A Biarritz, Daniel Balavoine ne sera jamais oublié


photo F. D.
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 14/01/2016 PAR Felix Dufour

Guillaume Barucq et Nathalie Sozeau, les deux « Djeun’s » du Conseil mesurent que, comme le chantait Jen-Jacques Goldman, « le petit feu ne s’éteint pas » et qu’ils n’ont pas envie d’interpréter demain « A nos actes manqués ». A l’entrée du cimetière de Ranquine s’engage alors un dialogue, avec Mathilde, 20 ans, Robert et Véronique. Drôle de rencontre. Robert était le proprio de la famille Balavoine à Biarritz il y a des lustres et s’est pointé au cimetière avec un album qui prouve bien que cet ancien garçon d’étage du Palais, qui doit avoir largement trois fois l’âge de Mathilde était un familier du chanteur. Mais il regarde avec tendresse particulière deux photos : celles dédicacées de la chanteuse Catherine Ferry au côté de Daniel Balavoine. Et pour cela, il faut bien faire partie de la famille.

Son autre famille, c’était sa bande de la Côte basque à laquelle il faisait systément signe quand il venait sur la Côte : Jacques Durruty, (notre photo archives Jacques Durruty) son ancien pion et protecteur, car Daniel, au lycée d’Hasparren avait déjà du tempérament, Jean-Pierre Laborde, Gastine, et le président de l’Aviron bayonnais omnisport, chirurgien orthopédique retraité de la clinique Saint-Etienne de Bayonne, Philippe Ducasse. « Lors d’un concert à Saint-Jean-de-Luz, se rappelle ce dernier, Jacques est allé le voir en lui demandant s’il se souvenait de lui. Une évidence et ils sont devenus les meilleurs amis du monde, ce qui ne veut pas dire que leurs relations étaient sans nuages. Mais ils se réconciliaient toujours. »

C’est ensemble que la bande va le 31 décembre 1985 fêter le réveillon de la Saint-Sylvestre, dans le sud des Landes chez Gastine. Ghis, la copine de la joyeuse équipe, a gardé le souvenir de Corinne, la femme de Daniel. « Elle a été adorable avec nous les filles et j’ai remarqué qu’elle avait une certaine emprise, une influence certaine sur son mari. »

Balavoine durruty

« Et puis, comme la qualifiait Daniel, nous avons fait la “refête” pour son anniversaire, se souvient encore Philippe Ducasse. Nous nous sommes retrouvés chez Gastambide à Saint-Jen-Pied de-Port, dans une petite salle et Daniel a lancé un grand sujet de conversation sur la société d’économie libérale et l’économie collectiviste. Il fallait toujours qu’il bataille. Dans cet ordre d’idées, je me souviens qu’il nous invitait généreusement à ses spectacles dans les grandes salles parisiennes pour avoir notre avis. Exactement quand, lors de la sortie de son dernier album “Sauvez l’Amour”, il nous a invité dans son appartement de la Milady pour nous le faire écouter en avant-première. Jacques a eu alors une parole malheureuse en lui disant, c’est quand même pas très rock and roll ton truc. Il a été vexé et lui a fait la tête pendant quelque temps. D’ailleurs quand Jacques a voulu ouvrir une concession BMW à Saint-Paul-les-Dax, Daniel lui a spontanément proposé de s’associer avec lui. Trente ans après sa disparition et avec l’actualité que nous connaissons, une question me taraude : quelles auraient été ses réactions aujourd’hui ? »

Yves : « Daniel était un pacifiste et ses paroles ont été mal interprêtées » Drôle de destin. Il aura fallu que Daniel disparaisse pour qu’Yves, son officier de frère de trois ans son aîné soit affecté au 1er RPIMa de Bayonne. En allant à la Réunion en 1984, avec Corinne et Jérémie, le chanteur s’était arrêté à Djibouti où son frère, officier parachutiste était affecté. « Je me souviens qu’il m’avait parlé de son Action-école, en faisant acheminer des sacs de riz en Afrique. Connaissant quand même ce continent et son fonctionnement je lui avais dit “pour moi le plus efficace est que tu fasses pousser du riz chez eux et que pour cela tu alimentes leur territoire en eau. Et c’est ainsi qu’il s’est lancé dans l’opération ‘Pari du cœur’ en installant des pompes à eau. Je dois dire vraiment que son copain Thierry Sabine a mis toute la logistique du Paris Dakar pour lui donner un coup de main et acheminer le matériel.”

Daniel, la grande gueule et Yves le militaire étaient-ils si différents que les apparences et leurs fonctions pouvaient le laisser penser. “Franchement je ne le pense pas, on avait beaucoup d’affinités. Daniel était un pacifiste et les militaires qui veulent assurer la paix le sont aussi. Quand il y a eu l’attentat du Drakkar au Liban où je me trouvais et que j’ai eu vent de la colère de Daniel, j’ai compris qu’il exprimait une grande peur rétroactive. Pour beaucoup de raisons, mais on a fait abstraction d’une partie de sa phrase sur les anciens combattants lors de cette émission 7/7. Je m’attendais forcément à certaines réactions de la part de ma hiérarchie et en fait, elles se sont produites de manière positive et cela m’a touché.”

