Interview – Françoise Jeanson: La Nouvelle Aquitaine face au grand chantier de la Silver Economie


Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine
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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 08/12/2017 PAR Joël AUBERT

@qui! : Françoise Jeanson, au début de l’année la Nouvelle-Aquitaine qui abrite deux des anciennes régions labellisées « Silver Région » ( Aquitaine et Limousin) , et est à la pointe de la réflexion sur la Silver Economie et sur ce qu’on appelle l’E-Santé, se donnait une feuille de route. Où en est-on au terme de 2017 ?

Françoise Jeanson – Nous avançons sur plusieurs sujets. D’abord sur ce qui est un gros mot, la structuration de la filière, parce que c’est important que les acteurs puissent être soutenus par un certain nombre d’outils. Sur cette structuration de la filière, nous avions un acteur important, Autonom’Lab (1). Il y en a d’autres et, déjà, des groupes de travail en Nouvelle-Aquitaine.

Nous n’avons pas achevé cette structuration parce que c’est quelque chose de compliqué; les enjeux sont nombreux et il nous a fallu le temps d’explorer tout cela, en profondeur. Nous sommes en train de travailler avec Autonom’Lab et un cabinet qui nous aide à définir les orientations que nous donnerons à Autonom’Lab dont le cœur de métier est de se pencher sur les tests d’usage à domicile. Un test d’usage, c’est lorsqu’il y a une innovation, un nouvel outil qui va par exemple détecter les présences et éclairer sur le passage des gens, un robot. Ce sont des outils et des technologies qui naissent en entreprise; elles peuvent avoir l’air extrêmement utiles et pour autant se révéler totalement inadaptées, ou pas tout à fait adaptées, lorsqu’on essaie de les utiliser, au quotidien. C’est pour cela qu’il faut que tous ces outils soient testés chez des personnes qui vont les utiliser dans la vie réelle. Cela permet de les adapter aux besoins de celles-ci parce que fabriquer des outils cela coûte très cher. S’ils n’étaient utilisés par personne cela serait un échec, à la fois pour l’entreprise, pour la région et pour les personnes.

@qui! –  : Vous parlez d’enjeux : ils sont très divers et importants : humains, économiques, sociaux, politique…

F.J : Tout à fait ! Nous avons deux types de tests d’usage possibles. Cela peut être des tests d’usage dans un laboratoire, ça ça va être la société Qualipsy, une association qui fait du test dans un grand laboratoire dans lequel on reproduit un domicile, où des caméras vont examiner les gens pendant qu’ils utilisent les produits. L’autre type d’usage c’est à domicile, et là, par exemple, on va placer un robot. Cela se fait aussi avec Autonom’Lab; on met l’outil au domicile de la personne et ensuite on examine comment elle s’en sert. Elle dira, elle, si c’est utile ou pas, si au bout de trois jours elle l’a mis dans un placard ou, au contraire, si elle s’en sert, de plus en plus. On le fait aussi avec le service de soins à domicile de Bagatelle.

C’est le métier de base d’Autonom’Lab de faire cela mais cela se fait ailleurs, dans beaucoup d’endroits. Dans le Sud Gironde, il y a un Autonom’Lab avec une application qui permet de mettre les gens en lien, les uns avec les autres, de sorte que lorsque quelque chose commence à aller moins bien, la personne, à son domicile, puisse prévenir sa famille, son aidant.

Nous avons besoin de réfléchir ensemble. Non seulement les usagers, et parmi eux il ne faut jamais oublier qu’il y a tous ceux qui avancent en âge, mais aussi leurs aidants à qui il faut penser à ce qui peut leur être utile. Et, bien sûr les entreprises, les universitaires ou les chercheurs, beaucoup d’ailleurs en sciences humaines et sociales, les collectivités locales qui vont financer les expérimentations. Il faut mettre tout ce monde là autour de la table et les différentes associations, les représentants des usagers.

Le projet d’un Gérontopôle…

@qui! – : A vous entendre, en effet, on comprend mieux que le mot structuration prend tout son sens. Et, en même temps, apparaît une autre dimension, l’idée que naisse un cluster dont parlait Alain Rousset lors du lancement de la feuille de route pour accompagner le développement, notamment des PME…

F.J : Il existe quasiment déjà. Des groupes de travail existaient en Aquitaine que nous étendons à l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine; ils sont soutenus par un acteur incontournable qui est ADI ( Agence de Développement et d’Innovation) et des groupes de travail thématiques. Dans notre grande région nous avons la chance d’avoir des universitaires qui se sont penchés sur la question. Des universitaires mais aussi des médecins, que ce soit au CHU de Bordeaux, à l’Université de Bordeaux, à Limoges et à Poitiers…des professionnels de santé et des chercheurs de tous ordres.

