A Talence, un Micro-lycée pour les élèves décrocheurs


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 07/12/2017 PAR Alizé Boissin

Ils ne sont que huit cet après-midi en cours de management. Un petit nombre d’élèves que jalouse la majorité des professeurs face à des classes traditionnelles de trente. Pourtant, au Micro-lycée Victor Louis, c’est le quotidien. Ici le nombre d’élèves par classe est réduit – 15 étudiants par classe maximum- pour favoriser l’accompagnement.  Ouvert il y a déjà trois ans, le Micro-lycée de Talence est le deuxième du genre en Nouvelle-Aquitaine. Situé dans l’enceinte du lycée public Victor Louis, les quatre classes de cette structure, tiennent sur un étage. Les élèves sont un peu plus âgés que le reste du lycée public et n’ont pas toujours eu des parcours faciles. Problèmes de santé, familiaux ou autres, tous ont été en situation de décrochage scolaire. En effet, passé 16 ans – l’âge obligatoire de la scolarisation en France – un élève qui quitte le système scolaire sans avoir obtenu de diplôme est considéré comme « décrocheur » par l’Education National. En 2016, on en comptait 98 000 selon les chiffres du ministère. 

Pédagogie inversée

C’est un cours de management un peu particulier.  Quelques uns bavardent sans avoir ouvert leurs cahiers, d’autres sont plus consciencieux et prennent des notes derrière leurs ordinateurs. L’une des particularités de cette structure, c’est l’utilisation du numérique. En effet, chaque étudiant a accès un ordinateur portable pour les cours avec une session personnalisée. Sur leur plateforme, les élèves retrouvent leurs leçons sous forme de diaporamas, leurs devoirs, et peuvent communiquer aisément avec leurs professeurs. Une méthode qui leur permet d’aller « plus vite » souligne Mathieu, 19 ans, en première STMG (sciences et technologies du management et de la gestion) au Micro-lycée. Pour lui, le micro-lycée est une chance, « ça a sauvé ma scolarité ». Auparavant en en première scientifique dans une structure classique, son cancer ne lui a pas permis de terminer correctement sa terminale. C’est grâce au CNED (Centre national d’enseignement à distance) et au soutien de ses parents, qu’il décide de présenter son dossier basé sur la motivation. Un entretien et quelques exercices-tests plus tard, il est admis ici. Le parcours de Mathieu, Charlotte Stoiber le connaît bien. Pas étonnant, puisque la coordinatrice du micro-lycée connaît le passé de chaque élève. Elle déambule de classe en classe pour donner les dernières informations aux étudiants qui prennent un malin plaisir à la taquiner. Même sort pour la professeure de management qui donne son cours dans une ambiance sérieuse et décontractée à la fois. Entre deux corrections, elle propose aux élèves « d’aller prendre un café tous ensemble ». Au Micro-lycée de Victor Louis on mise sur la relation de confiance pour aider les élèves. Fini le temps de la domination des professeurs sur les élèves. Plus besoin de rendre des comptes pour les absences, « ce n’est pas le but de la structure » commente Charlotte Stoiber. En effet, « les jeunes adultes » comme on les appelle souvent ici, viennent sur leurs motivations. Les punitions pour lutter contre les absences sont proscrites pour se concentrer davantage sur les difficultés de chacun. Les professeurs et leurs élèves pratiquent également une « pédagogie inversée ». Une méthode qui inverse la nature des activités d’apprentissage en classe et à la maison, ce qui amène une modification des rôles traditionnels d’apprentissage. Ainsi, les élèves, depuis chez eux peuvent se familiariser avec les cours grâce à du contenu interactif (des vidéos par exemple) et pratiquent des activités le lendemain en classe afin de mieux intégrer les connaissances. Enfin, il est possible de revenir sur les apprentissages lors de séances de tutorats proposées par des étudiants de master recrutés pour cette mission.

La clé de confiance

Dans une salle attenante au cours de management, élèves et tuteurs se retrouvent pour travailler. Français, maths ou sciences, des élèves ont décidé de rester pour profiter de cette aide personnalisée. Aurore, tutrice au Micro-lycée, prépare le CAPES de lettres modernes. L’année dernière elle avait déjà eu l’occasion d’aider les élèves pour l’oral de français. Cette année elle apporte son aide pour le français mais pas que: « la dernière fois on a aidé un élève pour son cours de management, je n’en n’avais jamais fait mais avec les connaissances de l’élève et les miennes on a fini par y arriver ». Pour Aurore et ses collègues il est facile d’aider les étudiants car « ils savent parfaitement cibler leurs difficultés et sont très motivés ». Des élèves qui sont « plus motivé que les autres ; ils ne lâchent pas tant qu’ils n’ont pas compris » racontent les tutrices. Plus que d’accompagner les étudiants, elles espèrent leur redonner confiance. Une confiance en soi que Matthieu réapprend peu à peu. S’il y a quelques temps il pensait se tourner vers un DUT ou un BTS il envisage aujourd’hui « la classe prépa ». Yoann, 18 ans, dans la même classe que Mathieu, a repris le lycée après avoir décroché pour pouvoir se tourner vers un BTS informatique. Des formations qui ne leur semblent désormais plus si loin. Une confiance en soi saupoudrée d’une grande détermination. Aurore raconte « ces gens-là ils ont vécu des trucs durs, ils sont responsables maintenant ». Elle se souvient d’un élève qui avait mal compris la méthode de l’oral de français. Une séance de préparation en tutorat en plus et l’étudiant « s’est métamorphosé ». Pour elle, c’est la différence avec les élèves des lycées dits traditionnels « ils comprennent moins pourquoi on leur apprend tout ça ». Une énergie collaborative positive qui permet à 90% de la dernière promotion de décrocher, enfin, le baccalauréat. La première cérémonie des diplômés du Micro-lycée Victor Louis est organisée le 18 décembre prochain, l’occasion de primer les nouveaux bacheliers.

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