Le dernier voyage de l’anthropologue Pierre Bidart


Jean Daniel CHOPIN
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 22/09/2010 PAR Jean-Baptiste Rey

Il venait juste de quitter le département d’anthropologie (en détachement), pour un poste au Ministère des Affaires Etrangères, à Sofia (Bulgarie), comme chargé de coopération scientifique et culturelle. C’est là-bas, dans son appartement, qu’il a rendu l’âme à la suite d’un arrêt vasculaire cérébral dans la nuit de jeudi à vendredi dernier.

Proche ami de Pierre Bidart, Philippe de Laborde Pédelahore, docteur en anthropologie et consultant au Musée Basque de Bayonne l’avait senti « tellement heureux », à l’aéroport il y a trois semaines. Diplomate à l’Université il s’apprêtait à être un universitaire dans la diplomatie. D’abord en mettant son immense réseau à l’Est au service de l’intelligence transeuropéenne et de la Francophonie. Mais il envisageait aussi ce nouveau départ comme une occasion de publier à un rythme un peu plus soutenu, les fruits de plus de 30 ans de réflexions en anthropologie politique, son champ de prédilection.Les cours qu’il donnait à Bordeaux depuis 2000 portaient sur des thématiques telles que le rapport au patrimoine (national comme régional), les rites protocolaires (religieux comme laïques), l’affirmation des Etats-Nations modernes et leur contestation, les rapports entre le politique et le religieux…

Originaire de Baïgorri, en Pays Basque (où il avait toujours une activité associative), Pierre Bidart s’apprêtait à publier, dix ans après son célèbre « La singularité Basque » (PUF, 2001), un ouvrage intitulé « Le sanglier de feu. Les formes sensibles du politique », portant à nouveau sur la question Basque mais la débordant. Il préparait également plusieurs publications avec l’universitaire palois Abel Kouvouama, qui lui avait d’ailleurs succédé à l’Université de Pau Pays de l’Adour, après que le professeur Bidart eût été nommé à Bordeaux en 2000.

Début juillet 2010 s’était tenue la cinquième édition de l’Université d’Eté du département d’anthropologie de Bordeaux II, dont il était à l’initiative, délocalisée dans son Pays Basque natal, à Irissary. Sur le thème « Islam, Modernité et Expressions nationales », elle avait accueilli entre autres l’imam de Bordeaux Tareq Oubrou et l’ancienne membre du Conseil Constitutionnel Dominique Schnapper, ou le président du Haut Conseil Islamique d’Algérie Cheikh Bouamrane.


Artisan des échanges Est-Ouest
Grâce à lui, qui était passionné par les trajectoires postcommunistes des Pays de l’Est, des partenariats avec les universités de Bucarest (Roumanie), Pardubice (République Tchèque),Sofia (Bulgarie), Minsk (Biélorussie), Chisinau (Moldavie), Kiev (Ukraine)…ont vu le jour et des étudiants de tous ces pays ont fait leur Master à l’Université de Bordeaux II ou y ont soutenu leur thèse en anthropologie et en sociologie.

Il était également préoccupé par le « dialogue des civilisations » entre les deux rives de la méditerranée, luiqui avait bien connu l’illustre islamologue Jacques Berque, décédé dans ses Landes en 1995. Depuis quelques années le Haut Conseil Islamique en Algérie l’invitait à exprimer sa pensée sur cette question. Il a également mis en place un partenariat entre l’Université d’Oran (Algérie) et Bordeaux II.

Notre confrère de Sud Ouest, Patrick Berthomeau se souvient qu’il fallait parfois un peu calmer le rythme de ses propositions de « Carte Blanche »dont il fut l’un des plus réguliers contributeurs du journal régional : neuf entre 2001 et 2008, sous les titres « Fictions Mortelles » (2007, autour du canular journalistique de partition de la Belgique), « L’église et l’europe » (2003), ou « Eloge du savoir » (2004, sur la circulation des connaissances en Europe). On en retrouve une partie dans son dernier ouvrage « Défendre la société, une posture anthropologique » (Atlantica, 2008).

Il part sans avoir pu mener à terme tous ses projets académiques mais aura largement contribué à renforcer la cohésion européenne et extraeuropéenne en matière universitaire, à défendre lemodèle de l’Etat-Nation dans une veine républicaine assez classique, tout en portant sa bienveillante attention d’anthropologue aux cultures régionales et minoritaires, à mettre en valeur le patrimoine écologique et architectural de la région et à donner le goût de la recherche en sciences humaines et sociales à des centaines d’étudiants bordelais.

Les obsèques de Pierre Bidart auront lieu le lundi 27 septembre à Saint Etienne de Baigorr.

Photo : Jean Daniel CHOPIN

Cédric Baylocq Sassoubre.

Biographie :
Pierre Bidart, 1947 (Saint Etienne de Baïgorry)-2010 (Sofia, Bulgarie).
– Professeur au département d’anthropologie de l’Université de Bordeaux (détaché à)
– Ambassade de France à Sofia, chargé de la coopération universitaire.
– Membre du Comité de rédaction de la revue Ethnologie française.
– Ex-directeur de l’Ecole Doctorale des Sciences Humaines de Bordeaux (2005-2008).
– Membreélu du Conseil d’administration de la Faculté des scienceshumaines et sociales de Bordeaux 2 .
– Membre du CA de l’Ecole nationale d’architecture et du paysage de Bordeaux.
– Membre du Conseil scientifique du Musée Basque.
– Chevalier de la Légion d’Honneur.
– Commandeur de l’ordre d’Isabelle la Catholique (Espagne).
– Membre du conseil scientifique de la Casa de Velázquez (Madrid).

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