Le Crédit Agricole d’Aquitaine vent debout face à la crise


Le Crédit Agricole a organisé une rencontre pour dresser le bilan de la situation que traverse actuellement le monde agricole.

Le Crédit Agricole a organisé une rencontre pour dresser le bilan de la situation que traverse actuellement le monde agricole.Emmanuelle Diaz | Aqui
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 31/05/2022 PAR Emmanuelle Diaz

A l’occasion du Salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, le Crédit Agricole, première banque des agriculteurs, a organisé une rencontre afin de faire le bilan de la situation que traverse actuellement le secteur, qu’il s’agisse du contexte économique national et international ou de la situation en Région. Une réunion qui a aussi été l’occasion d’aborder la question du projet sociétal et de transition agro écologique de la Caisse Régionale d’Aquitaine.

C’est à l’occasion du salon de l’agriculture à Bordeaux que le Crédit Agricole, banque de huit agriculteurs sur dix, a organisé une rencontre pour dresser le bilan de la situation que traverse actuellement le monde agricole. Une situation déjà tendue et que le conflit russo-ukrainien est venu grandement compliquer, les deux pays étant des géants de l’agriculture et de l’agro-alimentaire mondiaux.

Un contexte international qui impacte

« A elles deux, l’Ukraine et la Russie (qui produit à elle seule 87 millions de blé tendre, contre 35 millions pour la France) représentent 14% de la production mondiale et 30% des échanges mondiaux. Et c’est là que le bât blesse car environ 150 pays dans monde et souvent en voie de développement ou d’Afrique en sont totalement dépendants », explique Jean-Christophe Roubin, responsable agriculture au Crédit Agricole SA.

Un contexte qui risque également d’impacter la France, compte tenu des incertitudes liées à la récolte en raison des perturbations climatiques. L’Hexagone important par ailleurs d’Ukraine, une quantité non négligeable de son tournesol (43% d’huile et 53% des tourteaux). « Déjà tendu, le cours des céréales connaît une aggravation avec cette guerre puisque les stocks sont relativement bas pour tout le monde et que les prix partent à la hausse. Sur les marchés internes, les échéances à septembre et décembre 2022 et même septembre 2023 sont très élevées. C’est un indicateur qui laisse à penser que la situation sera aussi tendue en 2023 », poursuit-il. Un contexte qui influe aussi sur le prix des aliments pour animaux et des engrais qui a augmenté de 35%.

« On a beaucoup décapitalisé et on manque de matière. On était habitué à avoir une offre abondante et une demande qui n’était pas toujours là. Aujourd’hui, la tendance est en train de s’inverser. Les coûts de production vont donc être à la hausse. Le problème majeur qui se pose ouvertement à nous est désormais celui de la souveraineté alimentaire », prévient Jean-Christophe Roubin. Un sujet qui, pour l’intervenant, va devenir très prégnant dans les prochaines années, et une situation internationale qui impacte également la région Nouvelle-Aquitaine.

Une situation tendue en Nouvelle-Aquitaine

« On mesure déjà très nettement l’impact de la hausse du coût des matières premières chez nos clients agriculteurs et ce, quelles que soient les filières », explique Patrice Gentié, Président du Crédit agricole Aquitaine. Un constat qui a poussé la banque, dès le début de l’année, à faire un point avec tous ses clients, sur le financement de leur trésorerie et de leur cycle de production.

Reste que d’autres problèmes impactent aussi les filières françaises, et notamment celles du Sud-Ouest, comme la grippe aviaire, un fléau pour les éleveurs et dont de nombreux foyers ont été détectés depuis août 2021 dans plusieurs pays d’Europe.

« Aujourd’hui, 80% du cheptel reproducteur national a été abattu ; ce qui complique les conditions de reprise d’activité, avec des approvisionnements en canetons qui sont plus qu’incertains », précise le Président. « Mais c’est le quatrième épisode de grippe aviaire en six ans. Donc, on sait maintenant accompagner nos producteurs », précise-t-il, tout en reconnaissant être un peu inquiet quant à l’avenir de la filière compte tenu de l’aspect récurrent de l’épidémie. « Les ministres de l’agriculture des pays européens réunis la semaine dernière, ont validé la démarche de vaccination, proposé l’achat groupé de vaccins et se sont engagés à agir auprès des pays importateurs pour les inciter à accepter ce type de volaille », poursuit-il, tout en espérant que l’ensemble de ces mesures aide la filière à trouver des solutions.

