Les grandes tendances du Plan Régional de Santé


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 25/09/2018 PAR Romain Béteille

Des Ehpads boudés (?)

PRS. C’est le diminutif donné au deuxième Projet Régional de Santé de Nouvelle-Aquitaine. Une « feuille de route » élaborée en concertation avec des professionnels de santé et groupes techniques, réunis pendant trois mois et qui ont apporté 120 contributions. Arrêté en juillet, il a été détaillé ce lundi à Bordeaux par le directeur de l’Agence Régionale de Santé, Michel Laforcade. Valable pour une durée de dix ans, il fixe jusqu’en 2028 des priorités régionales en matière de santé, en prenant en compte ses spécificités. D’abord au travers de « cinq défis à relever », au premier rang desquels le vieillissement de la population (y compris des médecins généralistes : un tiers a aujourd’hui plus de soixante ans dans la région). En effet, 14% des néo-aquitains auront 75 ans ou plus en 2027 (contre 11% à l’heure actuelle). Pour autant, le terme Ehpad est absent du document, un fait qui s’explique facilement selon Michel Laforcade. « On a proposé à chaque conseil départemental de créer un plan articulant le nôtre pour qu’il y ait une feuille de route précise dans les endroits où il y a des doutes. Il y a des domaines où nos politiques peuvent être en non-congruence. Par exemple, il a été décidé par tous les gouvernements successifs depuis dix ans de ne pas créer de places d’EHPAD supplémentaires mais plutôt de renforcer le maintien à domicile. Je ne peux pas faire apparaître dans le PRS que je vais créer 200 places supplémentaires chaque année. Certains conseils départementaux préfèreraient continuer à le faire, or on ne peut créer un EHPAD qu’avec une autorisation conjointe entre les départements et l’ARS. On veut vraiment maintenir les personnes à domicile et que chacun de son côté oeuvre pour développer l’hospitalisation et les infirmiers à domicile. Nous souhaitons que ces pratiques « explosent » mais je ne peux pas faire apparaître des choses que je ne serais pas en mesure de satisfaire ».

Voilà sans doute la raison pour laquelle le vieillissement est abordé, via l’une des « cibles ambitieuses » dictées par le PRS, par le biais du souhait de l’augmentation « de personnes prises en charge dans des structures de soins pour publics vulnérables (lits halte soins santé, lits d’accueil médicalisé, appartements de coordination thérapeutique) ». Il est même écrit noir sur blanc que la volonté est de « réduire les prises en charge en établissement » et de « renforcer le maintien à domicile en développant les offres alternatives à l’hébergement permanent ». Les Ehpad n’auraient-ils plus la côte ? Le 23 septembre dernier, l’inauguration d’un nouveau bâtiment de l’Ehpad de La Chapelle-Taillefert a permis de découvrir que 80% du financement de la rénovation provenaient d’un emprunt, le reste étant en auto-financement. La Nouvelle-Aquitaine, selon les chiffres de l’ARS au 31 décembre 2016 comptait 915 Ehpad (dont 177 en Gironde) et hébergeaient plus de 67 000 résidents. Il est aussi vrai que le plan « grand âge » dévoilé par Agnès Buzyn en mai (dont 100 millions d’euros par an pour rénover les Ehpad les plus anciens), avait déjà reçu un accueil mitigé.

