« La diversité fait son cinéma ? » Les acteurs des quartiers interrogent la souffrance sociale


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 11/12/2009 PAR Olivier Darrioumerle

Les rires résonnent dans la grande salle du Mégarama de Bordeaux. « Oh Abdel ! ». Des premières places, quelqu’un vient de héler le protagoniste. Il est à l’écran, mais aussi quelque part dans la salle. « A midi, j’ai pas encore parlé d’emploi ! ». Hilarité générale. Sur l’écran, c’est la fin d’un Sketch improvisé qui provoque les applaudissements. Desproges disait du rire qu’il était la politesse du désespoir, c’est ainsi que répond la salle face à la bétise d’une société sclérosée.
Sur le thème de l’initiative et de la création d’entreprise, la charge d’organiser l’évènement avait été dévolue à une boîte nouvellement crée : Synchroniz. Abde Rchouk, jeune entrepreneur dans l’évènementiel que l’on imagine bien dans le passé, « ambianceur » attitré des fêtes entre potes, aujourd’hui devenu professionnel, anime la soirée avec talent.

« C’est une chance d’habiter en cité ! » Alice
Le président de la Maison de l’emploi de Bordeaux, M. Josy Reiffers, ouvre la soirée. Durant le débat qui suit, la chaise de Christiane Demeaux est vide. L’absence remarquée de la responsable du pôle emploi gironde fait tâche dans le dynamisme voulu par les organisateurs. Absence injustifiée ? Monsieur Baazizi de la Maison de l’emploi, charismatique et philosophe, l’excuse : «Je connais son grand intérêt pour ces questions, elle a du avoir un empêchement de dernière minute, ça peut arriver à tout le monde…»
Lorsqu’on les interroge, Alice et Marta trouvent qu’il y a de l’espoir, même si elles avouent leur lassitude vis-à-vis de l’administration sociale. Victime de la discrimination à l’emploi, l’une d’elle est décidée, dans l’année, à créer son entreprise de stylisme. Aussi, les deux filles se réjouissent des mécanismes de solidarité qui s’opèrent dans les quartiers. Marta raconte, « Une dame de mon immeuble avait du mal à vivre, alors tout le monde s’est cotisé pour lui venir en aide », Alice poursuit, « Chez moi, on met des vêtements dans le hall et les gens qui en ont besoin se servent. J’habite là-bas depuis six ans, je ne connaissais pas cette ambiance et pour rien au monde je partirais de mon immeuble. On apprend à vivre ensemble. C’est une chance d’habiter en cité » conclut elle.

« Les entreprises sont ouvertes à la diversité ! » Robert Venturi

Les problèmes à l’embauche sont flagrants. Les chiffres le montrent, même si personne ne veut en entendre parler. Le discours statistique ennuie. La violence réelle est plus profonde. Discrimination, racisme, exclusion, désespoir sont devenus récurrents. Une fille confie à la caméra, « Je ne suis même plus en colère. » Pourtant, tout laisse entendre que la diversité est une richesse, une mine d’or, qu’elle est la somme d’une identité nationale. « Si la France marchait sur ses deux pieds ? », s’interroge un jeune  homme. Le témoignage des jeunes demandeurs d’emplois assis dans un parc municipal restent malgré tout en décalage avec le patronat, que l’on nous montre à l’écran, discuter dans les salons bourgeois.
Alors que le directeur d’Auchan assume sans pudeur que son entreprise est « très catho », mais que  » l’employé doit ressembler à ses clients », celui de Decathlon compare sans crainte le contrat de travail avec le « contrat de mariage ». Ces hommes nous renvoient la sensation que la France n’est pas prête de changer de mentalité. Pourtant, à la surprise générale, Robert Venturi, président de la régie de Bacalan, déclame sur le ton de l’engagement: « Les entreprises sont ouvertes à la diversité ! »
Hicham reste sceptique : « Peut être que les entreprises sont en phase de s’ouvrir, mais c’est un idéal… »  


« La seule chose qui nous aidera c’est qu’on s’aide nous même. Sans cela, chacun d’entre nous cèdera. » Abdel, Alien Nation


Aux belles paroles pleines d’espoir, le mur. A l’heure des promesses, pour l’instant, « la diversité » se débrouille. Les régies de quartier essaient de rendre la vie plus agréable, la solidarité s’active. Mais le vague à l’âme s’insinue de nouveau en nous, à la présentation d’une tentative des pouvoirs publics de « revaloriser » les jeunes à travers une formation de moniteur au centre de voile de Bordeaux-Lac, pour leur permettre de devenir… travailleur saisonnier !
« Seule l’action importe ! Il faut se battre » martèle Monsieur Baazizi de la maison de l’emploi face à l’impuissance des politiques publiques.
A la fin de la soirée où l’initiative individuelle est systématiquement mise en avant comme le moyen de s’en sortir, Djamel reste persuadé que « la diversité est utilisée pour mettre la peur ! On me parle de code… Moi, je n’ai pas d’argent pour me payer un costard, Elle est là l’injustice ! » Abdel ajoute le lyric d’un morceau de son groupe de rap, Alien Nation :  » La seule chose qui nous aidera c’est qu’on s’aide nous même. Sans cela, chacun d’entre nous cèdera. »

Olivier Darrioumerle

                                                                           

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