Du gel à la sécheresse

Autre problème évoqué lors de cette rencontre : celui du gel « qui a frappé deux années de suite, en 2021 et 2022 »« Essentiel dans la sécurisation du revenu des agriculteurs (car les méthodes de prévention, plus ou moins efficaces, ont des coûts très élevés), un nouveau dispositif d’assurance va être mis en place au niveau national en 2023. Parallèlement, les caisses régionales assurent déjà l’accompagnement des producteurs ». Une « solution d’assistance » qui ne résout pas le problème, précise-t-il.

« Des caisses nous ont parlé des problèmes dus aux fortes chaleurs de mai et des déficits hydriques (globalement de l’ordre de 33% sur l’ensemble du pays) qui en découlent. Ce qui risque d’avoir des conséquences non négligeables sur les fourrages », a aussi indiqué le Président du CA Aquitaine avant d’aborder une autre inquiétude : la question du renouvellement des agriculteurs et notamment ceux de la filière d’élevage en Limousin. « Ce qui se traduit par un déficit en viandes de qualité et en moyenne gamme et entraîne des difficultés pour le maintien du tissus industriel d’abattage en raison du manque d’approvisionnement. »

Autre filière impactée en Nouvelle-Aquitaine : celle du lait de vache en raison de la fermeture de l’usine Danone à Villecomtal-sur-Arros (Gers) et sa reconversion dans le lait végétal qui pose des difficultés pour certains producteurs à maintenir leur activité.

« Le Crédit Agricole est depuis plus d’un siècle aux côtés des agriculteurs et aujourd’hui, avec les questions d’approvisionnement sur les matières premières, ils ont besoin d’un soutien important qu’on s’engage à leur apporter. Les questions d’autonomie, de sécurité alimentaire et de durabilité des modèles de production sont des enjeux primordiaux pour les années à venir », conclut-il.

Neutralité carbone, projet sociétal et transition agro écologique

« On assiste à un véritable changement de paradigme. Il y a un an, on ne parlait pas d’inflation comme aujourd’hui. On est passé d’une inflation conjoncturelle, liée au redémarrage d’une économie post-confinement, à une inflation plus structurelle liée à des problématiques de matières premières. De décalage entre le niveau de demande et le niveau de production. On ne peut qu’espérer qu’il y ait une sortie politique du dossier ukrainien dans les prochains mois car c’est ce qui permettrait de retrouver une certaine normalité », note Olivier Constantin, Directeur Général du Crédit Agricole Aquitaine .

« On a perdu en visibilité de court terme, mais j’ai envie de croire qu’en vision moyen terme, on partage tous la même ambition : un monde qui malgré l’accroissement de sa population, sera demain moins carboné, plus tourné vers l’inclusion sociale, vers des éléments de souveraineté, avec des enjeux majeurs pour l’agriculture », précise le dirigeant dont le groupe, premier acteur en France à financer de l’énergie renouvelable, s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en signant, avec d’autres banques en juillet dernier, l’adhésion au projet NZBA (Net Zero Banking Alliance).

Parallèlement, un projet sociétal sur des questions d’économie responsable et durable sera présenté à l’ensemble des intervenants du Crédit Agricole fin juin prochain. L’objectif ? « Développer tout ce qui nous paraît nécessaire de façon équilibrée, c’est à dire, la préservation de la ressource. Mais aussi, retravailler l’équilibre des revenus de nos clients au sens large ». Un changement qui passe notamment, pour le groupe, par une transition agricole et agro alimentaire réussie. « Des engagements ont été pris pour accompagner l’évolution technique vers un système agro-alimentaire compétitif et durable avec le lancement d’un fonds dédié (fonds paneuropéen). Il doit aussi contribuer à l’agriculture française, lutter pleinement contre changement climatique et aider à renforcer notre souveraineté alimentaire en facilitant l’installation de nouvelles générations d’agriculteurs ».

Une filière forêt-bois
Quant aux mesures prises par le Crédit Agricole, elles débutent dès le 1er juin avec la création d’une filière « forêt-bois » pour accompagner les exploitants sur toute la chaîne. Et parallèlement, « ça fait plus de dix ans qu’on est engagé dans la filière viticole pour permette aux viticulteurs de produire demain différemment. Et à partir d’août ou octobre, nous devrons questionner nos clients pour comprendre leur volonté et leur sensibilité sur ces sujets là », poursuit-il.

Quant à l’assurance climatique pour la mise en place de laquelle le groupe CA a joué un rôle majeur, elle prendra pied au 1er janvier 2023 et représentera une combinaison de ses assurances (récolte, prairie, etc…) qui permettra de compenser les pertes à 100% au delà de la franchise, grâce au doublement d’une indemnité de l’Etat.

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