Aéroportrait : Yoann Gac, le professeur aventurier


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 12/04/2018 PAR Solène MÉRIC

Tout commence donc par là : « J’ai quitté l’école en première, pour m’engager dans l’Armée de l’air ». Soif d’indépendance, rejet d’un système scolaire qui lui ne correspondait pas…. S’il quitte le circuit scolaire « classique », son rêve d’intégration dans l’Armée, rime en réalité avec son entrée à l’EETAA de Saintes (École d’Enseignement Technique de l’Armée de l’Air), où il intègre ainsi pour 2 ans, « la grande famille des arpettes, les apprentis de l’Armée ». Puis direction l’Ecole de Formation des Sous-Officiers de l’Armée de l’Air à Rochefort pour y apprendre le métier de mécanicien avion.

Regarder s’envoler les avions
Un changement de milieu qui lui aura réussi : l’adolescent qui était tant pressé de quitter son lycée de Brest sort major de sa promotion tant à Saintes qu’à Rochefort. Une position qui lui laisse donc libre choix sur la suite de son parcours. « J’ai choisi d’aller à Avord dans le Cher, pour travailler sur les avions AWACS; c’est un avion radar de type Boeing. Durant 6 ans, j’ai été mécanicien de piste, c’est le premier échelon : on est là, au départ de l’avion et au retour de l’avion. C’est de la petite maintenance et du petit dépannage, il n’y a pas de grosse immobilisation. » C’est là qu’il découvrira le métier de mécanicien navigant. « Sur ce type d’avion, comme sur d’autres avions plus anciens, ou sur les hélicoptères Puma et Superpuma, le mécanicien navigant, qui est aujourd’hui de plus en plus remplacé par un ordinateur, faisait partie intégrante de l’équipage. C’est un vrai métier de conduite, il est l’expert technique à bord.» A priori, plus excitant que de regarder s’envoler les avions depuis la piste pour celui qui rêve d’indépendance, de voyages et sans doute aussi un peu d’aventure…
Concours et formation en poche, le voilà donc parti pour une riche carrière de mécanicien navigant sur hélicoptère. Un choix de l’hélice qui n’a rien du hasard mais tout de la tactique : « C’était tout à fait volontaire. Faire carrière dans les hélicoptères ouvrait pour moi l’opportunité de missions en outre-mer. Ce qui n’était pas le cas sur les avions. J’avais déjà eu l’occasion d’être détaché à Tahiti sur de courtes durées… Une fois que vous avez goûté à l’Outre-mer, ça vous donne furieusement envie d’y repartir pour des missions plus longue ! ».

Enrouler la Tour Eiffel, survoler les volcans
Pourtant, pour les lagons bleus et les palmiers, il faudra un peu attendre… Mais à défaut, il aura le prestige. De 2003 à 2006, basé à Villacoublay, il est membre d’équipage du Super Puma, au service du transport du Gouvernement et du Président de la République. L’occasion de croiser pas mal de personnalités, mais surtout, d’être une des rares personnes à avoir pu survoler l’espace aérien de la ville de Paris. « Lorsqu’on accueille un Chef d’Etat étranger, on fait un bord à bord avec son avion à Orly, pour ensuite le déposer aux Invalides. On partait d’Orly, puis on enroulait la Tour Eiffel pour venir se poser sur les Invalides. C’est vraiment magnifique car les aéronefs, sont interdits de survol à Paris. »
C’est en 2006 et pour une mission de 3 ans, qu’il part (enfin) en Nouvelle-Calédonie. « Nous avions comme mission le support des troupes sur place, et des missions de service public, comme le sauvetage de vies humaines, ou d’équipage en situation de détresse ». Puis à partir de 2009, Yoann quitte les eaux bleues de Nouvelle-Calédonie, pour une nouvelle mission de 3 ans en Guyane. Là-bas il participe notamment à la lutte contre l’orpaillage illégal, mais aussi à la protection du Centre Spatial Guyanais.
Au total, 6 ans de missions riches et intenses, avec parfois quelques souvenirs difficiles, et des sueurs froides aussi. « Un départ de feu dans la cabine alors que vous êtes en vol au dessus de l’océan… » ou « un avion qui vous frôle de beaucoup de trop près » a en effet de quoi causer quelques frayeurs… Mais ce sont surtout les belles images qui restent. Belles et données à voir à très peu de monde. « En Guyane, à chaque fois qu’il y avait un tir fusée, on tournait autour : j’ai donc eu la chance d’assister à des tirs fusée à partir d’un hélicoptère… c’est quelque chose ! ». Au rayon des souvenirs marquants, il cite aussi une mission exercée en Nouvelle-Calédonie, à bord d’un hélicoptère Puma : « le sauvetage et l’aide au Vanuatu donnait lieu chaque année à un point des zones de poser en cas de sauvetage ». Autant dire, l’occasion de survol de plusieurs volcans en activité… « Ce sont de belles images », glisse-t-il l’oeil pétillant.

