Les orages de grêle destructeurs ont lourdement frappé


En Béarn, la grêle a frappé de manière très localisée, touchant particuliers et agriculteurs, de quoi raviver les tensions sur la question assurantielle.

A Mont-Disse en Béarn, Charles Pelanne a vu ses cultures de kiwi et de vignes détruites à 100 % par la grêle. Ici avec Eric Spitz, préfet du département venu constater les dégâtsAqui.fr
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Publication PUBLIÉ LE 23/06/2022 PAR Solène MÉRIC

Pyrénées-Atlantiques, Gironde, Dordogne et les Charentes. Les orages de grêle de ce début de semaine ont fait d’impressionnants dommages sur diverses zones de ces quatre départements. Toitures percées voire effondrées, pare-brise explosés et voitures cabossées, mais aussi de nombreuses cultures perdues… A la suite d’une canicule rarement connue, ces phénomènes climatiques localisés ont laissé des stigmates impressionnants tant en ville qu’à la campagne. Focus en Béarn frappé à deux reprises, par deux types d’orage de grêlons : le premier a concerné le nord Béarn, touchant principalement les cultures, le second, a quant à lui fait de très nombreux dégâts sur les habitations notamment.

Sur le secteur de Nousty et Soumoulou, à l’Est de Pau, c’est environ 1000 maisons qui ont été fortement dégradées dans la soirée du 20 juin. En cause « des chutes de très gros grêlons, peu denses, mais qui ont tout cassé : des toitures des maisons aux véhicules en passant par les serres des maraîchers. », détaille le préfet du département des Pyrénées-Atlantiques, Eric Spitz. Environ 150 sapeurs pompiers sont toujours en cours d’intervention pour bâcher les maisons, incluant des renforts venus des Landes, du Lot-et-Garonne et du Gers, auxquels s’ajoutent 50 pompiers supplémentaires venant de Marignane, dont la première moitié arrivait ce mercredi soir. Sur 1 000 maisons, environ 500 avaient pu être bâchées dans l’après-midi du mercredi 22 juin. En raison de la faible densité des chutes de grêlons, il n’y pas eu dans cette zones de dégâts sur les cultures plein champ, rapporte Eric Spitz.

« Pour un viticulteur, ne pas récolter c’est extrêmement troublant… »

Une situation opposée à ce qu’il a pu constater, mercredi après-midi à Mont-Dissse, dans le nord Béarn, venu à la rencontre d’élus et d’agriculteurs de la commune ou de communes voisines qui ont tout perdu de leur récolte à venir.

« Sur 400 à 500 mètres de large l’orage de grêle accompagné de vents violents a détruit toutes les productions sur son passage », décrit Charles Pelanne, maire de Mont-Disse, conseiller départemental et agriculteur de métier. Sur son exploitation, le Domaine Lacoustète, constituée de 4 ha de kiwis sous appellation et 12 ha de vignes haut de gamme, tout est condamné. « Les kiwis n’arriveront pas à maturité, ils seront trop petits et trop acides ». Quant à la vigne, « c’est la deuxième fois en 40 ans d’installation agricole que l’on ne fera pas de vendange cette année. Ce sont des moments particuliers… Pour un viticulteur, ne pas récolter c’est quand même extrêmement troublant… » Au-delà de la perte de la production de l’année, le dommage courra encore sur au moins deux millésimes du fait de la fragilisation du cep. Des questions se posent entre viticulteurs sur la meilleure manière de tailler cette vigne abîmée pour avoir le moins de perte possible l’an prochain. Côté kiwi, il estime déjà que la production de l’année prochaine n’atteindra que 50% des rendements habituels.