L’absence d’une politique claire sur les Ehpad, c’est l’un des éléments reprochés à l’ARS par le président du Conseil départemental socialiste de Gironde, Jean-Luc Gleyze, en mai dernier, en plus d’un constat relativement flou, d’objectifs trop « généralistes » et ne tenant pas compte d’éventuels changements d’organisation dans des centres hospitaliers comme Libourne ou Langon, à tel point que le département a, en plus d’un avis défavorable au PRS, déjà enclenché la création de son propre plan santé. Pourtant, le PRS, qui se définit bien comme un « cadre d’action pour tous les acteurs de santé de la région » et a vocation à « coordonner l’ensemble des politiques publiques de santé », tente bien des objectifs concrets, du moins quand il semble le vouloir. Les onze priorités d’action sont, en effet, bien généralistes. Globalement, cela dit, on voit que les recommandations, notamment en matières de prévention, suivent les directives nationales. Pour l’ARS Nouvelle-Aquitaine, les annonces faites mardi par le gouvernement Macron ne semblent pas être une surprise. « Bien sûr qu’il faudra prendre en compte ces éléments nouveaux qu’on ne connaissait pas quand le PRS a été mis en place, je pense notamment aux 4000 assistants médicaux au niveau national. Les premiers doivent déjà apparaître sur les territoires dès 2019. Ca s’inscrit tellement dans le cadre des politiques globales déjà précisées (à savoir lutter contre les déserts médicaux ou essayer de rééquilibrer les offres de médecins sur le territoire) qu’on n’a pas besoin de changer le PRS pour que cette mesure supplémentaire que l’on va mettre en oeuvre trouve sa place ».

Objectif prévention

Ainsi, on apprend qu’un décès sur trois survenu avant 65 ans en Nouvelle-Aquitaine « peut être évité grâce aux changements de comportements individuels et aux conditions de vie » et que la baisse du nombre de ces décès a été moins marquée dans la région qu’au niveau national ces dix dernières années. 17% de la population souffre d’au moins une maladie chronique. Plus révélateur encore, il existe des écarts de mortalité importants entre départements. « Notre système est trop tourné vers le curatif, nous sommes loin d’être les meilleurs en terme de prévention », a ainsi souligné le directeur de l’ARS, « d’autant qu’on trouve au sein même de notre région des inégalités substancielles. Il y a par exemple trois ans d’espérence de vie supplémentaires dans les Pyrénées-Atlantiques qu’en Creuse, un département dans lequel il y a 23% de décès en plus, notamment des décès prématurés (avant 65 ans) dont on sait qu’ils sont évitables. Par exemple, 9000 décès sont liés au tabac chaque année en Nouvelle-Aquitaine. Le phénomène est plus marqué dans les Landes et la Creuse. En termes de taux de suicides, neuf départements sur douze sont au dessus de la moyenne nationale. Les déséquilibres territoriaux passent aussi par des domaines comme la psychatrie, où le taux d’équipement va du simple au double entre la Dordogne et les Deux-Sèvres, qui est le territoire le moins bien desservi dans ce domaine ». Ainsi, en Creuse, un programme spécifique a été développé et une quinzaine d’animateurs de santé publique recrutés en permanences. Ils interviennent notamment en dehors des hôpitaux pour promouvoir la vaccination et le dépistage.

Car la prévention a de multiples formes, et c’est sans doute dans ce domaine que l’ARS a chiffré les objectifs les plus précis de son PRS. A titre d’exemple, on peut citer une réduction du nombre d’enfants en surcharge pondérale ou obèses en classe de 6ème (via la pédagogie nutritionnelle ou l’amélioration de la restauration scolaire), augmenter l’activité sportive hebdomadaire (de plus de 5% chez les adultes, notamment en incitant les médecins à prescrire une activité physique ou en « favorisant la pratique des mobilités douces par les collectivités »… comme quoi tout se recoupe), faire passer le taux de fumeurs de moins de 18 ans de 36% à 11% (et de 28 à 17% chez les plus de 18 ans). On peut aussi citer l’objectif de 60% des femmes ayant bénéficié d’un dépistage du cancer du sein ou du cancer colorectal (contre respectivement 54 et 33,8% aujourd’hui) ou la volonté de mettre en place des ateliers pédagogiques, notamment dans les maternités ou les crèches, pour limiter l’exposition des femmes enceintes aux risques liés aux substances chimiques (plus de 50% des femmes devront connaître les sources de pollution dans leur domicile d’ici à 2028).