« Allier quelque chose que j’aimais à ma vie de famille »
A son retour à Villacoublay en 2012, « je commençais à mûrir mon nouveau projet professionnel depuis plusieurs années déjà. » Non pas que la vie d’aventure et l’expérience du terrain, ne le contentait plus mais, il est un temps dans la vie, où il faut savoir faire des choix, ou en tout cas « des compromis ». « J’ai voulu me reconvertir pour des raisons familiales, pour être plus souvent à la maison, auprès de ma femme et de mes enfants. A la fin de ma carrière j’étais moniteur Puma et Super Puma, et j’aimais beaucoup ça. Envisager un avenir professionnel dans la formation, me permettait d’allier quelque chose que j’aimais à ma vie de famille. » Et idéalement aussi, de quitter la région parisienne.
Suivant l’adage que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Yoann, profitant du Salon du Bourget en juin 2013, fait le tour des stands de l’espace du Salon dédié à la formation. « Je distribuais mon CV et ma lettre de motivation à tous les stands qui me paraissaient intéressants et cohérents avec mes projets ». Le stand d’AEROCAMPUS Aquitaine, présent sur ce Salon, est de ceux-là. Il y rencontre alors le responsable de la formation initiale, très réceptif au CV que Yoann lui tend. Après plusieurs échanges, rendez-vous est donné pour un entretien d’embauche en juillet. Dès la rentrée 2013, l’ancien mécanicien navigant, ayant alors quitté l’armée, est de l’équipe pédagogique de Latresne.
Une nouvelle carrière commence, avec un premier défi pour Yoann : celle de confirmer ses compétences techniques et pédagogiques pour la formation auprès des lycéens. Défi réussi grâce à l’obtention du concours maintenance engins de chantier, automobiles et bateaux. La spécialité aéronautique étant rare il n’existe pas de concours dédié. Il double cela d’un Master 2 Métier de l’Education de l’Enseignement et de la Formation en sciences de l’ingénieur obtenu à l’Université de Bordeaux. « Tout au long de ma carrière, j’ai passé des diplômes en candidat libre, dont le baccalauréat. Donc entre ses diplômes et des VAE (validations des acquis de l’expérience), je pouvais tout à fait prétendre à m’inscrire directement en Master 2 », précise-t-il.

« Leur dire que tout est possible »
Résultat de ses succès: « Depuis 2013, j’enseigne ici. Et je m’éclate ! », lâche-t-il tout sourire. On est loin pourtant des survols de volcans en hélicoptère… « C’est vrai le terrain parfois me manque un peu. Mais aujourd’hui, je peux voir grandir mes enfants, être à la maison tous les jours, c’est un compromis à valeur positive ! Et enseigner, j’aime ça parce que j’ai beaucoup de liberté. C’est passionnant de transmettre, de s’adapter à chaque public. De trouver le moyen de les « accrocher » à ce que vous racontez. » Et, pour lui qui aime le challenge, il est ici quotidien : « Les ados fonctionnent beaucoup aux sentiments, alors c’est un vrai défi pour les mettre à minima au travail. Car, si vu de loin, travailler dans le milieu de l’aviation peut paraître « cool », une fois qu’on y est, c’est du travail à partir de documentation technique, et parfois rédigée en anglais. C’est tout un nouveau langage à apprendre… ce qui est moins « fun » que ça pouvait le paraître au départ. » Son secret pour parvenir au mieux à remplir son défi quotidien : « Passer par le concret, avec beaucoup de TD et de TP, mais il faut aussi être dans la bienveillance. Il faut parvenir à les mettre en confiance, tout en les confrontant à la réalité du métier. En ce qui me concerne, j’aime leur dire que tout est possible. » A voir son parcours, on en est convaincu !

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