L’Université Hommes-Entreprises prend le pouvoir


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 24/08/2017 PAR Solène MÉRIC

Pour Christian Monjou, le pouvoir n’existe pas en lui seul. Quand il s’agit d’incarner le pouvoir, il y accole les notions d’autorité et de légitimité. En effet, selon lui, « le pouvoir se mérite par la construction de l’autorité. Or, un homme de pouvoir ne peut-être légitimé dans son pouvoir que s’il provoque l’adhésion. En somme, dans l’entreprise par exemple, c’est le regard du collaborateur qui rend le pouvoir légitime ». Quant à cette légitimité, elle trouve sa source dans « l’exemplarité des personnes de pouvoir. » Une exemplarité qui se niche dans la cohérence entre ce qu’il appelle « le corps public » et le « corps privé » de l’individu au pouvoir… De quoi sans doute inspiré, au moins, quelques politiques…

« Le nouveau pouvoir court un double danger »Et il en va de même dans une période de changements ou d’évolutions pouvant être troublante voire déstabilisante pour les collaborateurs. Si la personne au pouvoir désigne aux collabrateurs le lieu, l’objectif où il veut mener l’entreprise (ou le pays…), « il doit lui aussi, être en mouvement, marcher au milieu d’eux et partager les défis du changement ».
Des collaborateurs dont il est de la légitimité de l’homme ou de la femme de pouvoir de choisir, et « de reconnaître la radicale originalité de chacun d’entre eux », indique Christian Monjou. « Le management, c’est de permettre à des visages de s’extraire », lance-t-il à la salle qui hoche la tête comme un seul homme. En somme, il s’agit pour la personne de pouvoir de « repérer les talents, de les promouvoir, de les protéger, les combiner entre eux et enfin un jour sans doute les libérer ».
Cependant, dans le contexte d’un pouvoir nouveau, un double danger existe prévient-il ; « l’ « hurbis », le pouvoir qui s’enivre de lui-même » et « l’ « effet de cour », qui risque de transformer des « conseillers fenêtres », dont le rôle est d’effacer les angles morts du leader, en « conseillers miroirs », et mettrait ainsi le pouvoir en grand danger». Et de glisser en fin d’intervention, en allusion à la situation de son ancien élève et ami, qui a su marcher et faire marcher jusqu’à l’Elysée, « mon obsession à l’heure actuelle est que ça ne se produise pas »…

Intervention du philosophe Raphaël Enthoven lors de la 23ème Université Hommes-entreprises du CECA - 24 et 25 août au Chateau Smith Haut Lafitte

L’illusion du « syndrome de Perrette »Du point de vue philosophique, Raphaël Enthoven, s’est quant à lui attaché à souligner « l’ambivalence fondatrice » qui réside dans le mot pouvoir : la capacité d’agir d’une part, et l’autorisation, la levée de l’interdiction de l’autre. Et de souligner tout de go que « si l’absence d’autorisation peut susciter l’envie d’agir, l’autorisation quant à elle n’implique pas par elle-même une capacité ». « Vous avez le droit d’établir des records sportifs, personne ne vous l’interdit; pour autant vous n’en avez pas forcément la capacité », illustre-t-il.En d’autres termes, la liberté d’agir, n’implique pas l’existence d’une capacité d’agir. 
« Prétendre que l’on est capable de faire quelque chose parce qu’on a le droit de le faire est une illusion » Une illusion que Rafaël Enthoven baptise « syndrome de Perrette », d’après la Fable de La Fontaine. Un syndrome qui, confondant capacité et autorisation, explique, et du même coup détruit, l’argumentaire de la théorie du complot ou du négationnisme qui se fondent sur cette confusion entre autorisation et capacité. Autre exemple, en politique où la confusion des deux sens est un « atout », pour ne pas dire un système de démagogie, largement utilisé. « On conquiert le pouvoir en se donnant l’apparence de l’avoir… Un homme politique ne sera jamais élu, si en toute lucidité il explique aux électeurs, que même une fois au pouvoir, il ne pourra pas améliorer telle ou telle situation… Il préférera promettre l’action, quitte une fois en place, ne pas tenir sa promesse », appelle Raphaël Enthoven à la mémoire collective des congressistes. D’une autre manière, le syndrome de Perrette en politique « c’est de faire passer une puissance propre pour l’expression de votre propre puissance… Songez à Jupiter par exemple », glisse-t-il tout sourire.

Accepter d’être la cause de ses propres échecsUn syndrome de confusion qui permet bien souvent aussi de « justifier » que l’on n’est pas la source de ses propres échecs. La faute aux circonstances ou au reste du monde, aime-t-on parfois prétendre… « C’est une illusion fondée sur la peur de la mort ou la frustration de n’avoir qu’une vie » analyse pour sa part Raphaël Enthoven. « La mort est l’essentielle limitation de notre vie, et nous avons la nécessité de construire notre vie par rapport à cette limitation. L’individu est là, il ne sait pas pourquoi ni comment… Il faut reconnaître que sa situation de n’est pas brillante; alors entre une naissance qu’on a oubliée et la mort, on joue au pouvoir. » Or pour le philosophe, tout à l’inverse, le pouvoir, c’est prendre le contre-pied de l’illusion portée par le syndrome de Perrette. « Le courage, c’est quand un individu accepte d’être la cause de ses propres échecs, quoi qu’il n’ait sur le monde qu’un impact minimal ».

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