CHS de Cadillac-Rocher Palmer… »Le droit à la culture, c’est purement et simplement la volonté d’y accéder », André Malraux


Sylvain Roche
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 09/12/2013 PAR Lise Gallitre

Si, comme le disait André Malraux, le droit à la culture est purement et simplement la volonté d’y accéder », il faut bien reconnaître que la question du droit et de l’accessibilité à la culture est aujourd’hui souvent mise à mal. Quels que soient les raisons ou les symptômes de ce traitement particulier, on utilise alors le terme un peu flou de public « empêché », empêché d’aller dans une salle voir un spectacle, un concert ou, de la même manière, empêché d’être sur scène pour chanter ou danser parce-que ceci ou cela. Refusant de faire de ce « ceci ou cela » une porte vers la culture fermée à double tour, le Centre Hospitalier Spécialisé de Cadillac et le Rocher de Palmer se sont associés, il y a maintenant trois ans, pour faire en sorte que personne ne soit empêché de toucher la culture du doigt, qu’importe l’état ou le rythme de la main. En septembre 2010, au moment où le Rocher de Palmer allait ouvrir ses portes, Jacques Laffore, alors directeur du CHS de Cadillac, a en effet contacté Patrick Duval et Hervé Castelli, Directeur et Directeur adjoint du Rocher, afin d’associer les deux structures dans le cadre du dispositif « Culture et Santé », un engagement désormais cher à la salle cenonnaise.

Un partenariat de la première heure entre le Rocher de Palmer et Cadillac pour donner à chacun le droit à l’émotion Depuis trois ans maintenant, les deux établissements fonctionnent main dans la main, allant chacun dans le sens d’une culture accessible à toutes et tous. Soutenu financièrement par l’Agence régionale de la santé, la Direction régionale des affaires culturelles, la région Aquitaine et le CHS de Cadillac, ce dispositif favorise alors le développement d’activités culturelles et artistiques dans les hôpitaux et alterne les différents ateliers entre le Rocher de Palmer, où se déroulent chaque semaine de nombreuses rencontres entre les patients et des professionnels de la culture, et l’hôpital psychiatrique de Cadillac et ses unités de soin, où se déplacent régulièrement des artistes pour faire leurs ateliers sur place. S’adaptant alors à différents paramètres, qu’il s’agisse de la mobilité des patients ou, d’un point de vue matériel et pratique, des équipements culturels et artistiques nécessaires à telle ou telle activité, cette action est éclairée depuis la première heure par la volonté de faire de ce public dit « empêché » un public accompagné et encadré; un public auquel on donne les moyens de sentir, de ressentir et de s’émouvoir. Pour reprendre ici les mots de Michel Allemandou, ancien Directeur adjoint de l’hôpital de Cadillac et aujourd’hui en charge du projet liant les deux établissements, « l’idée majeure de ce partenariat, c’est que quel que soit le domaine artistique abordé, le patient n’est plus un malade, mais une personne qui a le droit a l’émotion ».

Vers une conception citoyenne de la culture Pour le précité Jacques Laffore, le caractère essentiel de ce dispositif Culture et Santé, c’est avant tout la considération de l’autre: « je veux que les patients aient un droit de cité », mettant alors sur le même plan le vivre ensemble et ce qu’on pourrait ici appeler le « s’émouvoir ensemble ». Tous motivés et organisés dans cette optique là, les ateliers menés conjointement entre le Rocher et Cadillac se sont alors faits sur la base du volontariat, amenant les patients à participer aux activités proposées en fonction de leurs sensibilités, de leurs curiosités et de leurs désirs. Atelier chants du monde, atelier danse, atelier percussions, atelier cuisine, atelier arts plastiques… depuis trois ans, au Rocher de Palmer ou dans les différentes unités de soin de Cadillac, des groupes allant de 15 à 35 patients participent aux activités mises en place avec des artistes associés au projet: Dee-Ann Zacharia en charge des chants du monde, Stéphane Gréziller aux manettes des ateliers percussion ou encore Patrick Labesse qui encadre les siestes musicales. Le personel soignant accompagne ces ateliers et y participe, au même titre que les patients, à l’image de Fabienne Dubois, infirmière du centre hospitalier en géronto-psychiatrie: « ce n’est pas une prescription médicale, ni de l’art-thérapie; on informe le médecin de la participation du patient aux activités mais ce n’est jamais dans un projet de soin, on se situe sur un autre terrain, une perspective citoyenne d’insertion ». Après tout, chanter juste ou faux, c’est juste une question d’oreille…

Beautiful people… Il faut bien l’avouer, ce qu’il y a de bien quand on fait telle ou telle activité, c’est aussi de le montrer, de rendre compte du travail. Le 4 décembre dernier, les membres des ateliers chants du monde et percussions ont alors présenté Beautiful People, une carte blanche au metteur en scène Renaud Cojo programmée dans le cadre de la 8ème édition du festival Hors Jeu/En Jeu organisé par la Ligue de l’Enseignement de la Gironde. Accompagné du songwriter anversois Steph Kamil Carlens, de Stéphane Gréziller, de Dee-Ann Zacharia, il a poussé les patients à n’être plus des patients mais des voix, des voix qui à aucun moment n’ont été hors jeu, des voix qui, ensemble, ont chanté en anglais, en français, des titres choisis et répétés lors des ateliers, épousant alors les mots de Leopardi, Mouawad ou Michaux prononcés par R.Cojo . « L’expérience fut intense et belle, je suis heureux d’avoir, un temps, donné les moyens de mettre en désir », c’est par ces mots que ce dernier évoque ce travail élaboré depuis quelques semaines lors des ateliers, un sentiment partagé par Anne-Françoise Dupeyras, psychologue au CHS de Cadillac qui encadre et participe au projet: « on forme un choeur avec eux, on partage la même émotion, c’est très fort ». S’émouvoir ensemble, c’est donc ça.

Deux signatures qui comptent Ce 4 décembre dernier, en préambule à la performance Beautiful people, la question de l’accessibilité de la culture à tous s’est enrichie de deux signatures qui comptent. La première, la signature de la Charte de l’Accessibilité entre Alain Lavail, Président de la fédération de la Gironde de la Ligue de l’Enseignement et Jacques Laffore, Directeur du CHS de Cadillac et la seconde, le renouvellement de « l’Accord-Cadre Le Rocher de Palmer et le Centre Hospitalier de Cadillac pour la période 2014-2016 » entre J.Laffore et Patrick Duval, directeur du Rocher. Deux signatures pour un droit à l’émotion, pour une culture qui lie, qui relie, une culture qui ne tolère que deux cases, la scène et la salle. Tout le reste, c’est ailleurs.

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