Desertification médicale : un nouveau zonage qui rebat les cartes


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 30/07/2018 PAR Romain Béteille

Nouvel indicateur

Après avoir adopté, le 17 juillet dernier, son nouveau Projet Régional de Santé, l’ARS (Agence Régionale de Santé) de Nouvelle-Aquitaine a dévoilé le 23 juillet dernier le nouveau dispositif de zonage pour les médecins sur les douze départements de la région, après avoir reçu un avis favorable de la CRSA (Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie). On peut tirer plusieurs informations importantes de cette nouvelle cartographie, en premier lieu dans le renouvellement de sa méthode. En effet, l’ARS a dégainé un nouvel indicateur au doux nom d’APL (pour Accessibilité Potentielle Localisée…). Samuel Pratmarty, directeur de l’offre de soins et de l’autonomie à l’ARS Nouvelle-Aquitaine, nous en dit plus : « cet indicateur permet de mesurer de manière objective et transparente l’offre de soin en médecins généralistes disponibles dans un secteur donné. C’est un indicateur qui tient compte à la fois du nombre de médecins, de l’activité des médecins en question (nombre de consultations par an) et de la structure d’âge de la population pour tenir compte des différents besoins entre les plus jeunes et les plus âgés. C’est un outil récent permettant de mieux mesurer la situation par rapport aux outils qui existaient précédemment ». Il est donc élaboré en tenant compte « des besoins exprimés par la population » ou encore les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste, des critères préférant oublier les débats ayant animé les rangs des députés en janvier autour de la limitation des installations de médecins.

Nouvelles zones

Non, ici, on préfère parler en zones. Deux catégories de zones sont identifiées, autant au niveau national que régional. Les premières zones s’appellent ZIP ou Zone d’Intervention Prioritaire et représentent, comme le précise l’ARS, « les territoires les plus durement touchés par le manque de médecins ». On peut par exemple citer le nord de la Corrèze, du Lot-et-Garonne et de la Creuse, Les Deux-Sèvres (Mauléon, Cerizey et Nueil les Aubiers sont, par exemple, trois communes accolées situées en ZIP), l’est et l’ouest de la Charente, la Haute-Vienne ou encore le nord et le sud de la Dordogne. « Toute la Région est concernée dans des proportions différentes », tient à souligner Samuel Pratmarty. « Il y a effectivement un certain nombre de départements dans lesquels la situation est plus délicate que dans d’autres comme la Dordogne, la Creuse, la Corrèze, les Deux-Sèvres ou le Lot-et-Garonne. C’est un peu moins le cas en Gironde bien qu’il y ait tout de même quelques zones en difficulté. Ce zonage concerne principalement les zones rurales, du moins excentrées des villes, mais pas exclusivement : il y a des zones urbaines où l’on rencontre des difficultés comme à Guéret dans le Creuse. Dans la commune même, il y a moins de difficultés, mais il y en a dans les environs immédiats ».

Zonage médecins ARS

« En moyenne », continue le responsable, « il y a une augmentation importante du nombre de territoires qui peuvent bénéficier des aides conventionnelles. Au niveau de la Région Nouvelle-Aquitaine, on passe de 7% à 10,8% de la population couverte par ces aides (en ZIP), aides dont le niveau a en même temps augmenté ». Car cette nouvelle cartographie ne sert pas uniquement, bien entendu, à colorier des zones en rouge sur une carte : de la classification des communes dans chaque département dépend le montant des aides attribuées pour favoriser l’installation des médecins.

Pour les ZIP, on parle des dispositifs conventionnels d’aide à l’installation et au maintien de l’assurance maladie (contrats comme le CAIM ou CSTM pour Contrat de Solidarité Territoriale Médecin), exonération fiscale sur les revenus de permanence de soins ambulatoires, mesure d’engagement de l’ARS comme le CESP ou Contrat d’Engagement Service Public et des aides des collectivités locales, une aide financière de 1200 euros  sous forme de bourse pour de futurs médecins en échange d’une volonté d’installation dans une zone en désestification médicale pendant au moins deux ans (les députés souhaitent d’ailleurs porter cette aide à 1500 euros) Pour les ZAC (Zones d’Action Complémentaires), seules les aides de l’ADEME et des collectivités locales sont maintenues. En tout, les deux zones cumulées représentent 54% de la population de Nouvelle-Aquitaine : 10,8% en ZIP et 43,2% en ZAC. Et pour les 46% restants ? « Dans les zones qui ne sont pas couvertes par le zonage, il n’y a pas de possiblité d’attribuer ni les aides conventionnelles de l’assurance maladie ni celles du Pacte Territoire Santé. En revanche, toutes les autres catégories d’aides peuvent être attribuées, par exemple des aides au financement des maisons de santé pluridisciplinaires, nous continuerons d’allouer des aides dans ces zones », précise Samuel Pratmarty.

Nouveaux débats

C’est qu’au vu du coût de l’opération, mieux vaut miser sur les chevaux les plus en difficulté. « Des médecins qui hésitaient à venir s’intaller seront désormais incités à le faire en bénéficiant des aides en question. Il peut donc y avoir un effet immédiat qu’il est difficile de mesurer à ce stade mais ça peut faire basculer le choix des médecins qui hésitaient dans le bon sens. (…) On mesure régulièrement l’évolution des effectifs de médecins, on espère que ça va permettre un déclic à l’installation dans ces zones. On constate globalement que ça marche, même si le niveau des aides n’est évidemment pas le seul facteur pour les médecins qui souhaiteraient s’installer : la qualité de l’environnement, la difficulté pour leur conjoint de trouver un travail font partie des éléments », termine le responsable de l’ARS. Il est sûr que les aides financières ne sont pas les seules capables de faire pencher la balance.

Pourtant, c’est bien elles, et surtout leur coût, qui ont été dénoncés ce jeudi 26 juillet par un rapport parlementaire pas vraiment tendre sur la question : des parlementaires y dénoncent un coût trop élevé de ces aides (225 millions d’euros par an) par rapport aux bénéfices qu’elles apportent. Le rapport, qui ne propose pour autant pas leur supression, en critique les « effets d’aubaine » par l’intermédiaire de son rapporteur, le député Philippe Vigier (UDI). « Les dispositifs incitatifs, qui ont fait la preuve de leur insuffisance, s’avèrent en outre coûteux », ajoute-t-il. En plus d’une augmentation du CESP, le rapport propose également une exonération des médecins en cumul emploi-retraite de toutes les cotisations à l’assurance vieillesse. Et pour lutter contre le manque de médecins, il est conseiller d’autoriser les pharmaciens et les infirmières à vacciner et à prescrire certains traitements. En attendant de savoir si ces souhaits seront ou non pris en compte, le nouveau zonage va, globalement, porter cette politique d’aides (et les territoires devant en bénéficier) à la hausse : 18% de la population contre 7% précédemment.

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