Alain Régnier : « Le regard sur les pauvres est de plus en plus dur »


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 26/11/2014 PAR Romain Béteille

Pour apporter un contexte global à son propos, il a d’abord rappelé quelques chiffres : « En 2010, il y avait 1 milliard de personnes qui vivaient dans des bidonvilles. On estime qu’ils seront 2 milliards en 2030. Nous sommes face à un défi démographique sans précédent. Un être humain sur deux vit avec moins de 1,25 dollars par jour. La marchandisation du vivant aura des conséquences sur les conditions sociales, sur les politiques d’assurance ». Au micro, il parle d’un monde de plus en plus complexe sur tous les plans. Juridique, d’abord : « Le journal officiel produit aujourd’hui 80 000 pages de texte par an. Qui les lit ? La loi ALUR à elle seule fait près de 600 pages, et contient 200 décrets d’application ». Sur l’information, ensuite : « Le journal de 20 heures contient 200 infos en 30 minutes. Le spectateur en retient trois. Aujourd’hui, on est saturés d’infos, et on ne prend plus le temps de la réflexion ». Sur l’écosystème, ensuite : « on est en train de le maltraiter, de constituer une dette écologique. On considère qu’à la fin du mois d’août, nous avons déjà fini d’utiliser les réserves d’une année. Le quota carbone n’est rien de plus qu’une indulgence moderne« , déclare ainsi Alain Régnier, qui avoue ne jamais s’être engagé en politique car il ne pouvait pas supporter « les coups de poignard dans le dos ». 

La marchandisation du monde« Le monde vit autour de 3 socles : le politique, l’économique et le social. Quand l’un des 3 prend le pas sur l’autre, ça conduit toujours à des catastrophes comme la théocratie ou les khmers rouges. Aujourd’hui, c’est l’économie qui prend le pas sur le reste : l’état est le problème, le marché est la solution. Or, la poursuite du néolibéralisme à quelque part conduit au 11 septembre 2001« , affirme-t-il sans langue de bois. « La politique a un discours archaïque sur l’immigration. On estime à 200 000 kilomètres l’ensemble des murs construits sur la planète. Mais on aura beau faire tous les murs que l’on veut, si nous n’anticipons pas ces migrations, on continuera de mentir aux gens ». Ainsi, Alain Régnier a clairement opposé le social au marché, en déclarant notamment que « la pensée de marché pousse à la performance, à l’excellence et le regard sur le pauvre est de plus en plus dur. Or, 56% des français pensent qu’ils peuvent un jour devenir SDF ». 

Il souligne également l’apparition de nouvelles formes de précarité, notamment chez les jeunes ou les personnes agées, croisant ce constat avec le fait qu’il y ait 5% de personnes en plus chaque année dans les dispositifs d’aide alimentaires, y compris des jeunes dans les soupes populaires. La politique du logement d’urgence, selon l’ancien délégué, est non seulement inadaptée mais absurde : « Aujourd’hui, on compte 150 000 sans-abris, 6 millions de personnes mal logées dont le tiers sont des enfants. Le dispositif met en place 30 000 nuitées dans des hôtels, pour un coût moyen de 165 millions d’euros. On consacre 40 milliards d’euros en France à la politique du logement, un record en Europe. Le logement n’est pas un bien comme les autres, mais il a été emporté par le marché, ce qui a eu pour conséquence une déconnexion entre le revenu des personnes et le prix des logements, qui sont supérieurs de 50% », affirme-t-il. 

3 scénarios possiblesPour terminer sa réflexion, Alain Régnier oppose en ouverture 3 scénarios possibles, face à une Europe qu’il juge dans une situation « consternante ». La première, la plus pessimiste et celle en laquelle il croit le plus, c’est une « loi du marché en expansion qui donnera de nouvelles formes de radicalités, de violences et de contestations du système, avec une remise en cause de l’Etat providence et de la protection sociale avec des coupes massives. Je vois déjà pointer des orientations politiques qui iront dans ce sens pour la prochaine échéance électorale ». La deuxième piste s’ouvre sur des gouvernements « qui vont continuer à dire qu’ils ne peuvent plus payer, mais vont maintenir ce qu’ils peuvent. De rabot en rabot, c’est le modèle lui-même qui serait atteint avec la création de nouvelles inégalités qui vont continuer à malmener la situation sociale« . Enfin, le troisième scénario semble plus optimiste, avec la création d’un « modèle de réforme heureuse. La société va faire le constat de la vacuité du système. Le pouvoir sera à prendre, autant que la société civile l’investisse et réensemence la politique ». Le point commun entre toutes ces théories ? Une envie de changement et de combat que ne semble jamais avoir abandonné Alain Régnier, malgré plus de 20 ans de combat social : « Il faut sortir de ce dicensus mou, le combattre avec des idées et mettre de la raison dans le débat public. L’autre est un potentiel, pas une menace« . 

Info pratique : pour être tenu au courant des prochaines conférences des « Bruits de la rue », rendez vous sur leur page Facebook. Vous pouvez aussi avoir un résumé des précédentes éditions à cette adresse, découvrir « Solicamp », une autre initiative dont la dernier édition s’est tenue pendant la Semaine Digitale ou lire les tribunes d’Alain Régnier

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