Lormont: Saveurs Métisses, la réussite culinaire de quatre femmes persévérantes


Pau Dachs
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 04/04/2014 PAR Pau Dachs

Quand on entre dans le restaurant, le bois et un mélange harmonieux de couleurs font ressentir la chaleur et le métissage de l’offre gastronomique et de l’accueil des hôtes. Jackie Lacombe, congolaise résidente en France depuis 20 ans, incarne l’hospitalité de l’ambiance. Elle partage l’aventure de Saveurs Métisses avec les algériennes Khadidja Merzouk et Hafsia Guermit et la marocaine Fatiha Ngadi. Elles se sont rencontrées au sein du projet « Table d’Hôtes » du Centre Social Génicart à Lormont en tant que bénévoles, où elles ont gagné de l’expérience aux fourneaux. Elles ont cuisiné pour les participants du Carnaval des Deux Rives, pour des musiciens et elles ont même voyagé au Brésil pour apporter leurs saveurs à l’activité des artistes. En 2009, toujours engagées dans ce projet, elles se sont rendu compte qu’elles avaient une ambition commune : “On s’est dit que si on était capable de recevoir des musiciens et de dresser des tables, et que toutes on aimait la cuisine, on pourrait en faire un métier”, résume Jackie.
Détermination et soutien publiqueL’idée a germé, et elle a grandi avec la détermination de ces quatre femmes et l’appui des institutions. Elles étaient cinq d’abord, mais leur compagne a dû abandonner le projet pour raison de santé. « On a compté surtout avec la politique de la ville de Lormont et le projet du Centre social qui était dans cette optique: écouter et aider les gens à monter leur projet de vie ». Le Conseil Régional d’Aquitaine, le Conseil Général de la Gironde et l’Etat ont apporté également une partie du financement. L’association « Grains d’initiatives », intégrée pour les quatre cuisinières et qui gère toujours le projet, a été constituée. Avec un contrat d’insertion (CUI) elles ont fait de la formation, supervisées par un comité de pilotage. C’est à cette periode qu’elles ont eu l’opportunité de faire un stage avec le chef Jean-Marie Amat, parrain du projet, qui leur a apporté beaucoup de savoir faire, selon Jackie Lacombe. « Il nous a conseillées de ne pas changer notre cuisine et nous a apporté des petites techniques qui nous manquaient. Travailler dans une grosse cuisine comme la sienne nous a permis de savoir comment il faut s’organiser, aussi”, ajoute-t-elle.
Le local

Restaurant Saveurs Métisses à Lormont


L’étape suivante a été le démarrage de l’activité de traiteur, en attendant le saut définitif : trouver un local dans lequel devenir autonomes. Ça a été la partie plus difficile, mais elles l’ont surmontée avec leur caractére persévérant. « C’était très difficile. Nous avions la volonté et les compétences, mais il nous fallait le soutien des institutions et leurs aides financières. Grace à cela nous avons pu développer et réaliser le projet », raconte Fatiha Ngadi. Finalement, il y a six mois, l’endroit indiqué a été trouvé à la place Auberny de Lormont. Par contre, il y manquait le matériel et les conditions optimales pour travailler. Les quatre femmes on du rafraîchir le local qui était un peu trop ancien et demander un prêt à la banque pour arranger la cuisine. La Mairie, de son côté, leur a offert le mobilier. « On a fait participer aussi nos familles qui nous ont soutenues financièrement », explique Jackie Lacombe.
Le résultatL’atmosphère que ces quatre hôtesses ont créée est  agréable mais c’est avec le palais que le résultat devient tout à fait gratifiant. Si on goûte le yassa poulet de la maison, une spécialité sénégalaise, on doit savoir que c’est l’un des plats préférés de Jackie Lacombe. « C’est du poulet mariné dans de jus de citron, avec des légumes, des oignons, des carottes, des olives et du poivron rouge pour donner de la couleur, et servi avec du riz », révèle-t-elle. Si Fatiha Ngadi doit choisir, sa recette favorite est le madfouna, bien que Jackie insiste sur le fait qu’elle est « imbattable » avec le couscous. Le madfouna est un plat à base de vermicelle cuit à la vapeur avec des fruits secs et du poulet fermier. Il est cuisiné une fois par mois chez Saveurs Métisses. Jackie Lacombe considère qu’on ne peut pas définir leur gastronomie, car elle est « universelle ». Tout est fait avec des produits frais, et les quatre femmes sont chefs polyvalentes : « Moi je suis capable de faire du couscous. Fatiha, Khadija et Hafsia sont capables de faire du Tep-Djen (du poisson avec du riz et des légumes, plat également typique du Sénégal) et du poulet yassa », affirme-t-elle. Pour les desserts, c’est également un travail d’équipe, mais Khadidja Merzouk est la spécialiste des gâteaux, comme celui aux pommes à la cannelle, un suave cadeau en bouche.

Restaurant Saveurs Métisses à Lormont

Faire le point
Le projet repose toujours sur une association et envisage son avenir sans conformisme. Il y a toujours du travail pour améliorer tout ce qui fait un restaurant. Bientôt des bénévoles aideront à ranger le jardin de 1500 mètres carrés pour y installer des tables à la belle saison. Toutefois, quand on demande a leurs protagonistes de faire le point sur ces années, elles répondent fièrement. Fatiha Ngadi, qui était professeure de langue et littérature arabe au Maroc, considère que Grains d’initiatives est un modèle pour d’autres femmes et une réussit de l’immigration : « Notre présence sur le territoire français c’est une richesse pour nous et pour la France aussi ». Ngadi est aujourd’hui en même temps la présidente de l’association Diddé, qui gère les deux centres sociaux à Lormont. Jackie Lacombe, qui avait travaillé dans des salons de coiffure et également sur des marchés ambulants, se réjouit que Saveurs Métisses soit devenu un projet autonome : « C’est comme avec un enfant. Tu lui apprends à marcher et puis il continue dans la vie tout seul ». Khadidja Merzouk a travaillé dans la confection et le nettoyage, et Hafsia Guermit avait travaillé dans une boulangerie.

Malgré le bon départ du restaurant, les quatre cuisinières ont un regret: le départ forcé de Valerie Calmels de la direction du centre social Génicart. Elle a été mutée par la CAF en septembre 2013 et ne peut plus suivre le projet avec elles. Fatiha Ngadi, rappelle que Mme Calmels a été à l’origine du projet « Table d’Hôtes » et regrette son départ du centre social: « Nous sommes dans une société non reconnaissante. Les gens qui donnent, au lieu d’être récompensés, ils sont un peu punis ». Jackie Lacombe a aussi des pensées pour l’ancienne directrice : « Elle était toujours là pour nous dire que nous étions capables. Ça nous a permis de vaincre des conditions de travail difficiles et d’avoir une cuisine et un restaurant à nous ».

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Gironde
À lire ! SAVEURS D'AQUI ! > Nos derniers articles