Conséquence de son appréciation sur les anciens combattants, la Ville de Biarritz de Bernard Marie ne fera aucun zèle pendant six ans pour attribuer un lieu portant son nom. Lui succédant le maire Didier Borotra lui dédiera sa Maison des Jeunes au quartier Petricot.

Après le 1er RPIMa de Bayonne, Yves a été affecté à Castres où il a pris le commandement en second d’un régiment avant de prendre la retraite. Après avoir acquis dans un premier temps un appartement à Biarritz où son frère est enterré, il a aujourd’hui un appartement à Anglet. “Mais c’est surtout mes enfants et ma famille qui en profitent.”
Si les hommages qui ont marqué la disparition de son frère l’ont touché, il en a des appréciations différentes : “J’ai beaucoup aimé celle de France 3 parce qu’on parlait de ce qu’il avait dans les tripes, sa personnalité, ce n’était pas du show, une étude de caractère de Daniel. Évidemment la présence de Joana, la fille qu’il n’a jamais connue m’a beaucoup touchée. Ma sœur Claire m’avait parlé de son esprit et de son élaboration. En revanche, j’ai trouvé celle de TF1 plutôt nulle et on voyait trop qu’elle avait été faite uniquement dans un but. J’ai passé mon temps à zapper entre elle et un match. Il y avait plus de contenu sur W9 et à TMC, l’émission tenait la route. J’ai lu aussi que Daniel était Basque de cœur, mais nous le sommes aussi de sang.
Du côté de ma mère, ça vient d’Urt  et du côté de mon père, un arrière grand-père a épousé une Basque Etcheberts, dont le caveau se trouve à Ainhice Monjelos, près de Saint-Jean-Pied-de-Port. Quand on est passé par Biarritz, on a fait les beaux jours du Club Les Goelands en 1962-1963 et Claire a été une des premières femmes maitre-nageur sauveteur, elle a même été championne de France en nage libre et papillon; Bernard, notre frère ainé et moi on était plus concernés par la brasse. »

Claire sur les routes à la mémoire de son frèreAujourd’hui, Claire, sa sportive de sœur de 9 ans son aînée qui a été kiné met un point d’honneur à poursuivre l’œuvre de son frère, la Fondation Balavoine devenue association. « Après sa mort, les dons arri­vaient de toutes parts pour finan­cer des pompes à eau en Afrique, dans la région du Sahel Occi­den­tal. Le public voulait conti­nuer le combat de Daniel. Avec quelques proches, nous avons décidé de créer la Fondation en 1986. Sa transformation de Fondation en association répond à une nouvelle règlementation de structure. Nous n’avons ni les millions ni le parc immobilier qui nous permettait de demeurer une fondation, et l’association a pris le relais. De Daniel, je préfère ne parler que de son grand cœur, de son énorme générosité qui l’ont conduit à se lancer dans ces « Pari du cœur », et à installer des pompes à eau au Mali en bordure du fleuve Niger dans les régions de Kidal et Gao avant sa dramatique disparition. Je n’oublierai jamais dans quel état il est revenu de ce Paris-Dakar qui lui a fait découvrir la misère de ce pays, les conditions de vie dans lesquelles vivaient ces gamins. Il en a été véritablement KO pendant un certain temps. Il ne parlait pas. Il était très sensible et il ressentait profondément les choses. »

En 2014, Claire a écrit tout son ressenti en publiant une biographie illustrée des photos d’Alain Marouani, éditée chez Flammarion sur ce frère qui souhaitait être député et a choisi en fait la chanson pour exprimer ses révoltes. Les textes et ses chansons étaient tellement forts, on l’a vu, que leur onde s’est répercutée jusque trente ans après. Le chanteur est devenu légende. « Je ne suis pas un héros » avait-il écrit en 1980 pour le 26e album de Johnny « À partir de maintenant ». Passée inaperçue avant que Daniel, sur proposition de Johnny, ne l’enregistre sur son album « Un autre monde ». Elle lui ressemble tellement qu’elle fera un carton. Car Daniel envisageait justement un autre monde, loin du star-system, revenir aux fondamentaux musicaux qu’il préparerait à Biarritz et faire quelque chose avec un de ses inspirateurs: Peter Gabriel.

Drôle de destin: Johnny la reprendra pour la première fois sur scène à Bercy en 1990. Derrière la star cette année-là, il y a un choriste. Il s’appelle Michel Chevalier, un chanteur originaire de Pau qui eut son heure de gloire en 1972 avec un tube, « Je veux t’aimer ». Ce même Michel Chevalier qui donna l’envie à l’époque à Daniel de monter à Paris tenter sa chance…

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Pyrénées-Atlantiques
À lire ! SOCIÉTÉ > Nos derniers articles