Lutter contre les déserts

L’autre phénomène contre lequel le gouvernement semble vouloir lutter, c’est cette fameuse désertification médicale. Le nouveau zonage régional adopté en même temps que le PRS a pour objectif évident d’y contribuer. La Dordogne, par exemple, a l’une des plus faibles densités de médecins généralistes de la région (0,83 généralistes pour 1000 habitants contre 1,42 en Nouvelle Aquitaine). Mais selon les chiffres de l’ARS, 9% de la population n’a pas accès à des soins urgents en moins de 30 minutes. Face à ce constat, les solutions proposées par le PRS sont nombreuses mais suivent encore une fois la tendance nationale : augmentation du nombre de consultations avancées pour faciliter l’accès à des spécialistes, créer des « points d’accès territoraux » de télémédecine ou développer les MCS (Médecins Correspondants du SAMU) dans les territoires où le délai d’accès aux urgences est supérieur à 30 minutes. L’autre tendance, elle aussi nationale, c’est la direction commune entre les différents centres hospitaliers. Chaque hôpital a beau conserver son autonomie financière et garder son propre conseil de surveillance, la mutualisation est clairement l’objectif de cette nouvelle organisation. C’est notamment le cas entre Périgueux et Sarlat. « Globalement, c’est une bonne initiative », a souligné Michel Laforcade. C’est plutôt positif pour Sarlat. Si l’établissement n’avait pas mutualisé son personnel hospitalier, ça fait longtemps qu’il n’y aurait plus ni maternité, ni obstétrique, ni chirurgie. Or, on voulait maintenir cette activité ». D’autres établissements suivent le mouvement. Ce sera notamment le cas, après délibération des conseils de surveillance en octobre, des hôpitaux de Poitiers et Châtellerault. « On ne peut pas imposer une direction commune, on ne peut que la susciter. Mais globalement, les professionnels l’attendent. Ca permet de restructurer les établissements plutôt que de les fermer ». En plus de cette mutualisation, l’ARS souhaite d’avantage de coopération entre les établissements publics et privés (ont été cités Bergerac, Guéret, Villeneuve-Sur-Lot ou Arcachon, où un partenariat a déjà été mis en place). Le risque d’une privatisation de certains soins reste pour autant bien présent dans la politique de réorganisation des hôpitaux, et ce n’est pas la réorganisation des hôpitaux de proximité annoncée dans le plan santé qui devrait inverser la tendance.

Des déclinaisons locales attendues

S’il n’aura pour l’instant pas permis de déterminer le sort de chaque établissement de la région, le PRS a en tout cas tenté de souligner les grandes tendances : prévention, mutualisation, maintien à domicile et réduction des inégalités d’accès aux soins dans les territoires. Le dossier est en tout cas largement à suivre : des plans d’action territoriaux devraient être créés dans les prochains mois, pour articuler de manière plus précise les actions sur les territoires. Et le directeur de l’ARS l’assure, pas question d’être en concurrence frontale avec la « feuille de route santé » du Conseil Régional ou avec le « plan santé » départemental. « On n’est pas du tout dans cette logique. Quand le Conseil Régional, après l’avoir travaillé avec nous, lance un plan santé pour faire en sorte qu’au titre de ses compétences il puisse retrouver la dimension santé, ça nous va très bien parce qu’on ne pourrait pas intervenir. Quand Alain Rousset dit qu’il veut développer des start-ups dans ce domaine, on ne peut pas financer ça, ni la recherche. On essaie vraiment d’être complémentaires. Quand le conseil départemental veut travailler sur l’emploi du conjoint, donne une prime supplémentaire et un hébergement aux médecins qui viendront travailler chez lui… ça ne fait que renforcer de manière positive l’action de l’ARS et ça me semble en termes de santé publique une évidence que l’on oublie beaucoup. Qui dit santé nous amène à penser soins, mais les soins ne jouent que pour 10% des déterminants de notre santé. C’est encore plus l’état des routes, l’alimentation, l’air que l’on respire qui la déterminent. Si toutes les collectivités nous aident, c’est plutôt positif ». A n’en pas douter, les déclinaisons locales du PRS auront pour tâche d’apporter de nouveaux éclairages plus concrets à cette entente cordiale.

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