Jour 4 du périple à vélo d’Aqui. Un estuaire, un lac, une ambulance


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 18/07/2020 PAR Julien PRIVAT

Réveil en douceur. Au camping Chèvrefeuille à Saint-Sulpice-de-Royan (Charente-Maritime). Une bonne douche. Puis on enfile nos affaires. David me prévient qu’il n’a pas assez dormi et que la journée sera difficile. Cependant nous sommes prêts. Prêts à changer de département. Vous allez me dire c’est assez simple 

Effectivement, nous nous aidons du bac de l’estuaire qui relie Royan au Verdon. Nous avons dû parcourir une petite dizaine de kilomètres avant de rejoindre l’embarcadère. Histoire de s’échauffer un peu. La petite fraîcheur matinale est d’ailleurs appréciable.

Sur le bac

À 11 heures, L’Estuaire – c’est le nom d’un des bacs amphidromes qui font la traversée – en à peine vingt minutes on arrive de l’autre côté. Le panorama offert est splendide. À tribord, le phare de Cordouan, porte d’entrée de cet estuaire difficilement apprivoisable,  lorsqu’on ne le connaît pas. Arrivée donc au Verdon au milieu d’autres férus de vélo (il y en avait beaucoup sur le bateau), une traversée pour se balader le temps d´une journée parfois ou pour faire plus comme nous…

Avec David, mon ami avec qui nous nous sommes lancés ce défi un peu fou, nous arrivons sur les coups de 11h30 au Verdon. Direction Soulac-sur-Mer, ville notamment connue pour l’érosion de sa côte qu’elle subit impuissante. Nous longeons dans un premier temps la voie ferrée du train touristique de la pointe de Grave à Soulac-sur-Mer. Puis nous arrivons sur la côte. Le soleil commence à taper. Le mercure avoisine déjà les 30 degrés. Sur la piste, il y a du monde. Un peu dans le dur, nous décidons de faire notre pause déjeuner ici. De quoi reprendre un peu de force.

Halte à Montalivet. L’océan est bleu tout comme ces cabanes assez atypiques Halte à Montalivet. L’océan est bleu tout comme ses cabanes assez atypiques

Ensuite direction Montalivet à 20 kilomètres de là. Là encore, nous recherchons l’ombre. Les routes s’enchaînent et se ressemblent. De longues lignes droites tracées au cordeau. On compte les virages sur les doigts d’une main. Nous arrivons sur le front de mer. Une eau bleue. Quelques cabanes à la mode américaine. Un paysage de vacances, reposant. Surtout avec le bruit berçant des vagues. 


Les rencontres

Nous poursuivons la route vers Hourtin-Plage. Là encore la route est monotone. Mais nous arrivons à maintenir une bonne moyenne (autour des 20 km/h, c’est pas mal avec notre chargement : des sacs sur le porte bagages et une remorque pour transporter la tente entre autre). Le vent nous porte aussi, à vrai dire. De part et d’autre : des pins. Nous nous faisons doubler par un couple. Quelques kilomètres plus loin, lors d’une pause rafraîchissement, ils lancent la discussion. Ils sont partis de Royan le matin même. Par le même bac que nous. Eux se sont engagés sur un parcours de 300 à 400 kilomètres en effectuant un tour de Gironde en longeant la côte Atlantique avant de remonter par l’entre-deux-mers et le Blayais. Un chouette programme. Lorsque nous parlons de notre projet de rallier Bayonne, l’homme nous indique qu’il l’a fait l’an passé avec un copain et nous avertit même que si nous passons par Lacanau Océan, nous devons nous préparer à grimper quelques dunes. Gentil conseil en tout cas.

Le soleil tape. Le mercure affiche jusqu’à 30 degrés. On cherche les coins d’ombre parfoisLe soleil tape. Le mercure affiche jusqu’à 30 degrés. On cherche les coins d’ombre parfois

C’est aussi ça la Vélodysée, des rencontres amicales, des encouragements, des conseils et parfois même des interrogations. Les gens sont intrigués de nous voir équipés comme cela. La première question : « Vous allez où comme ça ? » et lorsqu’on leur répond la surprise peut se lire : « Ah oui quand même ! Bon courage » et souvent les gens se demandent s’ils y arriveraient. Je leur réponds : « Avec de la volonté certainement ».

Des dunes 

Le parcours continue avec une première dune à franchir qui nous oblige à poser pied à terre. C’était à six kilomètres de l’arrivée au camping de Bombannes. Nous remontons en selle pour les derniers efforts. Et juste après une côte, nous voilà récompensés. Le lac d’Hourtin – pour les gens qui habitent au Nord, sinon c’est le lac de Carcans pour ceux qui sont au Sud – s’offre à nous. Les pins partout. Une nature assez sauvage. De petits clapots et le calme absolu. Hormis le bruit des cigales qui nous ont accompagnés toute la journée à tel point que nous ne les entendons plus. Ce lac est l’un des plus importants lacs naturels de France, 5 800 hectares tout de même.

