Les 2èmes rencontres « Au doigt et à l’oeil » au Rocher Palmer : De l’intelligence plein les doigts


Rocher de Palmer
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Temps de lecture 12 min

Publication PUBLIÉ LE 14/12/2011 PAR Solène MÉRIC


En guise de présentation, Michelle Laurrissergues, Présidente d’An@e, et Pierre Frackowiack, inspecteur honoraire de l’Education Nationale, auteur et grand témoin de la journée, reviennent sur les grands enjeux portés par ce colloque. L’école s’équipe, mais l’objectif n’est pas d’utiliser la technologie pour la technologie, mais pour permettre aux enfants et aux jeunes de comprendre le monde qui les entoure, savoir apprendre tout au long de la vie, savoir être et savoir vivre ensemble. Les outils numériques à l’école doivent servir à développer l’intelligence individuelle et collective pour contribuer à la construction de l’avenir et lui donner du sens.
Antoine Chotard (Aquitaine Europe Communication) rappelle les grandes tendances: les interfaces adaptées à l’intention des mobiles, livres augmentés. Autre tendance : la synchronisation et l’interaction de ces différents supportsentre tablette, ordinateur, et mobile. Sur l’interactivité, il souligne l’intérêt du Kinect de Microsoft qui permet de jouer par la reconnaissance des mouvements et de la voix et cite dans ce sens différents travaux expérimentaux: contrôler des robots à distance, traduire la langue des signes, essayer des vêtements à distance.
Le jeu etle jeu vidéo sont également très présents dans l’univers du net. On assiste à une différenciation des utilisations de ces jeux dans de très nombreux domaines, pour attirer ou intérésser les gens, à une thématique donnée par le jeu ( ex: un « serious game » pour les primaires socialistes) Autre tendance : le transmedia qui crée un véritable univers numérique sur tous les supports autour d’un évènement donné: livre, film, etc.. Dernière tendance mise en avant: la visualisation des informations qui allie clarté tout en étant souvent très ludique. Une tendance qui demande un fort travail du point de vue de l’ergonomie, de l’infographie, du design des sites… Autant de tendances qui pourraient trouver leur place à l’école comme autant d’outils pour capter l’attention des élèves.

« Les petites histoires »…


Hubert Guillaud, rédacteur en chef d’internet Actu.net cite plusieurs « petites histoires » ou points de vue comme autant de témoignages d’exemples du numérique à l’école. Sur la question du rapport entre âge et accès au numérique, l’intervenant cite Cathy Davidson. Selon elle, la limite d’âge inscrite pour les réseaux sociaux est d’une part détournée par enfants et parents, et d’autre part empêche l’innovation de ces entreprises (Facebook et autres..) au regard d’un public plus jeune. Le contrôle de l’accès ne rend pas service; au contraire il faut se pencher sur le fonctionement de ces technologies, essayer de les comprendre et les adapter au mieux à la vie de la société et de ses plus jeunes membres.
Deuxième exemple: Howard Rheingold, enseignant à l’université s’est demandé comment canaliser l’attention des élèves par rapport aux outils du numérique et a développé certaines méthodologies de travail, laissant à la fois une place à ces outils tout en s’assurant de l’attention de ces élèves.
Troisième exemple Shalman Khan: un informaticien qui donnait des cours par messagerie instantanée, puis par l’intermédiaire de vidéos You-Tube qui, elles, se sont au fur et à mesure additionnées. Ses vidéos ont eu un grand succès sur le net ce qui a débouché sur la création de la « Khan Academy », et contribué ainsi au développement de son service de cours en ligne. Un système assez développé aux USA: les élèves font eux-mêmes leur programme à la carte qui permet de collecter des données par classes et par élèves.
Au total, quand on parle d’internet à l’école,  » on ne parle pas de technologie, mais de l’aspect social, de ce que ça permet de mettre en place entre les uns et les autres » ajoute Hubert Guillaud. Ce sont des règles, des pratiques que l’on met derrière des usages sociaux, des échanges au service des apprentissages. Pour autant ne pas s’enfermer dans une classe et s’ouvrir à d’autres classes…..

L’intelligence collective partagée

Première table ronde sur le thème de « l’intelligence collective partagée » avec Carole Hourt et Pauline Mercury, formatrices au Clémi, Sandrine de Monsabert, doctorante en science de l’éducation, Elise Chomienne, ingénieur d’études TICE , Université Michel de Montaigne, Anne Lehmans, professeur IUFM d’Aquitaine-Université de Bordeaux 4, animé par Claude Tran.

