A Bordeaux, un pont chasse l’autre ?


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 07/05/2008 PAR Joël AUBERT

Aujourd’hui, de la gare Saint-Jean, rive gauche, à Cenon, rive droite, tous les trains qui vont vers le nord ou qui en viennent ne circulent que sur une seule voie par sens. Chaque jour, selon Geneviève Latxage, chargée de communication chez RFF, « ils sont 240 à passer sur ces rails » : le trafic est saturé. La suppression de ce bouchon consiste en un doublement des voies, qui sera effectif à partir de lundi, afin de fluidifier la circulation. Derrière cette équation assez simple se profilent des promesses engageantes pour l’économie régionale. Localement, les TER devraient être plus rapides et plus fréquents, ce qui favorisera les liaisons entre les différentes villes d’Aquitaine, troisième région française en superficie, qui se doit donc d’avoir un réseau ferroviaire efficace.

Faire sauter le bouchon
Sur le plan national, ces quatre voies sont une condition indispensable à la mise en place de la nouvelle LGV (Ligne à Grande Vitesse) entre Tours et Bordeaux, qui ne serait plus qu’à 2h10 de Paris en 2016, contre 3h aujourd’hui. La ligne actuelle accueillerait alors davantage de frêt. Car pour l’heure, de nombreux trains de marchandises sont obligés de s’arrêter à l’approche du goulet d’étranglement afin de laisser passer les trains de voyageurs. Bordeaux pourrait ainsi tenir réellement cette place qu’elleoccupe pour l’instant en théorie seulement, sur l’axe Sud Europe Atlantique, de la péninsule ibérique au Bénélux, et ce alors que la SNCF tend à tourner ses activités de frêt vers l’international. Pour 2008, l’entreprise souhaite par exemple doubler le nombre de trains de marchandises à destination du Bénélux. L’Aquitaine et Bordeaux sont donc certainement dans le bon wagon.

Des subventions ?
Vue intérieure de la passerelle EiffelMais à quelques mètres en aval du nouveau pont, un grain de sable est venu enrayer cette mécanique bien huilée. C’est à propos de l’avenir réservé à la passerelle Saint-Jean, appelée aussi passerelle Eiffel, du nom de son illustre concepteur, qu’est née la polémique. Chez son propriétaire RFF, on estime simplement qu' »on est pas là pour faire de la conservation de patrimoine ». Geneviève Latxage explique ainsi que RFF « donne la passerelle à la collectivité qui en assumerait la restauration » : un coût estimé entre 8 et 10 millions d’euros (l’ensemble du projet de suppresssion du bouchon ferroviaire représente une enveloppe de 300 millions d’euros). « La balle est dans le camp des collectivités », résume-t-elle. Du côté de la mairie de Bordeaux, on se dit prêt à verser  » environ deux millions d’euros », en cas d’accompagnement par les autres territorialités. Mais celles-ci semblent bien frileuses : « il n’y a pas de prise de position de la CUB à ce sujet », avance l’attaché de presse de l’intercommunalité Alain Lamaison. « Ce dossier ne relève pas des compétences stricto-sensu de la CUB », précise-t-il tout de même. Au Conseil régional, on est prudent également. La Région ne se prononcera qu’une fois qu' »un groupe de travail entre les collectivités et RFF aura été réuni », ce qui est prévu pour les jours qui viennent. Le Conseil régional souligne en outre que « l’intérêt patrimonial devra être démontré par des instances habilitées, afin de justifier l’octroi de subventions régionales. »

« Un incunable de l’architecture française »
La passerelle Eiffel fut le premier chantier sur lequel travailla l’ingénieur du 19ème siècle. Selon Bertrand Lemoine, chercheur au CNRS etbiographe de Gustave Eiffel, « ce pont est un incunable de l’architecture française » ; son intérêt patrimonial ne semble pas faire l’ombre d‘un doute. Du moins, pas pour l’association « Sauvons la passerelle Eiffel », qui a recueilli plusieurs milliers de signatures de soutien. A l’initiative du collectif de défense, Myriam Larnaudie-Eiffel, descendante de l’ingénieur, est très inquiète : « au 1er juillet, si nous n’avons pas obtenu de transfert de propriété à une collectivité locale, la passerelle sera détruite ».Elle a le sentiment que « RFF fait tout pour qu’elle ne soit pas gardée ». L’architecte du nouveau pont Jean de Giacinto partage ce point de vue : « RFF ne joue pas le jeu : ils veulent absolument la démolir ». « Détruire le premier chantier d’Eiffel, c’est un arrachement », peste l’architecte dont le travail pourrait être la cause indirecte de la perte de « l’incunable de l’architecture française ». Lourde responsabilité… Jean de Giacinto a d’ores et déjà proposé un plan de reconversion de la passerelle, qui deviendrait un espace « de circulation douce », où transiteraient cyclistes et piétons. En avril dernier, Alain Juppé déclarait qu’il ne souhaitait pas qu’elle devienne un lieu « d’où l’on regarde passer les trains ». Un autre plan de réaménagement serait à l’étude en ce moment. Si aucune solution n’est trouvée, la passerelle Eiffel devrait être détruite en juillet. Ironie du sort, les poutres métalliques du tablier du nouveau pont ont été fabriquées par l’entreprise Eiffel, fondée elle aussi par l’ingénieur.

Léo Peresson

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