La récompense après avoir passé une dune... le lac d’Hourtin pour certains, de Carcans pour d’autres. L’un des plus grands lacs naturels de France La récompense après avoir passé une dune… le lac d’Hourtin pour certains, de Carcans pour d’autres. L’un des plus grands lacs naturels de France

Nous arrivons vers 17h45 à notre emplacement de camping. La personne qui nous montre les délimitations de ce dernier lance tout de suite cette remarque : « Vous faites la Vélodyssée ? ». En discutant avec lui, nous apprenons que juste avant nous les personnes qui étaient à cet emplacement la faisait aussi. Le monde est petit. Place à l’installation. En un quart d’heure, nous montons la tente. Une douche pour se nettoyer après tant d’efforts. En deux jours nous avons parcourus plus de 164 kilomètres (77 aujourd’hui et 87 hier). C’est plus que nos deux premières étapes. Mais on s’y fait finalement.

Domaine de Bombannes en vue. Une étape de 77 kilomètres au milieu des pins et en front d’océan. Domaine de Bombannes en vue. Une étape de 77 kilomètres au milieu des pins et en front d’océan.

Dîner au bord du lac. Paisible. Posés là. Comme beaucoup de monde autour de nous, nous profitons du calme et de la vue. Nous rentrons ensuite sur notre emplacement de camping. Et là l’aventure vire un peu au cauchemar. Je me coupe un bout de doigt. Je me précipite pour chercher de l’aide à une tente voisine, car bien sûr nos téléphones étaient déchargés. Les voisins nous ont gentillement accueillis, ils ont  appelé  le 15, nous ont posé des questions sur notre périple. Ils nous ont passé quelques compresses stérilisées pour qu’on économise notre stock. Je les en remercie chaleureusement. J’attends une ambulance. Elle a mis plus de deux heures. Mais les ambulanciers étaient sur une autre intervention. A leur arrivée, ils essaient de mettre comme ils peuvent une compresse pour stopper l’hémorragie. Ils m’emmènent sur les coups de minuit à la clinique mutualiste du Médoc à Lesparre. Nous y arrivons cinquante minutes plus tard. Carcans et cette partie de côte Atlantique sont un peu un « No man’s land » hospitalier… 

Une clinique dans le Médoc, l’été 

Les ambulanciers m’accompagnent jusqu’à mon box et patientent un peu avec moi. Du soutien appréciable dans ces moments-là. L’infirmière d’entrée récupère toutes les informations, me fait un test anti-tétanos. Je suis bien évidemment en retard sur ce vaccin… elle me met un masque en me signifiant que la COVID-19 est présent dans le coin. Il y a un cluster comme ils disent. Six membres du personnel soignant ont d’ailleurs été contaminés. « Il faut être prudent », me dit-elle. Direction le bloc deux. Les ambulanciers leur indiquent qu’ils ont récupéré le morceau de doigt. Malheureusement, il n’est plus viable. Les choses s’enchaînent vite. Le médecin de garde m’osculte l’index. La coupe est franche et ça continue de saigner plus de deux heures après. Normal puisqu’une petite artère est touchée. Rapidement pris en charge malgré le coup de feu. « Ce soir vous êtes nombreux à être arrivés en même temps », me dit l’infirmier. En plus il est tout seul avec le médecin, l’infirmière d’accueil et un infirmier stagiaire en fin de formation à l’IFSI de Libourne. Les deux autres ont été appelés en renfort SAMU. C’est qu’il y en a des urgences en plein mois de juillet.
L’infirmier stagiaire m’emmène à la radio. Deux clichés. J’apprends que je serai reçu le lendemain à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux pour une chirurgie de la main. Tout a été très rapide. En une heure, je suis sorti de la clinique. Mes parents étant sur Bordeaux, ils sont venus me chercher. David, quand à lui, a dû rester au camping de Bombannes. Il a pris de mes nouvelles, j’ai tenté de le rassurer. Le temps que mes parents viennent, je me suis installé sur une chaise. J’ai observé le personnel soignant enfin se poser un peu aux environs de trois heures, le coup de feu s’était calmé. Mais après les sorties il faut tout ranger, nettoyer, désinfecter… leur boulot n’est jamais vraiment terminé et pourtant ils gardent le sourire visible sous leur masque. C’est agréable et rassurant quand nous sommes soignés. 

Me voilà donc entre 2h et 3h, du matin écrire le récit de la journée. Habituellement je le fais dans un lit ou sous la tente, là ce fut dans un couloir de la Clinique du Médoc. Je crois bien que ce triste épisode met un terme prématuré à notre aventure. C’est bien dommage. Elle s’arrête au bout de 284 kilomètres à vélo. Mais c’est promis ce n’est que partie remise.

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