Interview: Xavier Lacarce: le rugby a changé de nature


Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 15/12/2018 PAR Olivier Darrioumerle

@qui! Est-ce que le rugby est devenu violent ?
Xavier Lacarce – Tout le monde semble tomber des nues, comme si la violence dans le rugby était un phénomène nouveau. La percussion, comme l’évitement, fait partie du jeu. Les coups pendables sous la mêlée ont toujours existé. N’oublions pas qu’il y avait des morts sur le terrain dans les années 20, et que la France a été bannie du Tournoi des cinq nations dans les années 30. La violence dans le rugby est un vieux problème. La vraie question à se poser est celle de l’évolution de ce sport. La matrice de la violence est en recrudescence. Et il faut bien reconnaître que l’évitement à du plomb dans l’aile !

@qui! Vous pointiez, il y dix ans, une évolution du sport «vers l’hyperrugby ». Cette tendance se confirme ?

X.L – On m’a reproché d’idéaliser les valeurs du rugby d’antan. Je ne pense pas qu’avant, les joueurs étaient formidables et exempts de violence. Mais, je dis qu’il y avait une corrélation avec l’éducation. Aujourd’hui, on offre un grand show de gladiateurs. Le rugby a changé de nature. Certains de ses aspects se sont radicalisés. Il y avait des gros et des petits, du contact et de l’évitement. Il n’y a plus que des gros qui se rentrent dedans. Le rugby est devenu unidimensionnel. Et nous applaudissons le spectacle. Il y a dix ans, on se pâmait devant la puissance de Chabal. Aujourd’hui, on fait mine de découvrir la violence du rugby après les décès de jeunes joueurs sur le terrain. Mais, ce week-end, tout le monde sera devant la télé, fasciné par la puissance d’un tel, fustigeant la faiblesse de tel autre. C’est une logique implacable. Comment décréter que les joueurs doivent peser 20 kg de moins ou leur intimer l’ordre de s’éviter plutôt que de se percuter !

Un engrenage dingue

@qui! Est-ce un phénomène français ou la dangerosité se retrouve dans tous les championnats du monde ?

X.L – La dangerosité du rugby se mesure à la multiplication des commotions cérébrales. Le problème me semble général. Dans tous les championnats, on voit des joueurs de 28 ans qui arrêtent leur carrière parce qu’ils tremblent de partout. On sait depuis la victoire des Springboks à la coupe du monde de 1995 que les rugbymen feraient de « vilains vieux », selon l’expression de Michel Crauste. Quant aux décès sur le terrain, on peut se demander si le problème est français. Ce serait très inquiétant, parce qu’inévitablement la conclusion sera : les Français sont moins prêts physiquement ! C’est comme Trump, qui dit après chaque tuerie qu’il faut réarmer les gens. Ici, le discours est tout aussi abominable. Il dit que si les jeunes meurent, c’est parce qu’ils n’ont pas fait assez de musculation ! C’est un engrenage dingue.

@qui! Est-ce que le rugby spectacle est encore un sport à vos yeux ?

X.L – Selon la définition du sport, le rugby que l’on voit à la télé est une activité physique. Mais, il s’en éloigne par la mise en scène, la musique tonitruante lors de l’entrée des gladiateurs dans l’arène. Au delà de la pure activité physique, on peut considérer que sport doit avoir une vertu éducative, qui développe les personnalités. Mais, la logique professionnelle, c’est la spécialisation, la performance, le spectacle, le fric. Les rugbymen que l’on forme ne sont plus que de la chair à canon, qui est faite pour soulever de la fonte. Soit ils accèdent au plus haut niveau, soit ils rétrogradent au niveau fédéral, sans diplôme, avec des blessures partout. C’est irrémédiable, le sport devient crétin et réducteur. A partir d’un ballon, ils doivent se rentrer dedans, indépendamment de ce que les individus deviennent !




Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Nouvelle-Aquitaine
À lire ! SOCIÉTÉ > Nos derniers articles