Commission de surendettement : l’art du contraste


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 08/02/2018 PAR Romain Béteille

Inversion des valeurs

La hausse s’est donc transformée en baisse. Si, depuis quelques années, la hausse du nombre de dossiers de surendemment déposés était moins importante, le dernier rapport d’activité de la Commission de surendettement de la Gironde l’atteste : avec 4562 dossiers déposés, on constate une diminution de 4,2% (même si elle est moins importante que les -6,7% du niveau national). Quasiment 94% de ces dossiers ont été déclarés recevables et plus de 42% orientés vers une recommandation d’effacement des dettes, ce qu’on appelle une « Procédure de Rétablissement Personnel » ou PRP). Même s’il est encore bien trop tôt pour en constater les effets, la loi de modernisation de la justice (ayant supprimé l’homologation par le juge d’instance des recommandations prises par les commissions de surendettement depuis le 1er janvier 2018) suit une tendance de fond d’accélération de la procédure, déjà constatée depuis 2010 et la loi Lagarde.

« On a eu un pic en 2010, ça ne fait que décroître depuis parce que l’encadrement du crédit à la consommation se fait beaucoup mieux, on demande aux établissement de crédits davantage de diligences dans l’octroi de ce type de crédits », affirme David Duriez, reponsable du service particuliers à la Banque de France. Ces derniers ont en effet atteint leur plus bas niveau historique en France au quatrième trimestre 2017 : 6,56%. « On essaie aussi de limiter les redépôts de dossiers, toutes les évolutions législatives sont faites pour que l’on traite une situation de surendettement et qu’on ne la revoit pas dans le futur, d’où les cas d’effacements des dettes. Si on fait un plan sur 24 mois, on prend le risque que la situation de la personne concernée évolue (naissance, accident) nécessitant qu’un dossier soit à nouveau déposé ». Cet effacement des dettes, de l’ordre de 35,88% au niveau départemental, est loin d’être négligeable : même s’il a diminué de trois points, il représente toujours plus d’un cas sur trois. 

Profil type

Mais le diable est dans les détails : si la tendance globale du nombre de dossiers est bien en baisse, le constat est grandement nuancé lorsqu’on met le nez dans les comptes. En examinant le profil sociodémographique établi par la Banque de France pour l’année 2017 au niveau départemental, on tire plusieurs enseignements, en commençant par celui du « profil type ». En Gironde, 57% des personnes concernées par le dépôt d’un dossier n’ont aucune personne à charge, et le même pourcentage sont de sexe féminin. 49% des personnes en situation de surendettement vivent en couple (28,7% sont divorcées ou séparées, 18,30% célibataires). Elles sont majoritairement âgées de 25 à 54 ans (72,3%) et locataires (76,8% contre 72,9% en Nouvelle Aquitaine et 75,80% en national). Alors même que les crédits à la consommation sont revus à la baisse dans le volume de cas traités (même s’il se présente toujours dans 82,8% des cas), la dette immobilière a tendance à se creuser. 

Si elle ne concerne que 12,6% des dossiers soumis, sa part dans l’endettement global s’établit à 30,80%, la où le crédit à la consommation plafonne à 38,10%. En clair : l’écart se resserre, sans doute par effet de la mise en application en 2016 de la loi sur la consommation réduisant la durée maximale des plans de redressement à sept ans. « Si on veut faire rembourser l’endettement sur quinze, vingt, trente ans, on a la possibilité légale de le faire. Les propriétaires immobiliers ont moins de réticences à déposer des dossiers de surendettement que ce qu’ils n’avaient par le passé », rajoute David Duriez. « L’esprit de la loi reste de préserver la personne dans son logement, qu’elle soit locataire ou propriétaire, et la loi consommation fait qu’on peut déborder sur cette durée de sept ans, ce qui explique pourquoi la part des crédits immobiliers augmente ». Reste que les dettes rencontrées sont en majorité classées dans le volet « financier » (88,40%). 

Des profils plus précaires

Autre phénomène qui a tendance à s’accentuer : celui des travailleurs pauvres. En Gironde, 31,3% des personnes surendettées sont en CDI (contre 26,5% en Nouvelle Aquitaine et 28,3% au niveau national), soit un pourcentage plus important que les chômeurs (27,6%). Plus parlant encore : 78,4% des ménages surendettés ont des ressources inférieures à 2088 euros et 28,50% gagnent en dessous du SMIC. Dans 79,2% des cas, les charges courantes font partie des dossiers de surendettement déposés. En clair, ça signifie que le motif des dettes, tout comme son montant, se déplace, comme nous l’avions déjà constaté en 2016. « On voit de plus en plus de dossiers plus compliqués, des situations plus précaires », confirme David Duriez. « On parle de gens qui, quelquefois, sont carrément exclues du circuit bancaire, n’ont aucun crédit à la consommation et n’ont que des dettes de charges courantes. C’est donc des personnes qui ont du mal à finir leurs fins de mois, n’arrivent pas à payer leurs charges ou leur loyer ». Ceux dont les ressources sont moins importantes que les charges en subissent les conséquences directes, et même s’ils bénéficient d’une procédure d’effacement sans réelle sanction, leur fichage pour cinq ans en est une.

« Environ 85% des gens sont des surendettés passifs, qui ont subi un accident de la vie qui les a menés à cette situation de surendettement. Un dossier sur deux n’est pas en mesure de dégager la moindre capacité de remboursement ». Le montant de l’endettement moyen, lui aussi, se creuse : alors que sa valeur se situait à 40 993 euros pour le rapport de l’année 2015, ce dernier passe à 46 326 euros en 2017 (une hausse expliquée en partie par les « arriérés de charges courantes ») pour un montant total dépassant les 197 millions d’euros. « La partie dette immobilière (113 770 euros) fait toujours augmenter le curseur » selon David Duriez, et le taux de crédit immobilier à la baisse en février ne pèse pas lourd face à des prix qui grimpent. Seul point « positif » de l’équation : de plus en plus de personnes surendettées sont accompagnées (notamment par des travailleurs sociaux comme à l’Atelier Budgétaire par exemple) dans leurs démarches, ce qui rend les procédures plus accessibles. Ce dernier constat est cependant bien maigre face à la tendance de fond : la fragilité sociale a remplacé, dans beaucoup de cas, la spirale de la surconsommation de crédits. Les différentes mesures prises au niveau national semblent pourtant porter leur fruits, au moins dans le nombre de traitements : si 181 123 dossiers ont été transmis auprès des commission de surendettement en 2017, on en comptait 230 935 en 2014. 

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