROMATES À L’OLIVE NOIRE 

Assiette d'aile de raie

(pour 2 personnes)

Ingrédients : une aile de raie de 400g, 4 gousses d’ail, 2 aillets, 2 oignons fanes, 2 cs olive noire, ½ poivron, thym, laurier 1 feuille, 300 g de pommes de terre, 1 citron (vert de préférence), 1 branche de coriandre, 1 branche de basilic thaï, 1 branche de verveine citron, 1 branche de basilic grec (ou persil, aneth, ciboulette…) et 1 tasse à café de vin blanc.

La préparation : ciseler les herbes, émincer finement aillets, oignons et gousses d’ail. Faire sauter vos pommes de terre avec un peu d’huile d’olive, beurre et le thym. Une fois qu’elles cuites, ajouter la moitié des aillets, oignons bottes et gousses d’ail. Pour la sauce aromates, déglacer votre poêle de cuisson de la raie préalablement dégraissée avec vos cubes de citron et son jus. Ajouter 1 tasse à café de vin blanc. Ajouter le poivron, l’autre partie des aillets, oignons bottes et gousses d’ail. Ajouter un citron vert zesté sur les herbes fraiches préalablement ciselées. Ajouter les olives. Laisser réduire 1 minute et débarrasser. Un conseil pour le cuisson des ailes de raies : bien éponger et fariner les ailes de raie. Dans une poêle avec de l’huile très chaude, bien caraméliser les 2 côtés. Avec une spatule, vérifier à point de cuisson bien rosé. Dressez ensuite les pommes de terre en couronne dans l’assiette, poser l’aile de raie au milieu et arroser de la sauce d’aromates.

 
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