Vendange 2014 – De l’autre côté de la bouteille…


Chantal Carrère-Cuny
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 30/09/2014 PAR Chantal Carrère-Cuny

Nos pères et oncles passaient dans les rangs de vigne pour recueillir notre récolte que nous déversions dans de gigantesques hottes où le raisin s’entassait. Le soir venu, nous foulions pieds nus les grappes que l’on écrasait en riant, autorisés que nous étions à nous les jeter à la figure.

Nous n’avions pas alors le respect du fruit, sans doute savions-nous déjà que la production familiale ne dépasserait pas les frontières de la propriété : c’était de l’avis général un véritable tord-boyaux !

En revanche, tous ceux qui étaient là samedi dernier pour les vendanges de Château Réaut (Côtes de Bordeaux) faisaient partie d’une grande famille : celle des 427 copropriétaires d’un domaine qu’ils considèrent comme le leur… et comme un futur grand cru !

Il faut dire que l’histoire est belle : en 2003, un prestigieux groupe champenois veut prouver que l’on peut faire un grand Bordeaux dans une appellation moins connue.

Son choix se porte sur un site rare, tant par son orientation -coteau plein sud-, que par la qualité et la variété de ses sols. Tel Pygmalion, il recrée entièrement ce vignoble de 26 ha en ne retenant que des critères de grand cru : arrachage puis replantation dense (5 500 pieds/ ha), sélection des meilleurs plants de vigne, vendanges à la main, en cagettes, petites cuves, etc.

6 ans plus tard, le groupe abandonne le projet au moment où le domaine va produire son tout premier millésime… Pour reprendre la propriété, se rassemblent alors, autour de l’œnologue Yannick Evenou, des professionnels passionnés de vin, tandis qu’une partie de l’acquisition est financée grâce à un GFA de 427 particuliers, amateurs de bonnes bouteilles. Contre une part, ils reçoivent chaque année 36 flacons de « leur » vin… et peuvent venir vendanger !

Et donc, faisant partie de l’aventure, je découvre que tout a changé depuis mes tendres années. Les sécateurs se tiennent d’une main et sont d’une souplesse et d’une précision merveilleuses ; Les « baillots » en bois et les hottes ont laissé place à de petites cagettes où chaque grappe est déposée en douceur pour ne surtout pas écraser les baies. Empilées ensuite sur une remorque, elles sont aussitôt dirigées vers la table de tri.

C’est là qu’une équipe enlève manuellement les matières étrangères, feuilles ou vilaines baies, avant que l’érafloir automatique ne fasse son travail de séparation des grains et de la rafle (ossature végétale de la grappe).

A regarder toutes ces étapes et le sérieux avec lequel les professionnels agissent, on prend soudain conscience combien le raisin est considéré ! Ne surtout pas l’écraser pour éviter qu’il ne s’oxyde, ne pas le laisser à la chaleur pour empêcher la fermentation, trier les baies et ne garder que le meilleur, bref tout est fait pour que la récolte soit respectée.

Et le contraire eut été regrettable car pour Philippe Moureau, l’nologue de Château Réaut : « Malgré un été difficile, on a au final une récolte magnifique et abondante. Les belles journées ensoleillées de septembre nous ont donné des raisins très murs et concentrés« .

Les 360 vendangeurs d’un jour se sont retrouvés pour déjeuner dans l’ancienne carrière qui domine les vignes, là où, d’ici quelques années, devrait être édifié un nouveau chai. Chacun avait apporté son pique-nique mais, ô délicieuse surprise, la Brasserie Bordelaise avait offert de somptueuses côtes de bœuf grillées sur les sarments !

Le soleil, l’ambiance joyeuse, les enfants qui courent dans les vignes, le fumet de la viande qui se mélange aux arômes capiteux du vin : c’est décidé, l’an prochain je recommence !

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