Rencontre avec les éducateurs de l’Aviron bayonnais: Ce Top 14 qui joue contre l’école de rugby


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 15/12/2018 PAR Olivier Darrioumerle

Joli temps sur la pelouse annexe du Stade Jean Dauger, à Bayonne. Les jeunes de l’école de rugby portent le maillot bleu et blanc de leurs joueurs préférés. A la rentrée, ils arrivent avec des images de Top 14 plein en tête; Michel Lassalle, responsable de l’école de rugby de l’Aviron bayonnais, leur remet les idées en place. « Ils veulent imiter les guerriers qu’ils voient à la télé. Mais, ce sont des jeunes en guimauve qui ont eu très peu d’activité physique. Je les appelle la génération chamallow. », sourit le responsable de l’école de rugby de l’Aviron bayonnais. L’homme a vu passer des milliers de jeunes joueurs sous sa férule bienveillante. Ceux qui avaient encore le droit de monter aux arbres. Ceux qui devaient choisir entre la pelote et le rugby. « Maintenant, ils n’ont même plus le droit de monter à la corde, alors ils font du freesby en EPS et ils jouent aux jeux vidéos quand ils rentrent chez eux. Quand ils arrivent ici, ils veulent jouer au rugby, tout de suite, alors que, physiquement, ils ne sont pas équipés. »

La difficulté c’est… la télé
Les éducateurs ont du mal à leur faire comprendre que le rugby spectacle, c’est un autre sport. «Les gamins veulent rentrer dans des murs, faire des passes dans le dos et se mettre des gros tampons. Le mimétisme n’est pas favorable à l’apprentissage, parce que les jeunes cherchent à reproduire ce qu’ils voient plutôt que ce qu’ils entendent », ajoute Robert Pascouau, responsable des -6 ans et des -12 ans. La difficulté pour les éducateurs, c’est la télé. Plus largement, ce sont les écrans. Partout, ces images qui fabriquent la génération chamallow. « Avant, on apprenait bêtement. Eux, ils sont visuels. Alors, je les filme et je leur montre. Ils se voient sur l’écran. Alors, on peut parler des bonnes, et des mauvaises attitudes : un joli deux contre un, plutôt que de foncer avec le ballon sous le bras. »

Le rugby est un sport exigeant. C’est un sport de contact, souvent de combat. Lorsque les éducateurs accueillent des gamins incapables de faire une roulade, ils reprennent tout depuis le début. « On leur fait travailler la posture, pour bâtir une charpente. On fait du gainage, pour muscler leur corps en profondeur. Tout ce qui maintient la colonne vertébrale. » Enzo, 11 ans, il n’aime pas le début de saison. Il a envie de rentrer dedans. Il aime la ligne droite. Il ne s’en cache pas. « Je préfère la percussion aux passes. » En première partie de saison, jusqu’à la fin décembre, les jeunes jouent sans placage. A partir de janvier, les jeunes vont commencer à plaquer, en visant les hanches. Au-dessus de la ceinture, c’est interdit. Depuis peu, un protocole est mis en place pour les jeunes qui veulent jouer en mêlée. Les enfants âgés de -14 ans suivent une panoplie de tests avant de pouvoir prétendre jouer à ces postes à risques.

Rassurer les parents

Les éducateurs rassurent les parents. Le rugby est adapté à chaque catégorie. La Fédération essaie de désamorcer les effets pervers d’un sport spectacle qui ne joue pas en faveur des écoles de rugby. Celle-ci a mis à l’essai, cette année, la règle du passage en force pour les -14 ans. Comme au handball et au basket, l’attaquant ne pourra pas percuter un défenseur qui est arrêté. Laurent Castets, responsable de la communication à l’école de rugby, fait de la pédagogie auprès des parents qui ont peur de mettre leurs enfants à l’aviron bayonnais. « Ils croient qu’on est élitiste. Certaines équipes du sud-est de la France, comme Castres et Toulon, sont touchées par “la championnite”. Ils choisissent leurs dix meilleurs benjamins, ils les poussent à être rugueux et jouer comme en TOP 14. A l’Aviron bayonnais, on répète que ce n’est pas la philosophie du club. On veut garder l’esprit d’adresse, d’espace, le jeu de passe. On a des gamins qui savent tenir un ballon. On veut qu’ils soient athlétiques plutôt que physiques. Ils doivent savoir se protéger, endurer l’effort et le répéter. On privilégie l’évitement. On n’est pas une usine à champions. On ne veut pas en faire des professionnels. L’objectif est qu’ils soient estampillés Aviron Bayonnais, qu’ils portent cette marque dans leur cœur, qu’un jour, ils soient supporteurs ou sponsors. »

A la fin l’entraînement, entre deux gorgées d’eau, Pascal, 11 ans, explique qu’ils n’a pas fait une seule passe vrillée : «  On n’a pas le droit. Notre style de jeu, c’est de faire vivre le ballon ». Baptiste, 11 ans, a conscience qu’à la télé, les contacts sont différents. « Ils se rentrent dedans alors qu’à notre âge, on apprend à jouer au ballon. Ce n’est pas la même chose. »


 

 

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