Le Clémi a un rôle de diffusion de la visibilité des journaux scolaires : une collection nationale existe depuis 2002, qui recense à peu près 1000 nouveaux titres différents par an, de l’école au lycée. Les thèmes traitent autant la « grande actualité que l’actualité de l’établissement. Egalement : la vie des élèves peut apparaître : vie de famille, associative… »
Pour valoriser ces productions, le Clémi a créé une revue de presse imprimée et en PDF sur le site. Une revue de presse distribuée à tous les journaux qui ont fait le dépôt pédagogique.
Le Clémi a également un intérêt pour les blogs scolaires d’où le lancement de la page « Scoop it » en juillet. Dans l’année 2010-2011, 90 blogs ont ainsi été recensés dont 50 actifs qui ont été pris en compte pour la publication sur cette page scoop it. Celle-ci rassemble des billets qui émanent de ces blogs, allant de l’école au lycée. Apparaît un titre, le nom de la source, une image et un petit extrait qui donne envie d’aller lire le billet sur le blog et dans son intégralité.
Pour Pauline Mercury, l’intérêt de l’outil estde partager de l’information, et le suivi des médias numériques qui ont un scoop it. Un point faible concernant cette page scoop it du Clémi : un nombre d’abonnés faibles (45 abonnés). Or, le public de ce scoop it, pourrait être les élèves afin de donner des idées d’affiner l’écriture multimédia … « Pour l’instant ça n’a pas pris, mais on espère que ça le fera. C’est réellement un outil pour aborder la culture numérique… si les enseignants veulent bien, à un moment, changer de position par rapport à la technologie. D’autant que les jeunes sont assez à l’aise avec ces outils : cela permettrait l’intelligence collective. »

A travers leurs expériences professionnelles, les autres intervenantes, mettent en avant d’autres outils pouvant être utilisés comme support de travail en classe ou en support  à des projets pédagogiques: Jog the Web, Twitter,  Delicious, ou encore le Min mapping ou le blog collaboratif…
Quant aux enseignants, qui n’oseraient pas se lancer dans le numérique, les intervenantes, prodiguent quelques conseils : « il faut prendre  du temps, expérimenter, tâtonner, expérimenter. Il faut s’y mettre et passer l’étape de la peur ». Pour Elise Chomienne, « il faut s’y plonger,  torturer les outils, et se faire accompagner, du moins le faire à plusieurs ». Sandrine de Monsabert rappelle pour sa part que le web 2.0 : « ce sont des gens. Si les enseignants ne savent pas comment intégrer le numérique dans leur enseignement, qu’ils ne connaissent pas les outils, qu’ils n’hésitent pas à  poser la question sur internet : il y aura toujours des milliers de réponses, à eux de prendre celle qui semble leur convenir le mieux. »

L’entrée des artistes

Deuxième Table ronde : La mise en scène des médiations culturelles avec Antoine Bidegain, chargé de Mission Cité Digitale de Bordeaux, Christian Block, attaché de conservation Musée d’Aquitaine, Martin Hachet, Chercheur à l’INRIA et Jérémy Laviole, doctorant à l’Université de Bordeaux 1, et animé par Jean-Luc Mure, directeur du CRDP d’Aquitaine.

Pour Antoine Bidegain, « l’intégration du numérique sur un territoire est une question difficile » et n’est pas « qu’une question d’équipement ». Sur l’exemple du tableau numérique qui équipe peu à peu les écoles de Bordeaux, il faut aussi s’interroger sur la bonne manière de l’appropriation des outils ; et pour cela il faut avant tout donner envie aux enseignants de s’y mettre. Pour cette raison, la Mairie a choisi d’intervenir par le biais de l’appel à projet, suite à des rencontres organisées en partenariat avec le rectorat.
Pour Christian Block, les technologies, pénètrent le monde muséal tant dans sa dimension scientifique (gestion des inventaires, par exemple) que par la création de site internet pour permettre utilisation hors les murs du musée. C’est un outil pour une meilleure accessibilité des musées et de leur contenu à disposition notamment des enseignants. Ces outils ont également un impact sur notre métier de commissaire d’exposition affirme-t-il. Par ces outils, on peut apporter des compléments de contextualisation de l’exposition en réelle. Pour un musée, le choix des technologies a une véritable pertinence pour la réalité des œuvres et leur contextualisation et notamment pour le Musée d’Aquitaine qui a une vocation à l’histoire.
Sur la question de la 3D interactive, les chercheurs et doctorants de l’INRIA présentent les différentes voies explorées en matière d’interface utilisateurs. Objectif : que leur interaction avec les mondes numériques soit la plus facile et « crédible » possible. Martin Hacet cite ainsi l’exemple du programme Toucheo actuellement en test à Cap sciences qui donne la possibilité de manipuler un objet archéologique en 3D pour mieux le comprendre. Autre piste pour un futur un peu plus lointain : les interfaces cerveaux-ordinateurs qui explorent de nouvelles façons d’interagir à travers la mesure de l’activité cérébrale pour se déplacer, manipuler des objets dans un monde numérique en 3 dimensions.

