La démarche collaborative de la région contre la prostitution


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 18/12/2017 PAR Alizé Boissin

Le lieu de la rencontre n’a pas été choisi au hasard. Pour trouver la salle municipale Son Tay, derrière la gare St Jean, il faut passer par la place Ferdinand Buisson, située dans le quartier Belcier, au Sud de Bordeaux. Le matin, l’aire de pétanque et des jeux pour enfants sont déserts. Le soir venu les habitants le confirment, l’ambiance est différente. « Il y a un vrai tourisme sexuel sur cette place (…) plus d’une vingtaine de prostituées chaque soir » se lamente un riverain venu participer au colloque sur la prostitution. Organisé par l’association I.P.P.O (Information, Prévention, Proximité, Orientation), la direction régionale aux Droits des femmes et à l’égalité, ainsi que le conseil régional Nouvelle-Aquitaine, cette journée a pour objectif de faire un premier bilan sur les démarches mises en place pour lutter contre le système de la prostitution suite à la loi du 13 avril 2016.

Les enjeux de la loi

Pour Catherine Coutelle, présidente de l’association des anciennes députées et ancienne présidente de la D.D.F,  la loi du 13 avril 2016, celle qu’elle appelle « ma loi », « réussira ». Comme elle l’explique, ce texte a été adopté pour répondre aux engagements de la France, pays abolitionniste en matière de prostitution. Certains se souviennent de 2003 lorsque la droite au pouvoir avait réinstauré le délit de racolage, mesure visant à faire des personnes prostituées les délinquantes du système. Si cette nouvelle loi est si importante pour Catherine Coutelle, c’est parce que celle-ci « inverse la tendance » de 2003, et place les prostituées comme les victimes. En effet, selon les chiffres de l’ancienne présidente de la D.D.F, en 2016, 93% des personnes prostituées sont étrangères et sont en général rattachées à un réseau de proxénétisme. Finalement cette loi fut votée par l’Assemblée Nationale, et cela malgré les réticences du Sénat qui a souvent voulu détricoter le texte. Catherine Coutelle s’agace de voir cette loi trop souvent présentée dans les médias comme « la loi de pénalisation des clients de la prostitution ».  La nouvelle loi française est en fait une véritable loi cadre qui refonde l’ensemble des politiques publiques en matière de prostitution. Quatre piliers la composent : la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, responsabiliser les clients (la proposition de loi instaure une interdiction d’achat d’acte sexuel), mettre en place une prévention plus importante des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution, et, enfin, mettre en place des parcours de sortie.

Point d’étape en Nouvelle-Aquitaine

Pour la région, Sophie Buffeteau l’assure, l’objectif est d’appliquer la loi. Le volet des parcours de sortie est « toujours plus compliqué à mettre en application » selon la directrice régionale aux droits des femmes au vu des disparités de la région. Selon les chiffres annoncés par Sophie Buffeteau, Bordeaux compte environ 600 personnes en situation de prostitution contre 75 à Poitiers ou encore 65 à Limoges, « des chiffres anciens » qui tranchent avec des départements ruraux, où la prostitution existe mais est souvent invisible. On parle par exemple de « prostitution de fin de mois », pour toutes les personnes qui vendent un acte sexuel dans le but de boucler des fins de mois difficiles. Ainsi, pour accompagner les prostituées souhaitant sortir du système, une association doit être agrée dans chaque département. A ce jour, en Nouvelle-Aquitaine, huit associations, comme I.P.P.O en Gironde ou SOS Violences conjugales en Corrèze, sont agrées pour accompagner l’insertion des personnes prostituées. « Et dans les faits ça donne quoi ? » interpelle une représentante d’association. Lors de commissions départementales, les associations présentent les personnes voulant bénéficier de ses parcours de sortie, c’est-à-dire qui s’engagent à ne plus se prostituer. Accéder à ce parcours leurs donnen accès à un logement, une allocation de 330 euros par mois, à des papiers le cas échéant, à des cours de français et à des formations.Dans la Vienne, une jeune femme de 21 ans a pu bénéficier du parcours de sortie de la prostitution. En Gironde, avec l’aide d’I.P.P.O, cinq nigérianes en ont fait la demande en juillet dans la métropole de Bordeaux. C’est le préfet de la Gironde qui doit donner son accord final. Un délai bien trop long dont il sera aussi question lors de ce colloque, qui va justement aborder, dans l’après-midi, les difficultés d’application de la loi. 

Si toutes les procédures sont loin d’être parfaitement en place en Nouvelle-Aquitaine, Sophie Buffeteau reste confiante et croit en la force « du maillage territorial » et à l’évolution des mentalités. « Aujourd’hui plus personne ne rejette l’existence des violences faites aux femmes, j’espère que la prostitution va suivre le même chemin ». Car, la directrice régionale le rappelle, l’égalité hommes-femmes est la  » grande cause  » du quinquennat d’Emmanuel Macron.

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