Nous sommes en train, avec eux, de réfléchir à la création d’un Gérontopôle qui permettrait de rassembler le volet recherche, de la Silver Economie et du vieillissement. Nous avons un tel terreau que le Gérontopôle pourra effectivement être fédérateur.

Quant à l’appui aux entreprises, dès qu’on voit une entreprise qui fait de la « Silver Economie », elle est aidée dans le cadre des aides de la région. Le fait d’avoir organisé ce service dans la région, un service Santé et Silver Economie, facilite les prises en compte. Nous avons, ici, une particularité par rapport à d’autres régions; nous ne prenons pas la Silver Economie que dans le champ de la santé. Des tas d’entreprises sont tournées vers la santé mais il n’y a pas que cela. On l’envisage vraiment à la fois sur la question des transports, de l’aménagement des domiciles. Nous avons la chance d’avoir, en Limousin, le CNISAM (Centre National d’Innovation Silver Economie Autonomie et Métiers ). C’est un pôle national qui travaille beaucoup à la formation des artisans pour l’installation à domicile des solutions qui facilitent le bien vieillir : les fauteuils, les fauteuils qui peuvent monter les escaliers, des prises un peu particulières…

@qui! –  : En amont des réalisations, il faut prendre en compte toutes les dimensions …

F.J : La dimension domicile va tout intégrer, c’est-à-dire comment est-ce qu’on aménage le domicile et il faut savoir le faire. Il n’y a pas qu’enlever les tapis ! Il y a aussi les transports. Comment est-ce qu’on fait pour que les gens soient moins isolés et qu’ils puissent être transportés ?… Qu’ils aient des loisirs et pas simplement que les personnes âgées doivent avoir accès à un professionnel de santé.

Des référents dans les collectivités

@qui! –  : Donc ce qui a été dit au départ de ce « patrimoine » existant entre l’entreprise, la recherche est très favorable à ce qu’on crée quelque chose de très innovant…

F.J : Nous avons tout le patrimoine pour le faire. Le tout est d’arriver à mettre ensemble tous les acteurs : par exemple avec La Poste nous sommes en train de lancer un partenariat. Les facteurs peuvent maintenant, sur demande, aller rendre régulièrement des petits services à des personnes à domicile. L’un des enjeux est d’amener toutes ces innovations, un peu partout sur le territoire. Dans les groupes de travail que l’on avait lancés avec la feuille de route, il y a un certain nombre de sujets qui sont ressortis comme, par exemple, le fait d’avoir des référents « Silver Economie » dans les collectivités. On s’aperçoit qu’en fait les personnes qui avancent en âge, il faut très souvent attendre qu’il y ait un accident pour qu’elles adaptent leur domicile ou leur façon de vivre ; elles ne savent pas à qui s’adresser, elles ne savent pas ce qui existe, les prix, les aides. Nous avons un travail à faire pour que dans toutes les collectivités de la région, il y ait des référents qui soient en capacité d’orienter les personnes, de les aider. C’est une idée qui a émergé et qui est vraiment demandée fortement parce que la « Silver » c’est dans tous les villages, cela touche tout le monde. Nous sommes inclus, aussi, dans des projets européens au niveau des TIC notamment et travaillons avec plusieurs pays, en particulier le Portugal, le Pays Basque. Le fait aussi de travailler avec des régions dans toute l’Europe permet de faire naître des idées partout et, surtout, de confronter notre façon de voir avec l’avancée des autres pays.

@qui! – : Il y a des pays qui sont beaucoup moins avancés que nous dans ce secteur, comme la Chine, des pays qui ont tendance à vieillir. Des pays où des entreprises peuvent sans doute, demain, exporter des savoir-faire, des techniques, des outils.

F.J : Effectivement, les chinois sont venus il n’y a pas très longtemps, auxquels on a présenté des entreprises. Ils sont extrêmement intéressés ; ils souhaitent revenir très bientôt pour voir aussi comment nous travaillons la question de l’aide à domicile, comment nous formons les gens et, également, comment on les finance. L’enjeu pour nous, maintenant, c’est d’aider les entreprises à aller sur ces marchés internationaux. Cela nécessite une structuration spécifique et de voir entre la CCI et la Région comment on aide les entreprises ; en effet c’est aussi un volet important de notre politique industrielle.

1. pôle d’innovation  en santé et autonomie des personnes, destiné à favoriser l’émergence de projets et de solutions innovantes pour l’autonomie des personnes. Né sous forme associative en 2010 en Limousin, il a été structuré sous forme de Groupement d’Intérêt Public en 2015, avec un partenariat collaboratif des principaux acteurs du territoire Limousin.

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