Troisième table ronde : « l’entrée des artistes numériques » avec Philippe Faure, artiste numérique et Martine Hautry Schiffer, professeur d’arts plastiques, animé par Stéphane Brunel, Directeur adjoint IUFM d’Aquitaine.

Après la présentation d’un travail de Philippe Faure à l’assistance, Martine Hautry Schiffer et l’artiste expliquent le Projet « Corps virtuel » qu’ils ont monté avec une classe de 4ème, grâce à l’organisation d’atelier de création artistique autour du thème de l’avatar. « C’est un projet qui a dynamisé et porté la classe tout au long de l’année » assure l’enseignante. Et, cerise sur le gâteau pour les élèves, leur travail final a donné lieu à deux formes d’exposition : l’une dans la médiathèque de Lormont plus une exposition virtuelle sur l’artothèque départementale du Conseil général !

Positiver le web ! 

Table ronde de l’après midi: « L’entrée en scène des acteurs des territoires numériques : les dispositifs et les usages » avec Bernard Benhamou, délégué aux usages de l’internet de la recherche et de l’enseignement supérieur, maître de conférence, Jean-Marie Gilliot, enseignant chercheur en informatique, Télécom Bretagne, Jacques Lajus, Chef de projet TICE, Inspection Académique des Landes, Thierry Cagnon Directeur de l’éducation, Conseil régional d’Aquitaine, animée par Joël Aubert, rédacteur en Chef d’Aqui.fr.

Bernard Benhamou rappelle que 2 milliardsde personnes sont équipés d’internet sur la planète et 6 milliards utilisent le téléphone mobile, et que 18,3 millions d’utilisateurs de téléphones mobiles en France sont connectés à internet. Il en conclut qu’à l’avenir, les connections internet se feront davantage sur le mobile que sur l’ordinateur. Un phénomène qui touche tous les secteurs, et évidemment aussi l’éducation. En outre, Bernard Benhamou, annonce que deux types de dispositifstablette etliseuse, vont bientôt fusionner, alliant sur un même outil permettant à la fois une lecture agréable tout autant, par exemple, que le visionnage d’un film de qualité, ou la consultation d’internet.Les écoles seront, selon lui, « évidemment » au contact de ces outils. Une des questions majeures de l’éducation, sera de savoir comment elle interfère ou pas avec les réseaux sociaux, avec les instruments de lien entre les collèges et les familles à savoir les ENT (espace numérique de travail). Dans le domainede l’éducation, il est crucial d’avoir en tête les notions d’ergonomie et de simplicité à l’égard des familles : « quand c’est mal conçu c’est inutilisable ». C’est pourquoi il insiste : il faut réellement mettre en place une logique de service à l’usager. Le but : faire en sorte que ces outils s’adaptent au plus près des besoins de la communauté éducative dans son entier mais aussi qu’elle prenne conscience de ses risques, notamment en termes de e-réputation.

Dans son intervention, Jean-Marie Gilliot s’est attaché à poser un certain nombre de questions sur les pratiques numériques.Veut-on seulementnumériser les pratiques actuelles à l’école ? Ou bien aller plus loin dans l’automatisation de l’apprentissage numérique ? Dans cette optique, pourquoi le numérique ?D’une part pour maîtriser les outils numériques mais aussi pour faire prendre conscience aux élèves d’une identité numérique assumée, en les sensibilisant aux « traces » bonnes ou mauvaises qu’ils laissent sur le net. Mais  dans une optique culturelle, il faut que le numériqueparviene à dépasser le « waow effect »; il doit également être une manière de développer sa créativité. Sur les modes d’appropriation Jean-Marie Gilliot considère que les outils ENT arrivent trop tard,dans le sens où collectivités, Education nationale, enseignants et élèves ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur les choix, et les objectifs sur le numérique. Pourtant, « il faut positiver le web », et dans le monde de l’éducation, il encourage les enseignants à s’y essayer « pas à pas, entre vous, doucement età votre rythme, mais maintenant ».

