Comment parler aux jeunes de santé ?


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 26/09/2019 PAR Sybille Rousseau

« La santé des jeunes est un défi ! » Eric Le Grand est sociologue et professeur affilié à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP). Ce fut également l’animateur de la première table-ronde portant sur « Comment communiquer et intervenir efficacement auprès des jeunes en matière de santé ? » qui s’est tenue le 26 septembre au matin, à l’Athénée municipal de Bordeaux, dans le cadre des Rencontres régionales de santé publique.
Pour ce dernier, « les jeunes ont des choses à dire sur la santé. Pour eux, il n’existe pas de tabou et ils détiennent un fort degré de connaissance en la matière. » Pour le sociologue, et d’après des études menées auprès de 400 jeunes, les campagnes de communication ne sont pas efficaces pour différentes raisons. « En matière de prévention, les jeunes se trouvent stigmatisés. Quand on parle de jeunes et de santé, on parle de cigarette, d’alcool et de sexe. Or, ils nous ont bien expliqué qu’ils ne buvaient pas, ne fumaient pas et ne baisaient pas tout le temps ! Nous devons donc adopter une autre approche. Il nous faut changer notre vision de la jeunesse. » Le risque est qu’ils n’aient plus confiance dans les acteurs du territoire et qu’ils ne se rendent plus dans les structures qui leur sont dédiées. « Les jeunes doivent être pris dans leur globalité car ils représentent une très grande diversité. »
Durant son introduction, Éric Le Grand a souhaité mettre l’accent également sur les engagements des jeunes d’aujourd’hui. « Certes, ils se désengagent des formes classiques de représentations, mais lorsque prédomine une question centrale, ce sont eux qui s’y engagent avant nous tous exemple avec l’environnement ou encore la précarité menstruelle ». Le numérique et l’omniprésence des réseaux sociaux sont également des éléments à ne pas négliger dans la mise en place d’une nouvelle communication avec les jeunes. « En effet, l’espace numérique est devenu un véritable lieu d’apprentissage. Il n’est pas que démoniaque. Travailler sur l’identité sociale par ce biais est donc indispensable. »

Eric LE GRAND, Daniel HABOLD, Philippe CASTERA, Céline TURCOT, Elisabeth DEVAINE, Selim KANCAL, Pierre ARWIDSON, François ALLA


Des données probantes
Aujourd’hui, aux quatre coins de l’hexagone, près de 20 000 actions liées à la santé des jeunes ont été mises en place. « Mais il est très compliqué d’analyser les résultats de ces interventions, déplore François Alla, professeur de santé publique à l’Université de Bordeaux/ISPED, alors que la santé chez les jeunes est un véritable sujet de recherche ! Aujourd’hui, moins de cinq travaux de recherche sur cette thématique sont financés. Or, nous avons besoin de collecter des données afin que les politiques fondent leur action sur des données probantes ». Même son de cloche du côté de Pierre Arwidson, responsable du département environnement, populations et cycles de vie à Santé publique France. « Vu que nous n’avons pas les moyens d’évaluer toutes ces interventions, servons-nous des outils qui ont déjà été évalués et déterminés comme probants ». En prenant la parole Daniel Habold, directeur de la santé publique à l’ARS Nouvelle-Aquitaine a tenu à rappeler qu’il ne fallait pas oublier la cible. « Pensons à notre public, les jeunes, afin d’éviter l’échec d’une intervention. Ces derniers sont hyper sensibles, prenons cette donnée en compte ». Selim Kancal, chef de pôle à la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale pense qu’il faudrait « des personnes ressource sur le territoire, bien identifiées comme acteur de la santé afin que les jeunes se dirigent automatiquement vers eux. » Elisabeth Devaine, infirmière conseillère technique du Recteur du Limousin souligne que « l’éducation et la santé sont interdépendantes. A l’Education nationale, nous avons une approche globale et systémique. Le jeune est au cœur du projet. Une action ponctuelle de santé publique est bien entendu inefficace. Je pense qu’il est souhaitable de construire un véritable projet, ce qui se passe du reste dans certains établissements scolaires. Et nous devons y associer les jeunes pour qu’ils soient acteurs, ressources mais aussi référents ».

Des projets à adapter
Philippe Castera, coordinateur médical chez AGIR 33, lui déplore les opérations « one shot » dans les établissements scolaires. « Une intervention va durer une matinée, puis plus rien. Elle ne va pas s’inscrire dans la durée et c’est dommage car son efficacité ne peut pas être optimale. Mais certainement des actions du même type existent ailleurs et sont inscrites davantage dans la durée afin de suivre le jeune sur plusieurs mois. Il faut s’en inspirer ! » Et pour connaître les actions probantes « nous devrions mettre en place un centre de ressources qui compile toutes ces données afin de piocher des idées lorsque nous en avons besoin », ajoute Pierre Arwidson. Pour Céline Turcot de l’IREPS Nouvelle-Aquitaine, l’instance régionale d’éducation et de promotion de la santé pour tous, « ces données probantes sont une plus-value. L’idée n’est pas de reprendre un projet et de faire copier-coller mais bien de s’en inspirer et de le remodeler pour coller au mieux à son public et à son territoire ». Et c’est bien là aussi tout l’enjeu d’une communication efficace, « connaître et comprendre l’environnement dans lequel ces jeunes évoluent mais aussi leur montrer leur utilité sociale et leur impact. Et à partir de ce moment-là, nous mettons toutes les chances de notre côté pour avoir un langage commun, un partage ». Même discours du côté de François Alla. « L’adaptation est primordiale ! Un projet qui marche à un endroit doit être réadapté, recontextualisé pour un autre lieu. En effet, pourquoi parler de nutrition et d’alimentation variée dans un établissement où les parents des jeunes n’ont pas les moyens de bien se nourrir. C’est incohérent ! Ou encore, pourquoi parler d’hygiène dans un établissement qui ne fournit pas de savon pour se laver les mains ! Aujourd’hui donc nous devons retravailler nos stratégies d’actions. »

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