Gault&Millau Tour 2019 : la Nouvelle-Aquitaine en met plein les papilles


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 02/12/2019 PAR Romain Béteille

Les trois professionnels que nous avons pu interroger sont issus de deux établissements ayant chacun trois toques au sein du guide Gault&Millau, qui a fêté récemment ses cinquante ans. La première particularité du Gault et Millau d’Or de cette année, c’est que l’hôtel-restaurant au concept d’auberge (l’ensemble du personnel est « aubergiste ») est gérée en duo.

 Béchade Gault&Millau

L’Auberge Basque est basée à Saint-Pée-sur-Nivelle dans les Pyrénées Atlantiques, commune de 4500 habitants. Cédric et Marion Béchade se sont rencontrés lors d’une soirée dans le palace parisien Plaza Athénée. Elle est fille de vigneron (château Tissier en Bourgogne) et titulaire d’un master management et hôtellerie à l’école hôtelière de l’Institut Paul Bocuse, il est un enfant de commerçants du Limousin formé dans les cuisines de l’Amphitryon, de l’hôtel Crillon ou du deuxième restaurant triplement étoilé au Michelin d’Alain Ducasse (pour vous la faire courte). Tombé amoureux du Pays Basque (et de Marion), Cédric Béchade y achète une « Etxe » en 2006 pour la transformer en hôtel-restaurant qui deviendra L’Auberge Basque. En 2014 et pendant trois ans, Cédric et Marion ont fait une escale à Saint-Émilion pour reprendre les commandes de l’Hostellerie de Plaisance après le départ de Philippe Etchebest. Aujourd’hui revenus au Pays-Basque, les deux gérants ont obtenu une étoile Michelin (en 2019), leur hôtel est quatre étoiles (on peut y louer des chambres ou un appartement de 60 m2) et la cuisine, elle, se revendique « hyper locale ».

Ce n’est pas la première fois que Gault&Millau récompense Cédric Béchade, déjà « révélation de l’année » en 2008. Mais depuis son retour, il affirme « voir l’auberge différemment, on veut aller encore plus loin ». La cuisine est contemporaine, mais la gastronomie y est populaire avec une présentation somme toute sophistiquée : poulpe de Getaria, moules au pin maritime et vermouth charentais, piperade aux piments basques, cochon de Biscay rôti à l’Arbéquine (olives)… le tout avec la promesse d’une « provenance à moins de 200 kilomètres ». « J’étais déterminé, je le suis toujours. Depuis deux ans, on s’est engagé dans une cuisine 100% producteurs, on s’interdit de mettre à la carte des produits qu’on n’achète pas directement. Le Pays-Basque est une terre propice pour ça. Ça a changé l’évolution et l’identité de ma cuisine, je l’ai déterminée comme une cuisine de sens et de l’essentiel. Ce prix vient récompenser cette initiative, mais il nous reste encore du chemin à faire », déclare ainsi Cédric Béchade. Quand on lui demande jusqu’où il compte pousser la carte du terroir et s’il s’impose une limite, il répond ne pas avoir un goût très prononcé pour les extrêmes. « Il ne faudra pas aller à l’extrême du locavore. Pour les Saint-Jacques, par exemple, je fais appel à un pêcheur de la baie de Saint-Brieux, ça rentre dans nos critères parce que c’est une pêche durable. On ne cherche pas à se refermer sur nous-mêmes, on est dans un monde global mais il faut qu’il se remette à travailler du local. Il faut redonner une identité aux choses, il faut que tout ait du sens et arrêter de simplement vouloir donner des tendances. On est à peine au début. Aujourd’hui, on est 10% de restaurants à vraiment faire la cuisine, il faut motiver tout le monde, on en a encore pour au moins dix ans ». « On travaille en binôme, main dans la main. Je m’occupe de l’hébergement, de la communication, on prend toutes les décisions à deux (décoration, cuisine), c’est un bon binôme qui fonctionne bien », affirme Marion. « On a vraiment une offre qui allie restauration et hébergement, c’est une combinaison. On a beaucoup d’étrangers qui viennent nous voir depuis qu’on a intégré Relais et Châteaux, ça nous a amené une nouvelle clientèle ». Et le duo ne semble pas prêt à s’arrêter là : en 2020, à demi-mot, Cédric et Marion évoquent un éventuel nouvel établissement. Mais cette fois-ci, ils comptent rester dans le coin.

