Société | Le CHSCT, "une force de frappe" contre la souffrance au travail
12/12/2014 | L'Observatoire Régional des Risques Psychosociaux au travail en Aquitaine réaffirme, à Bordeaux, le CHSCT comme acteur de prévention du mal être au travail

Souffrance au travail, stress, harcèlement, discrimination sont autant de facteurs pouvant générer de graves troubles, physiques et psychologiques, chez les travailleurs ; de la dépression au suicide, en passant par le burn out.... Une journée d'étude organisée par l'Observatoire Régional des Risques PsychoSociaux en Aquitaine est venue se consacrer à cette question des risques psychosociaux (RPS) et de leur prévention, en interrogeant de manière pluridisciplinaire le rôle des CHSCT (Comités Hygiène Sécurité et Condition de Travail) en entreprises. Une structure actuellement remise en cause par divers syndicats patronaux.
Depuis le début des années 2000, ils sont nombreux, chercheurs et professionnels, à s'être emparés de la question des risques psychosociaux (RPS) au travail. Des travaux jusque-là menés de manière morcelée que l'Observatoire Régional des Risques PsychoSociaux au travail en Aquitaine (ORPPSA) créé en 2011 permet désormais de structurer et de fédérer par une approche interdisciplinaire entre droit, psychologie, médecine du travail, ergonomie, hygiène, sécurité, environnement, etc. Un observatoire, unique en France, créé au sein du Centre de Droit Comparé du Travail et de la Sécurité Sociale, qui, organise chaque année une journée d'études sur le thème de ces RPS. C'est dans ce cadre que ce 4 décembre, chercheurs et acteurs de terrain ont échangé sur les forces et faiblesses des CHSCT en tant qu'acteurs de la prévention des RPS.
"Mettre en lumière le travail réel"Parmi ses forces, Yves Bongiorno, conseiller confédéral CGT et Pierre-Yves Verkindt, professeur de droit privé à l'Université Paris 1, intervenants de la matinée, ont tous deux soulignés, la capacité d'action relativement forte du CHSCT : visites d'inspection, obligation d'information de la part de l'employeur, capacité du comité à intervenir en cas de risque majeur... Une « force de frappe » d'autant plus utile que le CHCST, de par sa proximité, permet de «mettre en lumière le travail réel tel qu'il est pratiqué par les employés au jour le jour, en s'adaptant à des imprévus, en prenant des initiatives, etc... pour justement accomplir la mission confiée». Une capacité à prendre en compte le travail non pas tel qu'il est décrit sur une fiche de poste, mais bien dans sa pratique quotidienne dans l'environnement d'une entreprise donnée par un salarié donné. Le présupposé étant que c'est seulement au regard de la réalité du travail que l'on pourra mesurer la réalité des risques pour le salariés qui l'accomplit. Une proximité du CHSCT qui se fait «par l'écoute et l'échange direct avec le salarié de l'entreprise », insistent les intervenants.
Par conséquent, selon eux, les demandes portées par le Modef sur la suppression du CHSCT au profit d'un seul et unique « conseil d'entreprise » qui réunirait l'ensemble des structures syndicales et de représentation du personnel de l'entreprise serait «une catastrophe, tant pour les salariés que pour l'entreprise elle-même», souligne Yves Bongiorno. Une décision qui viendrait selon eux, éloigner le CHSCT des salariés, or «plus on éloigne le CHSCT, plus on se base sur la vision prescriptive de ce qu'est censé être le travail, et donc on passe à côté du travail réel et des risques que celui-ci peut potentiellement engendrés ».
"Un effort qualitatif et quantitatif sur la formation"Les intervenants, largement soutenus par leur audience, dénoncent non seulement cette suggestion du patronat, mais suggèrent même à l'inverse, quelques pistes d'amélioration de cette structure pour une meilleure écoute des salariés. Parmi ces pistes, «il faut faire un effort qualitatif et quantitatif de formation des délégués du personnel qui y siègent» ou encore passer de la désignation de ces délégués à leur élections par les salariés, «une manière de mobiliser l'ensemble de l'entreprise sur la question des RPS».
Enfin, constatant que seules les entreprises d'au moins 50 salariés ont l'obligation légale de mettre en place un CHSCT, ils encouragent à la réflexion pour «créer des outils de proximité» au sein des entreprises de plus petites tailles, voire d'imaginer «un rôle particulier en la matière des grands donneurs d'ordre auprès des activités des sous-traitants». Objectif constant: qu'un plus grand nombre de salariés puissent bénéficier d'une veille active sur les questions de santé au travail.
Par Solène Méric
Crédit Photo : Aqui.fr