« Ils sont polis, mais d’une grande incorrection »


Ce n'est pas vraiment une pièce de théâtre, ni un simple espace d'expression « citoyen » pour les habitants de Lormont, mais, selon les mots du comédien Jean Lagrave, une « lecture mise en espace » de témoignages des habitants des tours. Avec humour

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 04/06/2008 PAR Vincent Goulet

« Au détour des tours », qui a été présenté le mardi 3 juin au centre social Carriet, est un montage de paroles d’habitants de Lormont recueillies à travers toute la ville lors d’ateliers d’expression sur le renouvellement urbain. « Très vite, les gens se sont mis à parler des problèmes de voisinage », se souvient Fabienne, l’initiatrice du projet, « mais, plutôt que d’accuser l’autre, chacun disait ce qui le dérangeait, sa colère ». Les témoignages ont été enregistrés, retranscrits, nettoyés de leurs redites pour pouvoir être lus sur scène «mais sans réécriture. Nous avons voulu respecter scrupuleusement la parole des gens », insiste Jean Lagrave.

Les saynettes s’enchaînent ainsi pendant trois quarts d’heures, c’est l’histoire d’une femme qui se rend compte que son mari détourne les allocations familiales, celle des allées-et-venues d’une table de camping dans l’ascenseur, celle encore d’un petit voleur de vélo rattrapé par les correspondants de nuit, mais surtout, c’est l’histoire aux multiples épisodes des « problèmes avec les jeunes ».

La « peur des jeunes »
« Les jeunes ». Ils ont beaucoups de défaut, les jeunes. Celui de fumer des joints dans les escaliers. De laisser les canettes devant l’entrée de l’ascenseur. De faire du bruit jusqu’à minuit. De se lever tard. D’élever des Pitt-Bulls. Mais surtout, ils ont le grave défaut d’être toujours là, en bas, à tenir les murs et squatter les halls. Alors beaucoup de locataires ont peur. Peur de passer devant eux, le soir ou même en journée, peur de leur chien ou simplement peur de leur réaction.

Ghislaine faisait partie de ceux-là. Elle raconte combien, elle avait peur de passer devant le groupe des jeunes, en bas de la tour de Génicart 3 où elle habite. En parlant dans les ateliers d’expression, elle a pu dépasser cette appréhension. Aujourd’hui, elle sort de sa coquille, va vers d’autres activités et ne craint pas de parler avec eux, comme lors du dernier « Bla-Bla Dej' » avec des collégiens de Montaigne sur le respect. « Ce qui change, ce n’est pas le quotidien, c’est de se sentir moins seul », explique Fabienne.

Un théâtre cathartique
La première qualité du spectacle est justement cela, communiquer des expériences, des sensations,des frustrations. On se rend soudain compte que l’on n’est pas seul à ressentir cette crainte, cette incompréhension, cette gêne. Mettre des mots sur ces émotions souvent négatives permet de dédramatiser, et l’on se surprend à sourire, comme devant l’histoire du dentiste qui se plaint à la mairie que les jeunes attroupés dans le hall où est situé son cabinet font fuir sa clientèle. Une enquête est faite sur le comportement des jeunes en question. Il n’y a nulle agression, ni agressivité. Au contraire, on se rend compte que « les jeunes » tiennent la porte aux patients qui entrent et sortent. Mais il y a de la saleté, les détritus que laissent traîner les jeunes gens dans le hall et qui donne un aspect peu avenant au lieu. C’est ça qui gêne les clients du dentiste. La mairie envoie une équipe de prévention, qui fait un long travail d’approche. D’abord on se dit « bonjour », puis quelques mots de temps en temps. Au bout d’un mois ou deux, on discute, on peut se parler. Quelques semaines plus tard, les animateurs sociaux évoquent la question de la propreté. Le message commence à passer, doucement mais sûrement, si bien qu’après six mois de travail, les jeunes montrent fièrement la poubelle pleine et le sol immaculé : ils ne jettent plus à terre, mais directement dans la poubelle. Malheureuseusement, cela fait déjà trois mois que le dentiste a déménagé…

Avec tendresse souvent, mais sans niaiserie et dans un style assez direct, le spectacle parle de la violence des regards, de la violence des silences, de ces deux mondes qui se jaugent et feignent de s’ignorer, celui de certains jeunes de la cité et celui de certains résidents qui se sentent menacés. Il reste maintenant à mieux faire connaître l’initiative pour faire en sorte que les Lormontais viennent voir le spectacle et participer à la discussion. Les premières représentations ont été trop confidentielles, sans doute par défaut de communication. Deuxième défi, faire en sorte que les « jeunes » dont il est tant question dans ces témoignages, viennent écouter et voir l’image, pas si négative d’ailleurs, qu’il leur est renvoyée. Et qu’ils prennent à leur tour la parole.

Au détour des tours est mis en scène et joué par :Jean Lagrave, Bruno Marchand, Catherine Zabjeski. Prochaine représentation et rencontre : Mardi 8 juillet, au Grand Tressan (lieu et horaire à préciser)

Vincent Goulet


 

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