Le verger de kiwi de Charles Pelanne a lui aussi subi les affres des orages de grêle qui ont touché le Béarn le 20 juin 2022Aqui.fr

Le verger de kiwi de Charles Pelanne a lui aussi subi les affres des orages de grêle qui ont touché le Béarn le 20 juin 2022

« Les vignes mettent 3 ans pour repartir véritablement »
Le témoignage est du même ordre pour Alexandre Murillot, installé à Cadillon à 4 kilomètres de là. « Sur 26 ha de vignes, on va pouvoir récolter environ 6 ha, pour le reste nous avons perdu de 80 à 100% de nos récoltes, si les choses évoluent au mieux. Ca arrive, alors qu’il ne manquait plus qu’à effeuiller et attendre que le raisin soit mûr pour être vendangé. Le travail sur la vigne était quasiment fini… Tout ça pour rien. » Il a lui aussi déjà subi la grêle en 2007 et en 2008, « les vignes mettent 3 ans pour repartir véritablement », assure-t-il. Or si les assurances indemnisent les productions perdues de l’année, il n’en est rien pour les suivantes. Des pertes de production qui au-delà du viticulteur touchent aussi la coopérative qui rassemble la plupart des viticulteurs du coin : la Cave de Crouzeilles. A son échelle, ce sont 250 ha (sur environ 650 ha qu’elle revendique) qui ont été touchés par la grêle de ce mois de juin.

L’agriculteur de Cadillon qui a aussi une quinzaine d’hectares de céréales diverses et 30 ha de maïs semence, a aussi vu l’ensemble de ces cultures détruites, à 100%. « Je n’ai pu sauvé que mes petits poids, je les avais ramassés la veille . A un jour près je les perdais aussi ».

 

Tension sur l’assurance

Des dégâts d’ordre climatiques qui ramènent bien sûr à la question de l’assurance. Si les agriculteurs témoignant ce mercredi sont assurés sur l’essentiel de leurs récoltes, ce n’est pas le cas de tous les agriculteurs. Cela dit même pour les assurés, l’heure n’est pas à la satisfaction : « le climat change ; ça y est on y est. Il faut que le système assurantiel suive ! », synthétise Jean-Christophe Péheaa, agriculteur voisin de Charles Pelanne, et dont le sort de la production de maïs semence 2022 a, pour lui aussi « été réglé en 3 minutes lundi soir ». Les pieds de maïs « qui arrivaient à hauteur de genou », sont litéralement broyés, disparus.

La tension sur la question de l’assurance est d’autant plus ravivée que l’indemnisation est uniquement calculée sur la moyenne des 3 dernières années, pour des cotisations qui ne cessent d’augmenter au fil de l’aggravation du risque climatique. Les prix agricoles pratiqués en année n, particulièrement élevés cette année, ne sont pas pris en considération, pas plus que l’augmentation particulièrement fortes des prix de l’engrais, déjà acheté et appliqué par les agriculteurs sur les cultures désormais détruites… Jean-Christophe Péheaa a rapidement fait le calcul : « je vais toucher des assurances, environ la moitié de ce que j’ai gagné avec mes cultures l’an dernier ».

A Mont-Disse, un champ de maïs semence haché par la grêleAqui.fr

A Mont-Disse, un champ de maïs semence haché par la grêle

Solidarité de l’Etat

Si une loi a bien été adoptée à l’Assemblée Nationale il y a quelques mois « pour mieux articuler le système d’aide par l’Etat et les assurances », rappelle le préfet Eric Spitz, elle reste pour l’heure sans règlement d’application, et donc pour l’heure inutile. Les discussions sont en cours pour fixer les niveaux de solidarité entre Etat, assurances et agriculteurs, permettant ainsi au passage de baisser des cotisations aux tarifs souvent prohibitifs pour de nombreux agriculteurs.

La réforme de l’assurance agricole, et des calamités agricoles, longtemps demandée est donc en marche, mais elle arrive encore trop tard pour les agriculteurs et viticulteurs touchés par ces épisodes de grêle 2022. Une agriculture qui est le « véritable poumon économique » de ce coin de Béarn, rappelle Charles Pélanne, songeant notamment aux saisonniers qui ne seront pas embauchés cette année, à la vendange notamment ou au castrage du maïs semence.

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