Tendance et transmission

L’autre prix que l’on a pu évoquer avec son lauréat, c’est celui des « Techniques d’Excellence ». Là non plus, Stéphane Andrieux n’est pas un petit nouveau aux fourneaux. Il y a dix-huit ans, il a repris ceux du château de la Treyne à Lacave, dans le Lot, au-dessus des rives de la Dordogne. Périgourdin d’origine, il a été formé à l’école hôtellière d’Angoulême et a fait ses classes chez Marc Meneau ou Didier Clément, au Lion d’Or de Romorentin. Quand on lui demande comment définir une technique d’excellence, il répond : « Je travaille beaucoup sur mes bases, j’adore observer les nouvelles techniques et méthodes plus précises. Je peux passer une heure à regarder cuire un poulet ou une carotte pour en détecter à l’oeil nu la cuisson parfaite. Didier Clément m’a enseigné le perfectionnisme. Avec Marc Meneaux, j’ai perfectionné les combinaisons de goûts ». Des combinaisons, on en trouve de nombreuses dans les assiettes de ce château à l’écrin romantique : en ce moment, c’est le risotto de cèleri aux truffes et le « balluchon d’oeuf poché légèrement truffé » qui font leur retour avec la saison. Mais le chef travaille aussi la viande locale : brebis des causses du Quercy, boeuf fermier de l’Aubrac, veau élevé sous la mère de Corrèze… Stéphane Andrieux aime les grands classiques. Déjà titulaire d’une récompense « grands de demain » en 2002, il avoue que ce premier suivi lui a « permis de prendre confiance en moi. Je me remets en question presque tous les matins, j’essaie de me renouveler tous les jours et de ne pas rester sur mes acquis. Il faut faire preuve de régularité ». Titulaire d’une étoile au Michelin, la cuisine de Stéphane Andrieux est aussi un travail d’équipe (14 personnes). Parmi cette dernière, on retrouve notamment Marc Jean, élu meilleur pâtissier du Sud Ouest par le Gault&Millau Tour en 2018. Interrogé sur cette course au local aujourd’hui plus seulement prônée par de grands chefs, il n’a qu’un souhait : « que les maraîchers et producteurs locaux n’aient pas peur de pousser notre porte et de se faire connaître. En ce moment, la tendance est plutôt végétale. Nous, on est aussi dans un important aspect terroir. Mais il faut aussi qu’ils viennent à nous ». 

Pour Marc Esquerré, rédacteur-en-chef du guide, ce palmarès ne récompense pas seulement les plus « toqués ». « Un titre de grand de demain peut être attribué à toute la profession. Le sommelier de cette année est dans une grande maison, le pâtissier dans une toute petite. Le but, c’est de rassembler la profession ». Rassembler la profession et oser la nouveauté : ainsi, des « promenades gastronomiques » seront déclinées à travers les guides régionaux et une nouvelle « Académie Gault&Millau » fait son entrée en 2020, dix chefs historiques « toques d’or », qui ne seront plus notés mais placés dans une catégorie à part. Il s’agit des chefs Michel Trama, Guy Savoy, Alain Passard, Pierre Gagnaire, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Marc Veyrat (visiblement en froid avec le guide Michelin), Georges Blanc, Alain Ducasse et enfin Michel Guérard, doyen landais officiant aux Prés d’Eugénie. Mais à quoi servira-t-elle ? « Les guides existent parce que les chefs existent, on voulait mettre en avant un groupe de dix grands chefs indiscutables qui vont porter leur parole à travers cette académie. Ce collège est unique, il va faire avancer des dossiers, essayer de susciter des vocations et tenter d’accompagner les chefs de demain. On souhaite qu’elle soit active et porte des projets concrets, ils seront avant tout des ambassadeurs de la cuisine française. On leur demandera, par exemple, de valider ou de nous donner des pistes sur les itinéraires gastronomiques ou de valider le dispositif de dotations pour aider des jeunes à s’installer ». Les jeunes, justement, ne sont pas repartis sans rien : Gautier Alvarez et Jonathan Vallenari, dirigeants et chefs du bistrot-brasserie Maynats à Pau, ont reçu le prix « Jeune Talent Sud Ouest 2019 », de quoi encore remplir la belle assiette de la moisson néo-aquitaine.

Gault&Millau 2019

L’info en plus : pour n’oublier personne et en guise de dernier tour de table, voilà l’intégralité du palmarès du Gault&Millau Tour Sud-Ouest 2019 :

Gault&Millau d’Or : Cédric Béchade – La Table de l’Auberge Basque (Saint-Pée-sur-Nivelle)

Grand de Demain : Aziz Mokhtari – Les P’tits Fayots (Toulouse)

Jeune(s) Talent(s) – Gautier Alvarez et Jonathan Vallenari – Maynats (Pau)

Tradition d’Aujourd’hui : Michel Lemonnier – Le Lion d’Or (Arcins)

Pâtissier : Flora Le Pape et Clément Guillemot – Choko Ona (Espelette)

Sommelier : Aurélien Farrouil – La Grand’Vigne/Les Sources de Caudalie (Martillac)

Accueil : Patrice Blondit – Restaurant Lalique/Château Lafaurie-Peyraguet (Bommes)

Cuisine de la mer : Akashi Kaneko – Akashi (Bordeaux)

Techniques d’Excellence : Stéphane Andrieux – Château de la Treyne (Lacave)

Transmission : George Camuzet – L’Air de Famille (Toulouse)

Jeune Talent Service en Salle : Guillaume Rossi – Bô-tannique (Bordeaux)

Naturalité : Fabrice Idiart – Le Moulin d’Alotz (Arcangues)

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