Edwy Plenel : « MediaPart va bousculer les pratiques journalistiques de l’ancien monde »


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Publication PUBLIÉ LE 03/03/2008 PAR Nicolas César

« Nous avons décidé de faire un tour de France, car nous ne souhaitons pas faire un média parisien. Nous voulons sortir de ce monde très clos, fermé, qui pèse sur la vie de notre pays ». Le ton est donné. Sans langue de bois, Edwy Plenel, un des inspirateurs du projet Mediapart s’est montré très critique, ce midi au Club de la presse de Bordeaux, envers la presse « traditionnelle » d’information générale. Celui qui fut directeur de la rédaction du Monde, avant de démissionner en 2004, se dit scandalisé qu’il y ait aujourd’hui autant de conflits d’intérêts entre les patrons de presse et le pouvoir politique en place. « Nous sommes dans une République bananière. Et tous ces conflits d’intérêts ridiculisent notre presse à l’étranger » s’insurge Edwy Plenel. Résultat, depuis 5 ans, la presse d’information générale perd des lecteurs chaque année, à de rares exceptions près (La Croix, Le Parisien) et de l’argent. Les plans sociaux (Les Echos, Le Progrès, Le Figaro…) se multiplient. Une crise d’autant plus inquiétante, que la presse d’information générale est un « véritable poumon de notre démocratie » rappelle Edwy Plenel.

« Nous vivons une révolution industrielle »

Avec lui, une trentaine de journalistes issus pour la plupart de la presse écrite (Le Monde, Libération, Les Echos, Le Figaro, AFP…), ont donc démissionné de leurs postes « confortables » et pris le risque de se lancer dans l’aventure MediaPart. Ceci étant, « nous n’allons pas réinventer le journalisme, simplement défendre les valeurs de notre métier, en proposant à nos lecteurs un agenda autonome, vis-à-vis du pouvoir » souligne Edwy Plenel. Le site s’est déjà fait connaître à travers quelques révélations sur l’affaire Clearstream. Le choix du support Internet s’est imposé naturellement. « Avec Internet, nous vivons une révolution industrielle, semblable à celle du début de la presse papier (1870). » analyse t-il. Et si certains dans la profession se sont inquiétés de l’éclosion des « journalistes citoyens », Edwy Plenel y voit, au contraire une bonne chose. « Eux donnent une opinion, nous, notre métier est d’informer. » Il entend d’ailleurs créer un Club MediaPart, où chacun pourra s’exprimer et apporter sa contribution. MediaPart sera ainsi une plate-forme de blogs. « Si quelqu’un veut faire son édition de Bordeaux avec 4 personnes pour traiter d’un sujet, ce sera possible. » La rédaction n’exercera un contrôle qu’a posteriori. « Je crois à l’auto-régulation » indique t-il. Par ailleurs, MediaPart se veut un lieu de savoirs. « Les historiens seront présents sur notre site » promet Edwy Plenel. Un site, qui utilisera toutes les potentialités d’Internet (vidéo, liens hypertextes pour approfondir les articles…). Enfin, MediaPart proposera trois fois par jour un « digest » de l’actualité à ses adhérents, aujourd’hui « noyés dans une masse d’information. »

« La gratuité est un leurre »

Alors, que tous les sites d’information en ligne ont choisi la gratuité (Rue 89…), MediaPart sera payant, moyennant 9 euros (5 euros pour les – de 25 ans et les chômeurs). « La gratuité est un leurre. Bolloré dépense à pertes avec Direct Soir, juste pour occuper les tuyaux. Metro annonce une année de pertes (Metro était le seul quotidien gratuit rentable en 2007, ndlr). Il y aura de la casse. », avertit Edwy Plenel. Pour lui, ce modèle économique, uniquement fondé sur la publicité n’est pas pérenne. « L’illusion, qu’un gratuit peut être de qualité ne durera pas » ajoute t-il. Il souligne, au passage, que malgré ses 500 000 visiteurs par mois, Rue 89 ne parvient à décrocher que 40 000 euros de publicité… Avec un budget de 3,7 millions d’euros, MediaPart peut vivre deux ans. Pour l’heure, 3 000 personnes se sont pré-abonnées au site. « L’objectif est d’atteindre les 5 000 personnes d’ici fin mars et les 25 000 à la fin de l’année » précise Edwy Plenel. Pour atteindre l’équilibre financier, MediaPart devra séduire 65 000 abonnés d’ici 3 ans.

MediaPart, une société à but non lucratif ?

Edwy Plenel clame que le but de MediaPart n’est pas « de faire de l’argent, d’avoir des marges de 15%, mais simplement d’informer le citoyen ». Ainsi, il n’hésite pas à déclarer que si leur projet rencontre le succès escompté, ils se constitueront, avec son équipe, en société à but non lucratif. « Un bon journal est fait pour déranger ses lecteurs. J’ai bousculé un certain journalisme de gouvernement au Monde. J’entends désormais bousculer un journalisme du vieux Monde avec MediaPart » conclut Edwy Plenel.

Nicolas César


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