Qui paye ?

Jacques Lajus, chef de projet des Nouvelles Techniques de Communication à l’Inspection Académique des Landes, est quant à lui intervenu sur l’Environnement Numérique de Travail mis en place dans le département.Il le définit comme une plateforme numérique qui fournit « un bouquet de services (communication, blog, publication) qui s’adapte en fonction de l’utilisateur (parent, élève, administration, enseignant) »… Mais il insiste : « un ENT n’est surtout pas une solution technique. Le projet comporte en réalité l’idée que l’on s’en fait ».Dans les Landes, l’espace numérique de travail est à dimension départementale ;toutes les écoles primaires landaises en sont équipées. Dans les Landes, département rural s’il en est, l’ENT permet de créer une continuité du lien entreles écoles. Une manière de créer une porosité dans l’espace et dans le temps. Cet ENT, souligne-t-il c’est aussi une manière de clarifier certaines choses sur la pratique des réseaux sociaux pour que demain ils aillent dans d’autres environnements (ex : Facebook et autres réseaux sociaux) avec une certaine connaissance de ces outils.

Thierry Cagnon, soulève, dans son intervention les questionsque se posent les collectivités à l’heure d’établir les appels d’offre pour la mise en place d’ENT : « qui paye, que doit-on acheter et qui évalue ce qu’on a acheté ?  » Des questions, pour lui, « très urgentes ».
Un ENT c’est un outil. Comment les usages vont répondre aux programmes, à la taille des classes, et « est -ce que ça correspond bien à ce qu’attendent les inspecteurs généraux d’un côté et les jeunes de l’autre ? » Qu’est-ce qu’on achète ? La question se pose par rapport aux coûts et par rapport aux usages. Il souligne par ailleurs que le dialogue, concernant les manuels numériques, avec les grands éditeurs n’est pas simple. Enfin, sur la question de l’évaluation : « aucune réponse » déplore-t-il. Et de citer en exemple les ateliers linguistiques dont les lycées Aquitains sont quasiment désormais tous dotés ; « nous n’avons aucun retour d’expérience sur ces investissements ».

Pierre Frackowiak: le bonheur d’enseigner

Lors de son analyse finale et transversale,  Pierre Frackowiak, le grand témoin de cette journée, interpelle la salle : après tout, tous ces débats, ces échanges, ces discussions, ces outils et ces usages  « qu’est-ce que ça change ? » Pour lui, il ne faut en tous cas pas perdre de  vue deux mots souvent  prononcés au fil de cette journée :  « intelligence ( collective ) » et « savoirs ».
 « Si l’école ne sert pas à développer l’intelligence, alors, à quoi sert-elle ? » Selon lui, cette question doit être centrale, clairement formulée et  doit exister dans l’affichage des ambitions d’un système éducatif. Pour cela, « il faudra bien un jour se reposer la question de la place de l’élève au centre du système. Tout nous y pousse» affirme-t-il avec force et conviction.
Quant aux savoirs, « il faut prendre en compte les savoirs de l’élève acquis à l’extérieur du cadre de l’école ». Or, grâce à internet, on vit « l’explosion des savoirs ». Et, là encore, il ne peut s’empêcher d’interroger l’auditoire « Est ce que c’est concevable à une époque où l’on peut accéder facilement à tous les savoirs du monde que ça ne change rien en termes de savoirs scolaires ? »  Une question bien plus rhétorique que réellement interrogative…
Il y a non seulement les savoirs mais aussi leur transmission…  Pour l’inspecteur honoraire, nous sommes dans un contexte où la pédagogie n’existe plus .Or la pédagogie pour lui, « ce n’est pas l’art de faire un discours explicatif, mais c’est  de mettre les élèves et l’apprenant en situation d’apprendre ». Or, avec les outils numériques et collaboratifs abordés dans la journée, « le modèle pédagogique dominant de la transmission magistrale de l’explication est forcément remis en cause ».  Il faudra désormais prévoir plus de place au travail réel et actif de l’élève dans l’acte d’apprentissage. Ça suppose « beaucoup de problématisation et le développement de la pédagogie de situation », prévient Pierre Frackowiak. Mais il faudra en passer par là assure-t-il, pour redécouvrir « le bonheur d’apprendre  et le bonheur d’enseigner ».


 

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